Catégorie : Les interviews de la ronde

Podcast « Les belles histoires » #2

Voici le deuxième podcast des « Belles histoires » enregistré pour Holissence. Il est totalement différent du premier, il raconte cette fois-ci le parcours de Sophie Trem, une jeune femme dont le dynamisme et la créativité sont hyper énergisants. Un exemple d’entrepreneuriat, qui prouve que parfois les idées les plus folles sont aussi les meilleures. Un immense merci une fois encore à Elodie, la fondatrice d’Holissence qui me permet d’explorer d’autres contrées et qui a favorisé cette rencontre… Et merci à vous aussi, de me suivre dans ces aventures. Cette fin d’année est un peu déstabilisante, elle fourmille de projets divers et variés et je réalise régulièrement à quel point la colonne vertébrale de tout cela, la cohérence, s’il faut en trouver absolument une, c’est le blog, c’est ici avec vous, comme une boussole, un point d’ancrage. Alors même si je suis moins présente ici, sachez-le, ça compte.

Pour écouter le podcast c’est ici.

Pour écouter le précédent podcast, c’est ici.

« De battre son coeur s’est arrêté », le premier Podcast pour Holissence

Je viens en passant vous parler de ce premier podcast que j’ai réalisé pour Holissence. Je vous l’avais évoqué, le voilà, tout chaud sorti du four. Il a les défauts de sa jeunesse, des bruits de fond que l’on n’avait pas anticipés et sans doute de ma part encore un peu de trac au fond de ma voix. Mais l’histoire qu’il raconte est forte et m’émeut à chaque fois que je l’écoute. J’espère que vous apprécierez cette écoute et que le format vous plaira. Et je souhaite de tout coeur que ce soit le premier d’une longue série. Merci d’avance pour vos retours qui me seront très utiles. Si vous avez une « Belle histoire » à me raconter, n’hésitez pas à me contacter.

Pour écouter le podcast, c’est ICI.

« Même pas vrai », du rire en barres au théâtre Saint-Georges (concours inside)

memepasvrai2

Lorsque j’ai commencé à écrire pour Parents Mode d’Emploi (je vous ai dit que ça cartonne ?) (ça cartonne), j’ai eu la surprise de voir dans la liste des scénaristes les noms d’une paire de garçons que j’avais un peu connus du temps de ma pièce de théâtre, puis perdus de vue, la vie étant parfois un peu tarte. Sébastien Blanc et Nicolas Poiret. Sébastien faisait même l’ouvreur pour nous au Lieu, le mouchoir de poche qui nous servait de scène pour « Dans la peau d’une grosse ». A l’époque il était surtout acteur, mais commençait un peu à écrire, idem pour Nicolas. Et voilà donc qu’aujourd’hui ils sont non seulement scénaristes pour la télé mais aussi auteurs d’une pièce qui se joue, excusez du peu, au théâtre Saint-Georges, qui lança notamment Jacqueline Maillan, l’idole de Sebastien (le hasard n’existe pas). En lire plus »

Forrest à la Nouvelle Edition

photo(57)

Alors hier, je suis allée faire la petite souris – j’aime comme cette expression reflète exactement ce que je suis dans la vraie vie, au propre comme au figuré – dans les coulisses de La Nouvelle Édition, la quotidienne de Canal + avec Ali Baddou au manettes. C’est William, désormais responsable éditorial web pour l’émission, qui m’avait proposé de venir faire un tour pour découvrir les dessous d’un show télévisé. Il faut savoir que La Nouvelle Édition me tient compagnie tous les jours lors de ma pause de midi (vis ma vie trépidante), sauf bien sûr quand j’ai un déjeuner de prévu (jamais) (bon, si, de temps en temps, mais pas tant que cela, lorsqu’on est free lance, le temps = de l’argent et j’ai ce truc problématique qui fait que lorsque je déjeune à l’extérieur, mon cerveau se met en mode week-end pour le reste de la journée, impossible ou presque de me reconcentrer si je sors de ma routine quotidienne) (je vends du rêve, j’en suis bien consciente).

