Mois : août 2006

Tu me prêtes ton jean ?

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Un jour ou l'autre, ça finit par t'arriver. Une copine bien plus mince que toi que tu as invitée pour l'apéro trouve le moyen de balancer son pastis sur son pantalon au moment de sortir au resto. Elle te demande alors le plus naturellement du monde: "tu me prêtes un jean ?". "Mais bien sûuur", tu réponds, apparemment très détachée. Sauf qu'en vrai, tu te prends une grosse suée. Tu files dans ta chambre et tu passes nerveusement en revue ta garde robe en te demandant dans lequel de tes pantalons ta copine que tu commences à détester flottera le moins.

Finalement, tu déterres ce vieux Levis que tu aimais tant mais dans lequel tu n'as pas réussi à entrer la moitié d'une cuisse depuis trois ans. Si tu ne l'as pas jeté c'est juste parce qu'au fond de toi, l'espoir subsiste qu'un de ces jours, peut-être, après deux trois gastros et un bon vieux tenya, tu parviendras à l'enfiler.

Tu reviens dans le salon et tu donnes l'objet sacré avec un air super détendu à ton amie.  "Tiens, c'est le seul qui est propre, y'a des chances qu'il te soit un peu grand, moi-même je le perds". Tu n'as même pas honte de ta mauvaise foi, c'est une question de survie.

Comme c'est une vraie copine et qu'elle, en l'occurence, n'a aucune raison de te détester, elle fait mine de te croire et s'en empare sans manières.

Quand elle ressort de la salle de bain, tu oses à peine la regarder. De face, c'est simple, ça baille et ça fronce tellement qu'on pourrait penser qu'entretemps il lui est poussé un zizi. De dos, on dirait Kate Moss dans une salopette de Coluche – paix à son âme.

"Il me va impec', et puis de toutes façons c'est la mode de l'oversize", t'assure-t-elle, te gratifiant d'un sourire désarmant de gentillesse. Toi tu n'entends que le mot "oversize" et tu penses à tes fesses qui pour le coup sont à fond dans l'air du temps. Le pire, en plus, c'est qu'à bien l'observer tu constates qu'elle arrive à être vraiment jolie malgré les quatre tailles de trop du pantalon. Autant dire que désormais c'est officiel, tu la hais. Pour sauver le peu de dignité qu'il te reste, tu entres malgré tout dans son jeu et tu confirmes: "Ecoute, c'est vrai, il te va plutôt bien, je suis super étonnée, je pensais qu'il serait plus grand que ça"

Mais toute la soirée, à chaque fois que tu poses les yeux sur elle, tu te prends en pleine face les 13 kilos au bas mot qui te séparent d'elle. Immanquablement vient le moment où une bonne âme demande à ta copine pourquoi elle porte le pantalon de son grand-père. Et là, tu la vois expliquer, un peu gênée. Tu surprends les rires étouffés et les regards confus. Ta soirée est foutue.

En même temps, tu sais que ça aurait pu être pire. Tu aurais pu en effet te manger le pastis sur TON jean chez ELLE. Et subir la honte de ne pas réussir à passer une cheville dans le plus grand de ses joggings…

Madonna et moi, la suite

Donc la suite…

21h33: La petite femme se met à chanter et là, l'expression "hystérie collective" est faible. Derrière elle il y a des écrans géants où passent en boucle des images hyper sexuelles d'elle avec des chevaux.

21h34: Madonna donne des coups de cravache à des hommes enchainés qu'elle tient en laisse. L'homme me regarde avec un sourire bizarre.

21h40: Changement de costume. En combinaison lamée, Madonna chevauche une sorte de selle pailletée et chante "Like a virgin". Elle fait des trucs avec son bassin qui prouvent bien qu'elle, ça fait tout de même un bail que sa virginité…

21h43: Cette femme n'a pas 48 ans.

21h44: Moi et mes birkenstock on n'a que 35 ans mais rien qu'à la regarder danser on est très fatiguées.

