"Tiens samedi, il y a un vide-grenier en bas de notre tour, on prend un stand, ça vous dit d'en avoir un aussi ?", me demande ma copine Zaz mercredi dernier entre deux spéculoos trempés dans notre earl grey.
Moi, sans trop réfléchir, je réponds que bah ouais, pourquoi pas, c'est pas comme si on n'était pas envahis par une quantité infinie d'objets non utilisés. Et puis jouer à la marchande avec ma copine et les marmots, ça fait partie des trucs qui m'apparaissent comme étant trop cools à faire.
Seule petite ombre au tableau, me dis-je, une fois Zaz partie, la réaction à venir du churros. Qui ne goûte pas particulièrement les ambiances kermesse et compagnie.
Comme quoi même après 15 ans d'amour, on peut se tromper sur les gens. A savoir qu'au lieu de faire la grimace, le churros s'est montré très enthousiaste.
Très.
Trop.
C'est à dire que dans mon esprit à moi, dans "faire un vide-grenier avec ma copine", c'est surtout la deuxième partie de la phrase qui importe. Autrement dit, manger une merguez, boire des planteurs, fumer des clopes et de temps en temps encaisser la monnaie en échange de deux trois sapes devenues trop grandes et d'éventuellement quelques jouets perdus pour la cause.
Grave erreur d'appréciation. Pour le churros, maniaque de la poubelle et roi des encombrants, "vide-grenier" = occasion unique et inespérée de se débarrasser de… tout.
Quand j'ai vu cette drôle de lueur s'allumer dans ses yeux, j'ai eu le pressentiment d'avoir ouvert la boîte de pandore. Quand il a commencé à étiqueter la chaise haute de Rose (qu'on nous a DONNÉE), le four à micro-ondes, le baby-cook et mon tire-lait*, j'ai compris que j'avais créé un monstre.
Je ne plaisante pas, il s'en est fallu de peu qu'il appelle les déménageurs bretons et qu'il se renseigne sur les prix d'un groupe électrogène pour "optimiser" notre stand. En fait je l'ignorais mais je vis avec Victor Lanoux.
Bref, autant être clair, ce qui s'annonçait comme une partie de plaisir a pris un tout autre tour quand le churros a réalisé 1) que je n'avais absolument pas l'intention de passer mes soirées à fignoler un plan d'action pour faire de ce vide-grenier une opération 100% réussie, 2) que plutôt crever que de me séparer de mon mixeur-blendeur au simple prétexte qu'il ne marche pas et que 3) ni ses enfants ni moi ne semblaient motivés à l'idée de faire le tri de tout ce qu'il y a d'inutile dans la cave.
Cave qui est au demeurant SON endroit, dans lequel tout ce qui traîne est susceptible d'échouer, de préférence MES affaires et encore c'est quand j'ai de la chance la plupart du temps c'est la poubelle direct.
De plan de bataille il n'y a donc point eu (ne jamais sous-estimer ma force d'inertie) et nous sommes finalement partis de chez nous à 10h du matin (la brocante démarrait à 9h et zaz avait déjà plié comme il faut sur sa table tous ses tee petit-bateau à 1 euro), chargés comme des baudets de montagnes de fringues, d'un bon millier de petites voitures et d'un ensemble assez hétéroclite de marchandises, allant de la lampe de bureau cassée au porte bébé, en passant par des figurines mac-do sans piles. C'est simple, on n'avait pas intérêt à croiser Brice, parce que c'était un aller-simple pour Bucarest et suppression de passeports dans la foulée. Tout ça avec une helmut couverte d'un urticaire géant du plus bel effet et hurlant à la mort parce qu'elle venait de se voir refuser le droit de porter une caisse de legos plus grosse qu'elle pendant les 100 mètres séparant de notre domicile – désormais vide – du vide grenier.
Après s'être étripés en public au motif que tout de même j'aurais pu préparer ça un peu mieux à mes heures perdues (gné ?), on a fini par trouver de la place pour notre bardas. On a ensuite flingué la réserve de post-it de Zaz en s'engueulant à nouveau pour décider des prix auxquels on allait assurément vendre toutes nos merdes. Les "merdes" étant comme de bien entendu MES affaires, estimées par mon futur ex mari à moins de 2 euros le kilo, quand le sabre laser star-wars, lui, valait au bas mot 10 euros (et nous est donc resté sur les bras pour le plus grand bonheur du machin qui l'a d'ailleurs consciencieusement planqué tout au long de la journée). Ok, j'ai fait pareil avec les bodys de Rose. Et mon baby-cook.
Etrangement, une fois tout déchargé, le surinvestissement dont avait fait preuve le churros a fondu comme neige au soleil. Plus exactement, c'est le churros lui même qui s'est volatilisé, accompagnant le roi des nachos (le churros à Zaz) boire un café, puis une bière, puis un coca, etc. En gros, il avait accompli sa mission, à savoir vider notre appartement et m'engueuler. Le reste m'appartenait
Cela dit, j'avoue, j'ai rapidement été prise par le virus de la vente. En même temps, à 5 euros la veste en jean (ma pièce la plus chère) et 20 centimes la petite voiture, je n'ai pas grand mérite. Ma copine Zaz fulminait un peu – la pauvre elle a beaucoup moins la fibre que moi, on a ça dans le sang ou on l'a pas – mais au final a fait à peu près la même recette que nous en vendant dix fois moins d'objets.
A bien y réfléchir je crois qu'elle est en réalité juste beaucoup plus redoutable que moi. Sa tête quand elle est revenue et que je lui ai annoncé fièrement voir vendu sa chemise gap à 2 euros, je ne vous dis pas.
A un moment il a fallu qu'on m'arrête parce que j'étais à ça de bazarder Rose pour 50 centimes. Morve et urticaire compris.
Au final, on est revenus chez nous un poil moins chargés avec une caisse renfermant un butin de 97,20 euros. Une fortune, quoi.
Problème: le churros nous a déjà inscrits à celle de la semaine prochaine et cherche un moyen d'automatiser une partie des procédures. Je vous dis, je crois que j'ai mis le doigt dans quelque chose qui me dépasse.
* Je sais, j'ai pris beaucoup de distance avec tout ce qui est deuil de la maternité, de l'allaitement et compagnie. Le premier qui tente de se débarrasser de mon tire-lait, de mes soutiens gorges d'allaitement et même de mes culottes de grossesse je lui casse sa gueule.
Allez, je vous laisse en photos, histoire de prouver que les grands sont toujours et à vie des petits, et que oui, le stand à Zaz était un poil plus ordonné que le notre. Et je vous avertis que je ne répondrai pas beaucoup aux commentaires today pour cause de déplacement dans la ville des pâtes à la viande et à la tomate. Yes, today et domani, je suis à Bologne, en Italie.