Ces douze parenthèses mises à part, mon expérience de la télé se résumait jusque là à une intervention remarquable et remarquée aux Maternelles (où j’appris que ma sueur créait des interférences avec le micro, opportunément placé à quelques centimètres d’un endroit très intime). Et de cette fois où j’étais allée assister à La Grande Famille, dans le public (et là je perds instantanément toute personne née après 1981). A l’époque j’étais dépressive, désoeuvrée et accessoirement folle de Jean-Luc Delarue. RIP.

Des salles de rédaction, j’en ai vues quelques unes, j’ai moi même bossé dans l’un de ces open space électrisés durant des années (si si, même dans une agence de presse spécialisée sur l’enseignement supérieur, parfois, c’est tendu) (on sous-estime l’intensité d’un sujet comme l’autonomie des universités). Mais honnêtement, là, rien à voir. Hier, durant les quelques heures où j’ai trainé discrètement mes guêtres dans ce studio qui abrita parait-il également nombre de films cultes, dont un James Bond, j’ai eu l’impression de me retrouver dans l’excellente série The Newsroom. Les intrigues amoureuses en moins, mais probablement uniquement parce que je n’y suis pas restée assez longtemps pour me faire une idée précise de ce qui liait les uns aux les autres. (je veux dire, à part la passion dévorante et immédiate que nourrit désormais pour moi Ali Baddou). En lire plus »

Elephanz: deux garçons dans le vent

image

Hier j’ai rencontré Jonathan Verleysen, aux manettes avec son frère Maxime du groupe Elephanz, l’un des plus prometteurs de la scène française (je suis la critique musicale). J’aime bien parfois sortir de mon domaine de compétence, la musique en effet m’accompagne quotidiennement mais je n’ai en la matière que très peu de connaissances précises, ma carrière de guitariste ayant avorté le jour où mon prof, dont j’étais amoureuse, a cédé sa place à sa femme, lui même ayant des projets plus excitants que d’enseigner trois accords à une dyslexique des mains.

Pour une interview pointue sur les influences de ce jeune groupe, il faudra donc repasser. En revanche, comme à chaque fois que je me trouve face à un artiste, un vrai, un qui a décidé un beau jour que sa vie ce serait ça, manger parfois de la vache enragée parce que c’est le prix à payer pour assouvir sa passion, je l’ai interrogé là dessus: comment devient-on ce que l’on a toujours rêvé d’être ? Comment se passe le processus créatif ? Quelles sont les sources d’inspirations ? Et s’il était une ville ? (j’ai fini par mon habituel petit portrait chinois, je suis l’impertinence journalistique). Voici un peu en vrac et pas tellement dans l’ordre ce que j’ai retenu de ce joli moment au Zimmer, qui devient peu à peu « mon » endroit, et même si aucun serveur ne m’y reconnait (fantasme number one de la wanabee parisienne que je suis), j’avoue, j’adore prononcer ces mots puants de prétention: « voyons-nous aux Zimmer, c’est là que je fais mes interviews ». En lire plus »

Gérard Apfeldorfer: « Manger n’est plus un acte réparateur mais une source d’angoisse »

IMG_9467

Un petit moment que je ne vous ai pas parlé de Zermati, de la pleine conscience et de toutes ces choses qui m’ont aidées à ne plus considérer la nourriture comme ma meilleure ennemie. Trois ans désormais que j’ai arrêté la thérapie. Trois ans que je me suis à peu près stabilisée, oscillant parfois de deux ou trois kilos, sans que cela ne soit une source d’angoisse absolue, sans que je ne retombe dans mes vieilles lunes, me promettant le jeune durant trois jours, le bannissement à vie du chocolat ou la flagellation quotidienne en mode « je ne suis qu’une vache sans volonté ». Je ne vais pas vous mentir, je ne me réjouis jamais lorsque mes pantalons viennent à serrer et je reste assez terrifiée à l’idée de reprendre un jour tout ce poids perdu. Mais c’est une pensée assez lointaine, qui ne m’obsède plus comme avant et ne m’empêche jamais d’aller au resto, de profiter d’un gâteau maison ou d’un apéro. Bref, je ne suis pas certaine d’être « guérie », mais disons que la rémission dure depuis assez longtemps pour que je sois relativement sereine.