21h46: C'est un hologramme de Madonna. Personne ne devrait avoir le droit d'avoir ce corps là à 48 ans.

21h48: En fait c'est l'homme qui est devenu homosexuel, il fait les même choses que Madonna avec son bassin.

21h50: "Jumpez, jumpez", crie la Ciccone. 17000 personnes qui jumpent dans Bercy ça fait des vibrations étranges. Les mots Heysel et Furiani me viennent à l'esprit.

21h52: Je me rapelle soudain que je suis agoraphobe.

21h53: En pensée, je passe en revue le système ultraperfectionné de sécurité mis en place pour un événement pareil et je pense à tous ces pompiers et médecins du SAMU prêts à me réanimer au cas où mon coeur lache.

21h54: Ma crise de tachychardie commence à se calmer.

21h58: Madonna danse comme une possédée. C'est fou ce qu'une femme si petite peut avoir comme présence.

22h03: ""Le premier qui dit que c'est du play back je lui explose sa gueuuuuuuuuuule" hurle mon voisin.

22h04: Il a l'air super sérieux alors je ne lui dis surtout pas que tout de même y'a des moments où on l'entend drôlement mieux que d'autres.

22h05: "T'as raison, vu comme c'est faux parfois, ça peut pas être du play-back", je dis, d'un air entendu à l'homme. Non parce que je suis fan, d'accord, mais moi je ne suis pas comme ces 17000 malades, là. J'ai su garder raison, recul et sens critique.

22h06: Vu le regard qu'il me lance, l'homme n'a pas su garder raison, recul et sens critique.

22h15: Madonna est en smocking blanc et elle danse sur Music. J'oublie mon recul et mon sens critique et je dis merde à ma tachycardie.

22h16: Je shake my hands, my humps et tout ce qui peut bouger dans mon corps et dont je ne connais pas le nom en anglais.

22h45: Les chansons défilent et ma vie avec. Ladisla Bonita me rappelle ma meilleure amie de lycée. "Tell me"  une nuit magique, "Erotic"…

22h50: La boule à facette qui était remontée redescend. Bercy devient tout rose. Madonna arrive perchée sur des talons de 20 cm et gansée dans un justaucorps étincelant.

22h51: "ça va être hung uuuuuuuuuuuuuuup"!!! vocifère mon voisin, les yeux exhorbités.

22h51: J'ai peur de mon voisin.

22h52: Je réalise que mon voisin, c'est l'homme.

22h53: Bercy est transformé en dance floor. C'est la folie. "Times goes by. So slowly". On est en totale fusion avec elle. D'ailleurs on sent qu'elle non plus n'a pas envie que ça se termine. On est 17000 et pourtant on ne fait qu'un.

22h54: Là je crois qu'on lui a montré que le public parisien c'est quand même autre chose. D'ailleurs, même de là où je suis on sent qu'elle est émue. Il s'est passé quelque chose de spécial.

23h00: Les dernières notes de "Hung up" s'évanouissent dans le ciel étoilé de Bercy. J'ai l'impression qu'il est 6h du matin.

23h01: Madonna a disparu. Les lumières s'allument.

23h02: "Mais elle est ouuuuuuuuuuuuuu ?", hurle l'homme, comme un possédé. Mon voisin de gauche m'explique qu'elle part toujours comme ça, sans rappel, sans rien. "On serait les premiers avec lesquels elle reviendrait", me dit-il.

23h03: Je suis sûre qu'au fond d'elle elle aurait voulu revenir. Tout ça c'est sûrement la faute de son manager. Sans compter qu'elle a des enfants, cette femme. Pas facile de gérer tout ça. Et puis bon, comme ça ça se termine sur un instant de communion inoubliable.

22h04: L'homme me dit qu'il a l'impression d'avoir été interrompu en plein coït.

23h05: Madonna, si tu reviens je t'explose ta gueule.

