Honnêtement je ne fais plus vraiment le compte des jours. Je veux dire, ça avait un sens quand on pensait naïvement que cela prendrait fin d’un coup à J15 ou, soyons fous, J20. Mais il semble de plus en plus évident que ce moment que l’on fantasme, où soudainement le tocsin sonnera – même si le tocsin a une connotation négative on est d’accord – pour nous autoriser à ressortir tous ensemble boire des coups en terrasse, ce moment là n’existera pas. Je ne suis pas en train de prédire un confinement à vie – mon optimisme légendaire – mais il serait illusoire de croire à une date butoir aussi nette. Tel que je me l’imagine désormais, la sortie de crise risque d’être bien plus floue et progressive, sans doute par paliers, avec des choix en fonction du statut sérologique des gens – suis-je la seule à attendre l’arrivée de ces prises de sang comme le messie ? Ma santé mentale serait tellement meilleure si je savais de source sûre que je l’ai eu, que mon corps cet ami a fabriqué des anticorps et que je peux reprendre une hypocondrie normale, à savoir redouter seulement un AVC ou une crise cardiaque (étrangement d’ailleurs je n’ai eu aucun symptôme en la matière depuis 15 jours, c’est super bizarre…). Bref, c’est sans doute le plus difficile je crois, accepter qu’il ne va pas y avoir un avant et un après aussi distincts, que les mois à venir ne seront pas exempts d’angoisse et de crainte, que tout ne va pas repartir d’un seul et même élan, que les personnes les plus fragiles ou âgées risquent de passer encore pas mal de semaines à sortir avec parcimonie, que les dégâts économiques se feront sentir sur la durée. Aurai-je encore du travail dans six mois ? Aujourd’hui, je fais partie des privilégiés et chanceux. Le Covid 19 menace sans doute mon intégrité psychique mais en revanche mon rythme de travail n’a pas été impacté, bien au contraire. Je travaille sur des projets dont le tournage est prévu dans quelques mois et par conséquent pas encore mis en danger. Mais qu’en sera-t-il si les rassemblements persistent à être proscrits jusqu’à l’automne ? Qu’adviendra-t-il du secteur de l’audiovisuel ? Bien malin qui peut le savoir. Etrangement pourtant, moi qui tiens tant à mon activité professionnelle, je ne me sens pas si fébrile. Comme si ces années de free lance avaient au moins servi à ça, à me préparer à ces temps si instables. Je sais maintenant que les hauts succèdent aux bas. Qu’il ne faut pas essayer de faire des plans à six mois ou un an. Qu’un projet en chasse parfois un autre. Et puis comme déjà dit dans un précédent billet, le confinement est mon quotidien. Ce qui change, là, c’est la présence d’autant de gens autour de moi, dans ce qui est d’ordinaire ma bulle. Je ne vais pas vous mentir, je ne suis pas au taquet du jour où je reprendrait ma liberté, parce que ma plus grande liberté, c’est justement de pouvoir rester chez moi. En lire plus »