Ce petit préambule terminé, je me suis dit que cela pouvait être intéressant de vous proposer le point de vue de Gérard Apfeldorfer, psychiatre et psychothérapeute, comparse de Jean-Philippe Zermati. A l’occasion de la tenue cette semaine du congrès du GROS (Groupe de recherche sur l’obésité et le surpoids) il m’a accordé une interview, dans laquelle il revient sur les principes de base de la méthode que Zermati et lui ont mise en place. Sachez que samedi prochain, une session est ouverte au grand public. Elle aura pour thème « Mangez en faim » et vous pouvez y assister gratuitement, pour vous inscrire c’est ici. Sachant que c’est dans la faculté de médecine des Cordeliers, un endroit cher à mon coeur, c’est là que mon frère a présenté sa thèse. Un lieu plein d’histoire et magnifique, si moi même je n’étais pas en déplacement cette semaine je m’y serais précipitée, je n’en ai jamais assez à vrai dire d’écouter les discours des médecins du GROS, tant ils ont bouleversé ma vie…

Je laisse donc la parole à Gérard Apfeldorfer… En lire plus »

Alors voilà, j’ai rencontré Baptiste

photo(39)

Alors voilà, j’ai rencontré Baptiste. L’accroche est facile et convenue, mais je l’ai vraiment rencontré. Re-facile.

On recommence.

Durant le trajet de la ligne 7 qui me menait au Zimmer, mon lieu de rendez-vous favori – pour la principale raison qu’il se situe à quelques stations de métro de chez moi et à équidistance d’un bon nombre d’endroits à Paris, mais aussi parce qu’avoir un « lieu de rendez-vous » nourrit mon fantasme de journaliste parisienne qui aurait ses habitudes – durant mon trajet, donc, j’avoue que j’avais un peu d’appréhension. Et si dans la vie réelle, Baptiste Beaulieu, jeune médecin désormais célèbre, blogueur à succès et – n’en jetez plus – écrivain, ne me plaisait pas ? Et si le personnage que j’avais imaginé au fil de ses billets puis de son livre, ne résistait pas à l’épreuve de la rencontre ? En lire plus »

Puzzle #8: un mouton à Stokholm (ou quand je rencontre Bjorn, d’ABBA)

 

Bon. Parlons peu parlons bien, je vous ai déjà raconté en long en large et en travers mon épopée suédoise, durant laquelle j'ai eu la chance de rencontrer Bjorn, l'un des quatre protagonistes d'ABBA. Après le 1er épisode de Puzzle où j'ai pu découvrir les coulisses de la comédie musicale à Mogador, voici le second, qui va vous emmener à Stockholm en plen hiver. Quoi, c'est bien, la neige, en juillet, non ?

Blague mise à part, je voudrais simplement remercier Will, JB et Justine, pour tout. Le premier pour m'avoir emmenée, le second pour m'avoir filmée et la troisième pour m'avoir montée (et bien, en plus).

J'espère que ce petit film vous plaira, moi je l'aime, malgré mon accent anglais déplorable et mes quatre mots de vocabulaire, malgré ma peau de mouton moins seyante tu meurs et malgré ma razzia dans la boulangerie. "Bonjour, je m'appelle Caroline, j'ai un blog et je ne pense qu'à manger".

