Catégorie : Les régimes

Déséquilibre hormonal

Parmi les espoirs insensés des rondes – outre celui d'attraper le vers solitaire – il y a celui d'être vicitme du fameux déséquilibre hormonal. Quelle ronde n'a pas entendu cette phrase : "tu devrais faire une analyse, si ça se trouve, tu souffres d'un déséquilibre hormonal".

 

Que la ronde qui n'a jamais prié pour que sa thyroïde soit la cause de ses kilos en trop me jette la première pierre… En général, d'ailleurs, lors de sa première visite chez le nutritionniste – et ce, même si c'est le vingtième en dix ans – la ronde suggère, d'un air faussement innocent: "je me demande si je n'ai pas un problème hormonal…". Il suffit au médecin averti de jetter un rapide coup d'oeil au cou de sa patiente pour déclarer, agacé: "non, votre thyroïde est parfaite".

 

Parfois tout de même, il prescrit une analyse de sang, histoire de s'assure que le taux de TSH (hormones produites par la thyroide) de la ronde soit dans les normes. Celle-ci court alors au laboratoire, en priant pour que cette fois-ci, le résultat soit positif. La perspective de se retrouver sous traitement le reste de ses jours ne lui fait absolument pas peur. Le simple fait d'imaginer qu'il pourrait exister une solution médicamenteuse à ses problèmes la plonge dans une sorte d'extase.

 

Bien sûr, à chaque fois, la sentence est la même, sa thyroïde a la régularité d'une horloge suisse. Le nutritionniste le lui annonce triomphant, sur l'air de "je vous l'avais bien dit". Et devant sa mine déconfite il achève d'enfoncer le clou, en lui expliquant qu'une thyroïde défaillante pourrait être à l'origine de deux trois kilos en trop, mais sûrement pas d'une véritable surcharge pondérale…

Spécial maigrir

Voici venu le temps des numéros "spécial maigrir" de nos chers magasines féminins. Enfin, peut-être que je devance un peu, ces numéros spéciaux arrivent en général avec le printemps, puisqu'ils ont pour objectif de nous préparer au grand challenge de l'année, à cette fin en soi de toute femme qui se respecte, l'épreuve du maillot de bain.

 

Une question taraude la ronde depuis des années: qui parvient à suivre les régimes prescrits dans les Elle, Marie-Claire, Cosmo et autres ?

 

Plusieurs fois, la ronde a essayé. Mais elle a dû se rendre à l'évidence: pour respecter à la lettre les recettes magiques de ces magasines, il faut arrêter de travailler durant toute la période de diète. Sous prétexte de proposer des mets délicieux à basse calories, nos chers journalistes de la presse féminine rivalisent d'imagination, et convoquent qui un grand chef, qui une nutritionniste à la mode, qui, encore, un expert de la nourriture aryuvédique. Le résultat: des plats nécessitant des temps illimités de préparation et, au final ne ressemblant pas du tout aux photos du journal. En comptant les heures à arpenter les boutiques bio aux quatre coins de Paris (provinciales, désolées, vous partez avec un handicap de taille) pour dénicher les épices et produits rares indispensables, puis celles, interminables, passées au fourneau, la ronde a peu de chance de manger avant la tombée de la nuit. Ce qui constitue peut-être la seule réèlle valeur de ce type de régime: on est tellement occupé à préparer ses repas qu'on n'a pas le temps de les avaler…

 

Heureusement, ces dernières années, les "Spécial maigrir" pensent aux rondes "actives". A bien y regarder, les recettes ne changent guère. Le bavarois de betterave au coulis de gingembre accompagné de son émincé d'endives au quinoa se retrouve tout bonnement entre deux tranches de pain, et nouvellement baptisé: "petit sandwich de betteraves garni aux endives et assaisonné de graines de quinoa". Car, oui, pour nos magasines féminin adorés, la solution pour les femmes actives est le sandwich. Question de la ronde agacée: Où se trouve cette boulangerie qui vend autre chose que des "parisien", des "thons mayonnaise" ou "camembert-salade" ?

