
Il y a vingt ans, après des mois allongée pour cause de col mou (quelle partie de mon corps ne l’est pas), la sage-femme qui me suivait a commis l’erreur de m’autoriser à me lever. Une salade césar plus tard, les contractions sont arrivées. Bien trop tôt. Le churros, appelé au secours, a déboulé paniqué et nous voilà partis à la maternité dans une bagnole prêtée par un ami, qui roulait par je ne sais quel miracle. Je ne m’étendrai pas sur la grâce avec laquelle je m’en suis extirpée. Très vite, j’ai compris que pour l’accouchement rêvé, il faudrait repasser. Non seulement les deux bébés étaient en siège mais pour une raison toujours pas vraiment élucidée (mais à priori une erreur de l’anesthésiste de garde) il a été décrété que je ne pouvais pas me voir administrer une péridurale pour la césarienne qui elle était non négociable. Ce serait donc une anesthésie générale, en urgence, à 34 semaines de grossesse, dans une clinique dépourvue de département néonat. La fête. Je me souviens avoir pleuré avant qu’on m’endorme et d’avoir crié que je ne voulais pas mourir sans voir mes enfants. Je ne suis pas morte ce jour là mais je n’ai pas vu mes enfants. J’ai pu toucher le pied de mon fils juste avant que la double couveuse soit emmenée par le Samu à l’autre bout de Paris. Je ne verrais le visage de mes bébés que trois jours plus tard, trois jours à me lyophiliser, à me vider de larmes qui semblaient se régénérer au fur et à mesure que les heures passaient. En lire plus »