Je l'aime, donc, parce que j'y retrouve la joie de ces deux jours et qu'à chaque fois que je le regarde, je me dis: "ouah, j'ai fait ça, je l'ai vraiment rencontré et je suis tout de même parvenue à lui parler. En anglais en plus. Ou presque".

Pour mémoire, le premier épisode est disponible ici

Et si vous avez loupé les billets sur stockholm: ICI et ICI

Un grand merci à OFF TV.

Où je vous emmène dans les coulisses de Mamma Mia (Mon #Puzzle, épisode 1)

 

Il y a quelque temps, je vous avais narré ces deux jours improbables avec William et JB à Stockholm, sur les traces de Bjorn, l'un des quatre compères d'Abba (épisode 1 et épisode 2). Objectif: tourner un épisode de la désormais famous émission #Puzzle de OFF TV

Je ne reviendrai pas sur ma performance (au sens artistique) d'intervieweuse native. Non, je n'y reviendrai pas. Ce que je ne vous ai pas dit en revanche, pour vous ménager mes petits effets, c'est qu'avant de prendre ces douze avions pour rejoindre le pays d'Ikea et des rollmops, j'avais eu l'immense privilège de pénétrer – non, pas Bjorn – les coulisses de la comédie musicale Mamma Mia qui cartonne à Paris depuis des mois…

Bon, au cas où je ne me sois jamais étendue – non pas sur Bjorn – sur la question, le film avec Meryl Streep, je l'ai kiffé tellement que je dois l'avoir vu quatre ou cinq fois. Quand aux chansons d'Abba, elles occupent depuis toujours une place de choix dans mon coeur de mélomane avertie. En fan de comédies musicales ET d'émissions type Popstars – ah, Maxim Nucci, avant son virage indé pop folk – j'étais en outre surexcitée de voir en vrai, backstage, un groupe soudé à la vie à la mort avant de monter sur scène.

Et je n'ai pas été déçue. Je veux dire, on peut être plus ou moins sensible à la traduction en français des textes originaux, on peut être allergique au principe même des "musicals". Mais je mets au défi quiconque de ne pas être conquis par la sincérité de ces artistes qui tous les jours se défoncent, tout simplement parce que c'est leur vie, leur nécessité, leur seule raison d'avancer.

La vérité, c'était encore mieux qu'être à Baltard. Parce que là, mis à part ce jour ci précisémment, pas de caméras, pas de prime, juste le show, qui go on, again and again. Quand on est arrivés, Will, JB, alias Jean-Baptiste Brégon et moi, la troupe était en "warm up", à savoir l'échauffement (dans l'entertainment pardon mais on est assez fluent). Je me suis assise sur une chaise et je les ai regardés s'étirer, des doigts de pieds à la nuque, en musique. Parmi les comédiens, tous adorables et confondants de simplicité, certains sont avant tout danseurs et leur corps est une oeuvre d'art (tribute to Pepper, l'homme au cul céleste, que Will et moi avons regardé sans modération. Sans se rappeler non plus que j'étais munie d'un micro et que JB, à l'autre bout de la salle ne perdait pas une miette de nos appréciations aussi fines qu'un DSK au sortir de la douche ), d'autres sont surtout chanteurs et ce sont eux peut-être qui m'ont le plus bluffée, s'adaptant aux exercices et aux pas de danse sans broncher.

Quand ils se sont mis à chauffer leur voix et que leurs "a, e, i, o, u" ont empli la pièce, les yeux m'ont piqué, bien sûr. Un peu plus et je mettais mon tutu.

