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Rien ne s’oppose à la nuit

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En 2008, la mère de Delphine de Vigan, Lucile, s'est donné la mort. Elle avait 61, 20 ou mille ans c'est selon. C'est sa fille, l'auteur de ce livre et de tant d'autres désormais que j'ai tous aimés, qui l'a découverte. Traumatisme dont on ne se remet pas et que Delphine de Vigan a peut-être tenté de conjurer en écrivant cet ouvrage.

Pour noircir les pages de « Rien ne s'oppose à la nuit », elle s'est lancée dans une entreprise homérique, interviewant chaque membre de sa grande famille, afin de percer le ou les secrets de cette mère si particulière. Une mère si jeune, dont la beauté – c'est elle sur la couverture du livre – fut peut-être le plus lourd des fardeaux. Une mère dont la maladie ne fut diagnostiquée que tard, après une énième crise de délire. Maniaco-dépressive. Bipolaire.

Bien sûr, la famille de Lucile est des plus dysfonctionnelles, peuplée de doux dingues, hantée par le décès de trop d'enfants. Par cette singularité, il est difficile de s'y identifier et ce n'est pas l'objet. Pourtant, au delà de toute l'originalité féroce de cette tribu, ce livre m'a parlé comme peu l'ont fait.

Parce qu'il y est question de maternité, de la façon dont on trouve sa place dans une fratrie, de cet amour dévorant entre mère et fille et de la mort de la mère, de ce vide qu'il est impossible de combler, jamais. Il est aussi question de l'écriture, de son pouvoir dévastateur et pourtant rédempteur. Il y a plusieurs histoires dans l'histoire, celle de Lucile, à laquelle on s'attache en dépit de sa folie qui n'est pas toujours douce, celle de Delphine et de son attachement à cette mère qui l'aime mais lui fait si mal. Il y a l'histoire de ce travail sans fin que représenta l'accomplissement de ce presque devoir de mémoire.

Delphine de Vigan m'impressionne, au sens propre du terme, à chacun de ses romans. Son écriture est de plus en plus épurée, pas un mot ne dépasse. Tout le long de ce livre, elle exprime sa peur de trahir ses proches en écrivant ce qu'ils ont été. Je ne connais pas ses proches, je ne connais pas Delphine de Vigan, mais je crois qu'elle a réussi l'exploit justement de ne jamais être dans un quelconque jugement, une quelconque accusation. Même les personnages les plus troubles en sortent aimables.

Je ne vous le conseille pas, je vous en conjure : lisez « Rien ne s'oppose à la nuit ».

"Ma famille incarne ce que la joie a de plus bruyant, de plus spectaculaire, l'écho inlassable des morts et le retentissement du désastre. Aujourd'hui je sais aussi qu'elle illustre, comme tant d'autres familles, le pouvoir de destruction du verbe et celui du silence".

 

J’ai lu le dernier Delphine de Vigan et…

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… je l’ai descendu en à peu près une journée. Et encore, mis bout à bout, je pense que je l’ai avalé en trois ou quatre heures. Est-ce que c’est en soi un critère de qualité, je n’en sais rien, j’ai cessé depuis longtemps en vérité de me demander si ce qui me plait est une grande oeuvre, je suis capable de me plonger avec délices dans des choses extrêmement légères et peu exigeantes. Mais Delphine de Vigan a depuis son dernier opus, « Rien ne s’oppose à la nuit », une caution littéraire. Elle est estampillée « chef d’oeuvre », donc à priori, on est loin du thriller facile et bien huilé. Sauf que ça se lit comme un thriller bien huilé. Mais qu’une fois refermé, on y réfléchit, on se demande à quel moment on s’est laissé berner, à partir de quelle page on a compris qu’en plus d’être en effet le récit d’une rencontre étouffante, d’une amitié qui tourne au drame – un schéma largement exploité par nombre de romans et films, dont le plus célèbre reste pour moi « Jeune fille cherche appartement » – ce livre était une métaphore. Celle du Je qui est toujours un autre, celle de la fiction qui n’en est probablement jamais vraiment une, de même que l’autobiographie ne sera jamais le reflet total de la Vérité. En lire plus »