 

Je ne parle même pas de tous les petits à côtés également recommandés par nos toujours si chères rédactrices de mode: les massages à 105 euros la demi-heure, les crèmes dont le prix équivaut à un aller-retour paris-londres, les séances de mésothérapie, les liposuscions en tout genre, etc. Un mois de salaire n'y suffirait pas.

 

Bref, à moins d'être riche et inactive, mieux vaut faire l'impasse sur la frénésie des "spécial maigrir" du mois d'avril. Et pourtant, chaque année, la ronde dépense quelques dizaines d'euros dans l'achat de ces magasines. Comme si le fait de les acquérir allait déjà la faire mincir…

Une haleine de javel

"Un sachet le matin, un sachet le midi, un sachet le soir. Possibilité le soir d'ajouter des légumes verts à volonté, mais pas n'importe lesquels. Sont exclus les petits pois, les haricots verts, les brocolis, les carottes, les aubergines, ces derniers étant comme chacun le sait extrèmement caloriques. Une cuillère à café d'huile d'olive par jour. Deux gélules de potassium pour éviter les courbatures dûes à la suppression des fruits. Trois gélules multivitaminées le matin. Coca light à volonté". La prescription ainsi rédigée était aimantée sur le frigo de la ronde.

 

Le première semaine elle suivit ces consignes à la lettre. Monsieur Protéines lui avait expliqué que la suppression totale des glucides engendrerait un processus chimique consistant en une production d'acétone. Grâce à ce processus, la ronde allait perdre très rapidement 4 ou 5 kilos et cela sans fatigue, l'acétone ayant des vertus energisantes ou euphorisantes. Seul petit effet secondaire désagréable: une haleine un peu chargée, dûe justement à l'excès d'acétone.

 

Passés les premiers jours de jeûne, la ronde se vit certes délestée d'un ou deux kilos – et non 4 ou 5 – mais ne se sentit pas à proprement parler en pleine forme. Quand à l'euphorie promise, elle la cherche encore…

 

Pourtant, elle était convaincue de fabriquer suffisamment d'acétone. Enfin, c'est ce qu'elle en déduisait compte tenu des mouvements de recul de ses proches dès qu'elle ouvrait la bouche. Pas de doute, à ce sujet, monsieur Protéines ne lui avait pas menti.

L’ultime régime

 

Malgré tous les efforts de l'homme, la ronde ne parvenait pas à croire qu'il pourrait la désirer très longtemps sans qu'elle maigrisse. "Tu me plais comme ça, ne change rien", lui répondait-il à chaque fois qu'elle l'interrogeait. Mais la ronde entendait "tu me plais mais je t'aimerais encore plus avec quelques kilos en moins".

 

C'est à cette période qu'elle fit la connaissance de "monsieur protéines". Dans son cabinet luxueux, il la jaugea et fit des calculs savants. Il lui annonça qu'elle avait 15 kilos de trop et qu'à raison de trois semaines de "diète protéinée", elle les perdrait très facilement. La ronde repartit avec son "ordonnance" de sachets et, bien qu'un peu perplexe, très excitée à l'idée d'être une autre dans trois petites semaines.

 

Dans une minuscule officine d'un quartier chic parisien – à l'époque les boutiques protéinées ne pullulaient pas encore -, elle fit ses courses de nourriture pour le mois à venir. Omelettes aux herbes, pudding au chocolat, gratin de courgette, muffins à la vanille, soupe de poireaux… Le tout en sachets lyophilisés. Le passage en caisse finit de la convaincre du sérieux de la chose. A 300 euros les 10 boîtes, la cure ne pouvait pas ne pas marcher.

 

Le premier matin, après un dernier repas du condamné, gargantuesque, au cours duquel elle dégusta ce qui était censé être l'ultime tiramisu de sa vie de grosse, la ronde se prépara le fameux muffin à la vanille en poudre. Dès la première bouchée, et après avoir vérifié qu'elle n'avait pas utilisé le sachet "soupe de poireaux" en lieu et place du muffin, elle comprit que ces trois semaines seraient probablement les plus longues et les plus déprimantes qu'elle n'ait jamais vécues.