Voilà, vous verrez que dans ce premier numéro de mon #Puzzle à moi (oui j'ai droit à deux épisodes et le plus beau c'est qu'on est en train de réfléchir à un concept de série qui tournerait entièrement autour de ma petite personne, Pascal Nègre est hyper partant) (it is a joke) (même si bien évidemment je dis oui immédiatement, j'accepte même les caméras planquées dans mes toilettes tellement j'ai kiffé l'idée qu'on me filme pendant que je raconte mes conneries). Vous verrez, disais-je, ou plutôt vous entendrez, que j'ai un petit peu de difficultés à dire autre chose que "ouais" et "d'accord" aux personnes que j'interviewe. A tel point que depuis le visionnage quand on me parle je reste bouche cousue, la perspective de m'entendre répondre encore un "ouais" me donne envie de me lapider moi même.

Le pire c'est qu'on s'était mis d'accord Will et moi, qu'il me ferait un signe de la main à chaque ouais. Le problème c'est qu'il a lâché l'affaire et que deux mois après il en a encore une tendinite. Limite il envisage de faire passer ça en accident du travail.

Plus sérieusement, ces quelques jours de tournage, à Paris et à Stockholm, ont été pour moi comme un apprentissage. Comment tourner des images, comment raconter une histoire, comment poser des questions ouvertes… Toutes ces choses, venant de la presse écrite, je ne les maitrisais pas. J'ai eu aussi cette impression inestimable lorsqu'on travaille la plupart du temps seule, de faire partie, ponctuellement, d'une équipe. Et j'ai pris conscience que c'était probablement ce qui me manquait le plus dans ma nouvelle vie. Un grand merci, donc, à Will, qui… qui m'a fait du bien.

Edit: Juste, quand je dis "ça fait partie des quelques théâtres parisiens que je n'ai pas visités, c'est du second degré. ça ne se sent peut-être pas, parce que c'est monté, mais je jouais à la connasse de blogueuse. Je préfère préciser, on sait jamais.

Edit2: un grand, un énorme merci à Justine et Jean-Baptiste pour leur regard bienveillant.

Anne Mourat, une sculptrice hors normes

CDE04pf
"Como Dos Extraños", terre crue 2009, 70 cm x 55 cm x 60 cm

Anne Mourat est ma cousine. Enfin, une cousine à la mode de Bretagne, voire du Cotentin puisque très précisémment c'est la fille du cousin germain de ma maman. Une cousine, donc, au 34e degré, que je n'ai… jamais rencontrée.

Mais qui me lit, depuis que ma mère lui a parlé de moi. Et dont je suis les pérégrinations, depuis que ma mère m'a parlé d'elle. Pourquoi cet intérêt mutuel ? Parce que sans s'être jamais vues, on a, et vous avez du vous en rendre compte dès l'apparition de la photo ci-dessus, quelques préoccupations communes. Au hasard ? L'image de soi, le corps, la féminité et la façon dont celle-ci se manifeste, l'esthétique, le poids, la force des femmes, leur beauté. Seule la façon dont cette réflexion se matérialise diffère. J'écris, elle façonne, dessine, sculpte.

Je suis tombée en amour de ses femmes si amples, de ses couples enlacés dansant le tango. Je suis en totale admiration, aussi, devant ce choix si osé de se consacrer à sa passion, avec toutes les embuches que cela implique. Comme Solange, Anne se voue à son art, parce que tout simplement, c'est une nécessité.
J'avais donc envie de vous la présenter, de la laisser aussi expliquer sa démarche, bien mieux que je ne saurais le faire. J'en profite pour vous dire que c'est le genre de chose que j'ai envie de vous proposer cette année, vous donner la parole, mettre sur le devant de la scène des parcours atypiques, des initiatives particulières. C'est que parfois, j'en ai assez de parler de ma pomme, quoi. N'hésitez donc pas à venir vers moi si vous pensez entrer dans ce cadre. Je ne dirai pas systématiquement oui, mais ça vaut le coup d'essayer, non ?

Anne a par ailleurs dans l'idée de mettre en jeu un dessin, dans le cadre d'un concours comme il y en a eu récemment sur ce blog. Dès la semaine prochaine, j'organise ça…

Allez, trève de discours, voici quelques questions que j'ai posées à Anne et ses réponses éclairées, en direct de Dakar, parce que oui, Anne, très inspirées par les femmes africaines, n'a pas à aller très loin pour rencontrer ses modèles, puisqu'elle vit au Sénégal.

