On m’avait dit, « tu verras, Berlin, c’est moche mais c’est génial » (je résume). On m’avait promis, « tu vas adorer, tu vas tomber amoureuse, c’est obligé ». Forcément, du coup, fidèle à mes superstitions idiotes (« si je pense trop que je vais avoir une bonne note, c’est sûr, je vais me planter », fut le mantra de toute ma scolarité), j’avais hyper peur de ne rien éprouver de tout ça et de passer totalement à côté de la magie berlinoise. D’autant que nous sommes arrivées sous la pluie et que durant nos trois jours dans la capitale allemande, nous avons aperçu un seul et pauvre rayon de soleil (littéralement). Ce qui généralement ne m’aide pas à aimer un lieu, je suis en effet lumino-dépendante à un point presque pathologique.
Et pourtant.
Dès les premières heures du premier matin, je l’ai sentie. Cette atmosphère dont tout le monde parle. Cette impression de liberté, cette simplicité. Oui, la ville est un peu laide, tout au moins par endroits, criblée de travaux, sans homogénéité architecturale, immense et taguée, encore éventrée par les vestiges de ce mur sombrement mythique. Mais en réalité, la ville est belle. Belle de ses jardins, de ses cours, de ses immeubles renaissance qui côtoient les barres emblématiques de l’ancienne RDA, de son street art omniprésent, de ses bars aux terrasses illuminées de lanternes guinguettes, de ses canaux qui par moments évoquent la belge Bruges, de la Spree qui se prélasse, de ses anciennes usines de brique rouge réhabilitées en centres culturels alternatifs.
Découvrir Berlin, c’est bien sûr faire un voyage à travers le temps, c’est traverser ces époques les plus sombres, c’est apercevoir sur les trottoirs ces petites plaques de cuivre gravées des noms de juifs déportés et avoir le ventre qui se noue, c’est tomber sur un morceau de mur ou longer le kilomètre de l’East Side Galerie, plus grand musée à ciel ouvert au monde, vestige de l’immonde cicatrice qui sépara des dizaines d’années durant les Berlinois. C’est frissonner devant la Brandenburg Tor, se dire qu’un jour, Hitler y célébra son arrivée au pouvoir, mais qu’un autre jour, des milliers d’Allemands y détruisirent pacifiquement le mur de la honte. C’est marcher dans le Tiergarten et avoir l’impression de se promener en forêt, c’est s’asseoir sur l’un des blocs de béton du mémorial de l’holocauste et se dire que plus jamais… j’espère. En lire plus »