Les bons amis

Durant les quelques mois où elle fut mince, la ronde pût constater que son entourage la préférait grosse. Au début, ses copines l'encourageaient. Et puis, petit à petit, les remarques ont fusé. "Tu as mauvaise mine tu sais", "franchement, je ne suis pas sûre que ton visage soit fait pour être si maigre, ça te vieillit". "Ce n'est plus toi, on ne te reconnait plus"…

 

Bien sûr, certaines de ces réflexions partaient d'une bonne intention. Ses amis s'inquiétaient de la voir fondre. Mais la ronde réalisa également qu'en changeant de corps, elle transgressait un ordre bien établi. Elle avait jusqu'alors été un faire valoir pour les plus minces et plus jolies qui l'entouraient. Une copine sympa et un peu enveloppée présente bien des avantages. Elle n'est pas dangereuse, ne fait pas d'ombre, est toujours prête à écouter les histoires d'amour de celles qui ont le privilège d'en vivre.

 

Mais là, subitement, la ronde passait de l'autre côté. Et puis avec ce régime, "elle n'était vraiment plus très drôle". Enfin bref, vraiment, vivement que cela lui passe, semblaient penser tous ces bons amis. D'ailleurs, quand elle se mit à reprendre ses kilos, tous lui dirent à quel point ils la préféraient ainsi. "Oui, vraiment, on te retrouve. Sans tes bonnes joues, on t'avait perdue…"

 

Ce qu'ils ne voyaient pas, c'est qu'elle, elle aurait donné un bras pour rester mince. Que ses bonnes joues, elles les haïssait depuis toujours et que franchement, elle se sentait tout à fait elle-même dans ce nouveau corps. Ce qu'ils ne comprenaient pas, c'est qu'elle n'était peut-être pas très drôle en sylphide, mais qu'elle était bien plus heureuse. Peut-être qu'en fait, ils l'avaient compris. Mais peut-être que ça ne les arrangeait pas vraiment.

 

D'ailleurs, il faut l'admettre, lorsqu'une de ses congénères se met au régime, la ronde elle même se surprend parfois à espérer que ça ne marche pas. Aurait-on toujours besoin qu'une plus grosse que soi ?

Histoire de minceur

La ronde a été mince. La première fois, c'est arrivé sans prévenir. Un chagrin trop fort. La ronde aimait à en devenir folle et lui ne voulait pas d'elle. Elle a cru que sans ses kilos, il changerait d'avis. Alors elle a arrêté de manger. Au début, de toutes façons, elle n'y arrivait plus, trop de larmes avalées. Très vite, elle a fondu. Alors elle a continué son jeûne. Elle avait bien la tête qui tournait un peu et les jambes qui flageolaient dès les premières heures du jour. Mais cette fatigue n'était rien, comparée à ce corps qui s'affinait de jour en jour. Elle a commencé à porter des jupes, de plus en plus courtes. Elle s'est acheté des tenues plus moulantes et provocantes les unes que les autres. Moins cinq kilos, moins dix, moins quinze. La ronde n'était plus ronde.

 

Elle passait des heures à se regarder. Pas tellement pour s'admirer, non, juste parce qu'elle n'en revenait pas de ce corps qui n'était pas le sien. Lorsqu'elle surprenait son reflet dans les vitrines des magasins, elle sursautait. Quand les regards des hommes se faisaient plus insistants, elle n'y croyait pas. Si pour les autres elle était devenue mince, elle restait à ses propres yeux plus grosse que jamais.

 

Pourtant, la graisse s'en était vraiment allée. Allongée, elle sentait les os de ses hanches. Ses épaules saillaient et ses seins avaient fondu. Elle avait maigri de partout. Les bagues glissaient de ses doigts et même ses chaussures étaient devenues trop grandes. Le soir, la ronde tremblait dans son lit, cette maigreur lui donnait froid et lui faisait presque peur. Mais elle aurait préféré mourir plutôt que reprendre du poids.