Pdr: Quand as-tu commencé à sculpter ?

Anne Mourat: J'ai pris des cours de modelage pendant mes études d'art, au début des années 80 (au Paléolithique, donc) ; j'avais bien accroché, mais à l'époque j'étais attirée par d'autres modes d'expression. 

Plus tard, au Burkina Faso où j'ai vécu 6 ans, j'ai refait du modelage chez les fondeurs traditionnels qui sculptaient leurs œuvres dans la cire d'abeille. Mais j'ai vraiment décidé de me consacrer à la sculpture il y a 10 ans, à Dakar. C'est là que s'est enfin imposé à moi l'évidence : "je suis sculptrice"… A plus de 40 ans, un peu lente, hein, la nana. Par contre, j'ai eu la chance de pouvoir exposer rapidement mon travail dans des galeries à Dakar. En 2005, j'ai été lauréate, avec ma sculpture «La Secrète», de la Bourse des Jeunes Sculpteurs de la Fonderie d'Art Barthélémy. Ca m'a donné confiance pour continuer…

Pdr: Comment travailles-tu, avec quels matériaux, dans quel lieu, etc ?

Anne Mourat: Je modèle l'argile ; pour l'instant, je ne cuis pas mes terres (même si j'ai l'intention de m'y mettre à Dakar dans les mois qui viennent). Je fabrique ou fais fabriquer des moules, pour réaliser ensuite des tirages, en bronze ou en résine.

Je m'inspire toujours de modèles vivants. Je prends de nombreuses photos numériques durant une ou deux séances de pause, ensuite je travaille seule avec les images sur mon ordi. Je dessine des croquis rapides, puis réalise une petite maquette en terre pour me guider dans la construction de la pièce en plus grand. 

Le lieu : un atelier bien à moi, mon cocon, pour de longues heures de solitude heureuse…

Pdr: As-tu toujours sculpté des femmes rondes ?

Anne Mourat: J'ai toujours fait des personnages FORTS. Quand j'ai commencé à travailler la terre, si j'ai sculpté des femmes rondes, c'est parce que je rencontrais, en Afrique, surtout au Burkina, des femmes qui, à la fois musclées et grasses, dégageaient une incroyable impression de puissance et de grâce. Des femmes qui s'acceptaient et s'assumaient avec leurs rondeurs, qui se vivaient séduisantes et séductrices grâce à elles.


Ce qui m'intéresse de montrer, dans l'être humain, c'est sa puissance de vie et "la conjugaison subtile de sa spiritualité et de son animalité" (désolée, je ne sais pas comment te le dire plus simplement…). Et les femmes africaines rondes en dégagent, de la puissance de vie ! 

Depuis quelques temps, je suis davantage tournée vers les portraits, traités à ma façon : personnages représentés jusqu'aux hanches (l'équivalent du "plan américain" au cinéma) ce qui me permet de jouer sur les disproportions entre tête, corps et mains. Mes danseurs de tango ont été réalisés dans cet esprit. J'ai plusieurs projets, dont un autour du thème du couple ; hommes et femmes seront puissants et massifs, je n'imagine pas les faire minces… 

Pdr: Pour toi la beauté passe par la rondeur ?

Anne Mourat: Bon, soyons honnête… Dans la vie quotidienne, non, pas forcément ! La preuve, je fais comme toi, je lutte depuis toujours contre mes kgs pour me sentir séduisante ! Je suis dans les mêmes contradictions, peut-être, que toi… Nous "militons", chacune à notre façon, pour l'acceptation des corps non conformes à la norme en vigueur dans notre culture, alors que par ailleurs nous passons beaucoup d'énergie à l'atteindre, cette norme… Va comprendre…

Une fois de plus, ce n'est pas forcément la rondeur, qui m'intéresse, mais la puissance de vie. 