Madonna et moi, la rencontre

Bon, à la demande générale et aussi parce que je ne PEUX pas passer sous silence une soirée comme celle-ci, voici, heure par heure, minute par minute, le déroulé de ce jour où j'ai rencontré Madonna…

 

 

 

 

 

 

 

 

9H00: Je me lève avec un coin de soleil dans la tête, ce soir je vais voir Madonna avec l'homme.

9h02: Je me rappelle le prix des places et je demande pardon intérieurement à mes enfants. C'était Madonna ou leur compte épargne.

9h10: Je n'ai rien à me mettre pour rencontrer Madonna.

11h00: Après plusieurs essais déprimants – je n'ai tout compte fait pas à proprement parler maigri pendant mes vacances – je décide d'aller à contre sens des 17 000 personnes qui seront avec moi ce soir et de jouer la carte de la sobriété. Madonna saura apprécier, j'en suis sûre.

11h02: Je retrouve une paire de stilletos quasiment jamais mis, avec ça, la simplicité prendra toute sa dimension de classitude absolue. Madonna, accroche toi, tu vas recevoir une leçon de mode parisienne.

11h15, 12H08, 13h45, 16h56, 17h12… : Je vais voir madonnaaaaaaaaaa !

18h16: Après deux mois de Birkenstock, mes pieds ont manifestement décidé de changer de vie. Ils se sont pour ainsi dire légèrement étalés et pris la forme… de mes birkenstock. Je remets au fond du placard mes talons aiguilles.

19h30: Je pars voir Madonna en Birkenstock.

19h32: La honte sur moi et toute ma génération.

20h00: Pour aller à contre courant, je suis allée à contre courant. Personne n'a opté pour le sobre, il y a des madonnas partout, période Like a virgin, période In bed with Madonna, période gothique, disco, etc. Les gens doivent penser que je me suis trompée de concert. Au mieux je ressemble à une fan de Cabrel.

20h01: Je n'ai rien contre les fans de Cabrel, d'ailleurs à mes heures, j'aime beaucoup Cabrel. C'est juste que j'ai mal choisi mon jour pour ressembler à une fan de Cabrel.

20h03: L'homme en assez que j'essaie de cacher mes chaussures. Il me rappelle que les 17 000 madonnas qui sont ici ne sont pas venues pour moi.

20h04: C'est un peu douloureux mais ça remet les choses à leur place.

20h05: On doit être le seul couple hétéro du public, ça aussi c'est la honte.

20h12: A coté de moi c'est Philippe Manoeuvre. Il regarde mes Birkenstock, je sens qu'il a la nausée.

20h13: Je me suis trompée, devant il y a Loana et Jean-Edouard, on est deux couples hétéros.

20h14: Ah non, Loana vient de se retourner, elle a un zizi et de la moustache.

21h00: On est enfin assis dans les gradins. On est bien placés, ça valait le coup de sacrifier les études des enfants.

21h12: Toute la salle trépigne, on appelle Louise, la Ciccone, la Madone, Madonna, quoi.

21h30: Les lumières s'éteignent. 17 000 personnes qui retiennent leur souffle, ça fait du bruit.

21h31: Une énorme boule à facettes descend du plafond, la musique vrombit, 16698 garçons sensibles sont au bord de l'évanouissement.

21h32: "Elle est à l'intérieuuuuuuuuuuuur", hurle mon voisin en transe.

21h33: Elle est à l'intérieuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuuur", répètes-je à moitié en larmes à l'homme.

21h34: La boule à facettes s'ouvre. Elle est à l'intérieuuuuuuuuuuuuuuuuuuur !

21h35: Je ne sais pas si c'est la ferveur collective, les 45°, la boule à facettes, la petite femme en costume de cavalière qui en sort auréolée d'un je ne sais quoi qui donne des frissons, mais je dois l'avouer. A cet instant, je pleure.

21h36: Je me tourne vers mon voisin, il pleure aussi mais lui il n'a pas honte.

21h37: C'est officiel, je suis homosexuel.

A suivre…