 

Il lui fallut toutefois un jour se rendre à l'évidence, l'objet de tous ces sacrifices, celui qui avait tout déclenché, ne l'aimait pas plus. Son poids n'avait rien à voir dans ce désamour, finit-elle par apprendre, le garçon en question n'aimait que les garçons…

Faites que je maigrisse

 

« Faites que je maigrisse, faites que je maigrisse, faites que je maigrisse… ». Tous les soirs, petite, je me répétais cette prière. Je me disais que peut-être, un matin, je me réveillerais délestée de mes kilos. En récitant cette litanie, je prenais mon ventre à deux mains, et je le pétrissais à m’en faire gémir de douleur. Si seulement j’avais pu arracher ce bourrelet, m’amputer de cet amas de chair affreux…. Je m’inventais pour m’endormir une maladie inconnue qui m’aurait fait fondre. Je devenais sylphide et mes problèmes disparaissaient. Tous les garçons me regardaient enfin sans s’esclaffer, mes copines m’enviaient et les séances de gym arrêtaient d’être un enfer. Enfin bref, la vie n’était plus la même.

Mais tous les matins, je me réveillais avec mes bourrelets. Aujourd’hui encore, après des dizaines de régimes et un corps un peu moins haï, mon premier geste le matin est de porter ma main à mon ventre, en espérant secrètement n’y trouver qu’un léger creux.

Le carnet alimentaire

Un bon nutritionniste ne manque jamais de demander à sa patiente de rédiger un carnet alimentaire. Il s’agit tout bêtement de rendre compte jour après jour, repas après repas, grignotage après grignotage, de tout ce tu as ingéré. « Facile », tu penses, dans un premier temps. Erreur. Le carnet alimentaire est le miroir de toutes tes incartades. Si un carré de chocolat par ci, un morceau de pain par là ne te paraissent pas bien méchants à y penser comme ça, la liste complète de tes écarts prend des airs, sur le papier, d’inventaire à la Prévert.

Les premiers temps, le carnet alimentaire a un effet magique : il te fait maigrir. Tu n’as tellement pas envie d’y inscrire quoi que ce soit, que tu te censures et te retiens de grignoter. Tu as aussi très envie d’épater le nutritionniste à la prochaine séance et tiens à lui prouver que la nourriture équilibrée ça te connaît. Pas question de passer pour une boulimique, une névrosée du gras, une obsédée du sucre. Au terme des deux semaines, c’est une patiente amincie et fière qui présente ses devoirs au médecin. Qui n’est évidemment pas dupe. Et qui, en dépit de tes efforts, déniche quelques « incohérences alimentaires » malgré tout. Exemple, ce steak haché de jeudi, auquel a succédé un morceau de fromage, suivi d’un yaourt aux fruits. Malheureuse ! Ne sais-tu donc pas que tous ces aliments sont à ranger dans la même famille, celle des méchantes protéines animales ? Séparées, elles ne sont pas nocives, mais ensemble, c’est le cocktail explosif !

 

Tu commences à comprendre qu’en effet, tu jongles dangereusement avec ta santé sans le savoir depuis des années. Tu te félicites surtout de t’être maîtrisée durant ces deux semaines, parce que le carnet n’aurait alors été qu’une succession « d’aberrations nutritionnelles ».

 

Le nutritionniste te conseille de continuer à tenir ton petit journal et de tenter de repérer toi-même les erreurs que tu peux faire. Le problème, c’est que petit à petit, au lieu de te priver et de jouer à la bonne élève, tu réalises que tu peux également tricher et ne pas respecter à la lettre la vérité. Tu te mets à passer beaucoup de temps à concocter des menus parfaits sur ton carnet, qui n’ont bien sûr plus rien à voir avec ce que tu as réellement mangé. Mesquine, tu insères ça et là volontairement quelques écarts ou « incohérences alimentaires », pour que le médecin ne se doute pas du pot aux roses. Et au rendez-vous suivant, c’est une patiente fière mais beaucoup moins amincie qui présente au médecin ce qui pourrait être « un manuel du bien manger ». Qui n’est pas dupe non plus. Et qui te dit de laisser tomber le carnet alimentaire pour l’instant.