Pdr: Qui achète tes sculptures ? As-tu l'impression que les femmes les préfèrent aux hommes ?

Anne Mourat: Pour l'instant, mes rondes ont plutôt été achetées par des hommes. 

En fait, j'ai l'impression que les femmes sont un peu dans les mêmes contradictions que celles dont je parlais pour nous, plus haut : séduites par cette représentation sympathique et positive de la rondeur, elles ne passent pas forcément à l'acte d'acheter ; un peu comme si elles n'osaient pas s'affirmer dans leur goût par une telle acquisition. Enfin bon, c'est une interprétation de ma part et je me plante peut-être complètement !

Non, je crois que mes rondes plaisent davantage aux hommes…. Un Monsieur m'a laissé ce commentaire dans le livre d'or d'une de mes expos : "Les femmes d'"envergures" ne vous remercieront jamais assez. Vous avez changé le regard sexuel que j'avais des dames rondes et je vous en serai toujours reconnaissant". Je l'aime trooop cette phrase-là !

 
Pdr: Quels sont les retours que tu as des gens qui viennent voir tes oeuvres ?

Anne Mourat: Les réactions les plus négatives que j'ai reçues ont été pendant le seul Salon d'Art auquel j'ai participé à Paris. C'était curieux : je me suis demandée si la normalisation du standard féminin maigre, lisse et quasi asexué y était tellement forte que les gens (hommes comme femmes) ne supportaient pas de voir des femmes si épanouies… J'ai entendu également des réactions de rejet de la part de personnes qui exprimaient un malaise face à l'animalité trop présente de ces corps.

Mais, quand même, j'ai la chance d'avoir plus de retours positifs que le contraire… Les gens me disent être touchés par l'émotion et la force qui se dégagent de mes sculptures. La rondeur de mes modèles surprend, amuse quelquefois et finalement séduit pour certainement les mêmes raisons que ton blog séduit (entre autres pour ton blog…) : un regard décomplexé, déculpabilisé et non victimisé du sur-poids… Bon, attends, j'essaie de trouver des adjectifs plus positifs : un regard confiant, joyeux, optimiste, coquin sur ce qui sont la réalité et le quotidien de bon nombre de femmes !

Pdr: Où peut-on les admirer ?

Anne Mourat: Elles sont exposées en permanence dans une galerie, "Les Ateliers d'Artistes", à Lourmarin dans le Luberon (Vaucluse).  Sinon, je suis à la recherche d'autres lieux d'expositions, provisoires ou permanentes, qu'on se le dise !

 


Dernière remarque pour conclure : je tiens au terme de "sculptrice", même si je trouve ce mot finalement pas très élégant. Tant pis, en féministe intégriste, je tiens à utiliser le terme féminin puisqu'il existe, même si le correcteur orthographique le goret (masculin de la truie, donc) de mon ordinateur s'entête à le souligner, comme s'il n'existait pas…

Abrazo1

"Abrazo", étude pour la sculpture "Como Dos Extraños", résine patinée 35 cm x 23 cm x 19 cm

AMulherDoM5
A Mulher Do Meio (La Femme du Milieu) : portrait de la peintre cap-verdienne Misa, tirage en ciment et pouzzolane, Sculpture réalisée dans le cadre de la Première Rencontre Multi- culturelle de Porto Madeira, île de Santiago, Cap Vert, Août 2008
CBNATT8

"Can't Be Nice All The Time" *: bronze, 40 cm x 23 cm x 24 cm
* slogan féministe des années 1970 aux États Unis ; "on peut pas être mignonne tout le temps"…
CDE08pf
Détail de la sculpture en ouverture du billet: "Comos dos extranos"
Pour en savoir plus et admirer d'autres oeuvres: http://www.anne-mourat.com/