Mois : mars 2006

Mercredis chagrins

Je crois que je pourrais publier le black book des nutritionnistes. A 13 ans, j'en voyais déjà un. Le mercredi, mes copines allaient à la danse, prenaient des cours de dessin ou même, ne faisaient rien. Moi j'allais chez le médecin des gros.

A l'heure des premiers flirts, je montais sur la balance et redoutais les reproches exaspérés du contrôleur de kilos. Qui m'expliquait que je n'étais pas juste ronde, enveloppée, ou grassouillette, mais bel et bien obèse.

Quand je sortais de son cabinet, mon moral était si bas que je me boulottais en cachette du nutella.

En rêvant à la jeune femme mince que je deviendrais, assurément.

Profs de gym

Parmi les profs de gym de la ronde, il y eut un militaire parachutiste viré de l'armée, un footballeur raté, un marathonien frustré et une quantité de femmes qui auraient manifestement voulu être des hommes, à en juger la longueur des poils de leurs mollets. Dès le premier cours de l'année, tous ces êtres aigris identifiaient la ronde comme bête noire potentielle.

 

Elle leur servit durant toute sa scolarité de faire-valoir, d'exutoire et de défouloir. En braquant les projecteurs sur sa nullité, le prof de gym déclenchait facilement l'hilarité, se gagnant ainsi les faveurs des caïds de la classe. En gros, la ronde était le dommage collatéral d'une technique pédagogique bien rodée: détourner la haine naturelle qu'ont les élèves pour leurs professeurs vers un être encore moins aimable, en l'occurence, la grosse.

 

Et c'est peu dire que se moquer de la ronde lors des cours de gym était chose aisée…

Des kilos qui rapportent

A chaque fois qu'elle consulte une nouvelle nutritionniste, la ronde espère secrètement que celle-ci sera vieille, grosse et moche.

La démarche d'aller montrer sa graisse à une parfaite inconnue représente déjà un certain effort. Mais lorsque cette personne s'avère être une femme filiforme, chic et guindée, ça relève de la punition. Les cabinets des nutritionnistes sont toujours rutilants, classieux et situés la plupart du temps dans les beaux quartiers. La ronde se sent toujours comme une intruse dans ces salles d'attente dont rien ne dépasse et qui sentent l'argent à plein nez. Elle se voit alors comme une verrue dans cet univers feutré et compassé.

Pourtant, elle ne devrait pas. Elle devrait plutôt garder à l'esprit que ce sont ses kilos et tous ceux de ses soeurs de galères, qui ont payé le moindre centimètre carré du parquet ciré, des meubles design ou des toiles de maître bien alignées.

Parfois, elle croit voir sur les murs glacés des cabinets des nutritionnistes ruisseller la graisse perdue de toutes ses congénères…