Mois : avril 2006

Le supplice des chaussures de ski

Sur des skis, la ronde a toujours eu l'impression d'être légère. Depuis toujours, skier lui est naturel et ce sport est le seul, oui vraiment le seul, dans lequel elle n'est pas à proprement parler ridicule. A bien y réfléchir, si la ronde est à l'aise sur les planches, c'est probablement parce qu'en glissant, elle en oublie son poids. Celui-ci devient même un atout, lui permettant d'aller plus vite et de coller à la piste.

 

Bref, sans prétendre au titre de championne, la ronde dévale les bleues, rouges et même noires avec parait-il, un peu de style. C'est dire si ces quelques jours sont attendus chaque année.

 

Pourtant, cette fois-ci, un obstacle de taille faillit l'empêcher de se livrer à son sport préféré.

 

Les chaussures. De ski.

 

Plus un magasin de location ne propose les bonnes vieilles pompes munies d'un seul crochet qu'on serrait en fonction de l'épaisseur de la cheville et dans laquelle on se sentait comme à la maison. Non, désormais, THE chaussure, sans laquelle point de salut, est bardée d'au moins trois ou quatre crochets et monte à mi-mollet. Et forcément, pour la ronde, ce fut le début des emmerdes.

 

"De vraies pantoufles", lui lança en guise de préambule une jeune vendeuse avenante aux jambes fuselées. Pressentant qu'elle n'allait pas partager cet avis tranché, la ronde enfonça sans mot dire son pied dans l'objet redouté. Elle crut dans un premier temps que les crochets n'étaient pas défaits. Erreur. Le premier, placé sur le coup de pied, s'enclencha mais au dernier cran et sans aucune facilité. Le second, ce fut une autre paire de manche. Elle eut besoin de l'aide de la vendeuse, dont l'enthousiasme commençait à s'estomper, pour le fermer. Le troisième opposa encore plus de résistance et finit par céder, arrachant à la ronde un ongle ainsi qu'un cri de douleur. Refusant d'essayer le pied gauche, elle se redressa et parvint à articuler, malgré la souffrance, qu'elle s'y sentait plutôt bien. Sachant bien sûr qu'il n'en était rien et que le plaisir de la glisse s'éloignait à grand pas.

 

Dès le premier remonte-pente, elle s'aperçut de son erreur. Elle avait si mal qu'elle en eut la nausée. Ses mollets, compressés, ne laissaient manifestement plus passer le sang. Tout au moins c'est ce qu'elle en déduit lorsque les fourmillements de ses doigts de pieds commencèrent à monter et qu'elle perdit toute sensation, des orteils aux genoux. La journée tant attendue se borna à attendre ses camarades, assise à la terrasse, toutes chaussures ouvertes.

 

Le lendemain, bravant sa honte et son embarras, elle rendit les instruments de torture – et le mot est faible – demandant à la vendeuse si elle ne louait pas des chaussures plus adaptées à son mollet "un peu rond". Regard presque exaspéré de la jeune fille décidément plus du tout avenante et sentance définitive: "je vous ai déjà donné les plus larges que j'avais". Ah…

 

Pour finir, la ronde dénicha au fond du garage du vieux chalet familial ses anciennes chaussures qu'elle pensait fichues et jetées. Elle les enfila avec délice, et constata qu'elle les fermait toujours. Elle finit par retrouver le plaisir disparu, malgré les avertissements méprisants de la vendeuse, qui, alors qu'elle les ajustait à ses skis, lui prédit en voyant les vieilles godasses: "au minimum une cheville cassée dès la première chute".

 

Sur des skis, la ronde a toujours eu l'impression d'être légère. Depuis toujours, skier lui est naturel et ce sport est le seul, oui vraiment le seul, dans lequel elle n'est pas à proprement parler ridicule. A bien y réfléchir, si la ronde est à l'aise sur les planches, c'est probablement parce qu'en glissant, elle en oublie son poids. Celui-ci devient même un atout, lui permettant d'aller plus vite et de coller à la piste.

 

Bref, sans prétendre au titre de championne, la ronde dévale les bleues, rouges et même noires avec parait-il, un peu de style. C'est dire si ces quelques jours sont attendus chaque année.

 

Pourtant, cette fois-ci, un obstacle de taille faillit l'empêcher de se livrer à son sport préféré.

 

Les chaussures. De ski.

 

Plus un magasin de location ne propose les bonnes vieilles pompes munies d'un seul crochet qu'on serrait en fonction de l'épaisseur de la cheville et dans laquelle on se sentait comme à la maison. Non, désormais, THE chaussure, sans laquelle point de salut, est bardée d'au moins trois ou quatre crochets et monte à mi-mollet. Et forcément, pour la ronde, ce fut le début des emmerdes.

 

"De vraies pantoufles", lui lança en guise de préambule une jeune vendeuse avenante aux jambes fuselées. Pressentant qu'elle n'allait pas partager cet avis tranché, la ronde enfonça sans mot dire son pied dans l'objet redouté. Elle crut dans un premier temps que les crochets n'étaient pas défaits. Erreur. Le premier, placé sur le coup de pied, s'enclencha mais au dernier cran et sans aucune facilité. Le second, ce fut une autre paire de manche. Elle eut besoin de l'aide de la vendeuse, dont l'enthousiasme commençait à s'estomper, pour le fermer. Le troisième opposa encore plus de résistance et finit par céder, arrachant à la ronde un ongle ainsi qu'un cri de douleur. Refusant d'essayer le pied gauche, elle se redressa et parvint à articuler, malgré la souffrance, qu'elle s'y sentait plutôt bien. Sachant bien sûr qu'il n'en était rien et que le plaisir de la glisse s'éloignait à grand pas.

 

Dès le premier remonte-pente, elle s'aperçut de son erreur. Elle avait si mal qu'elle en eut la nausée. Ses mollets, compressés, ne laissaient manifestement plus passer le sang. Tout au moins c'est ce qu'elle en déduit lorsque les fourmillements de ses doigts de pieds commencèrent à monter et qu'elle perdit toute sensation, des orteils aux genoux. La journée tant attendue se borna à attendre ses camarades, assise à la terrasse, toutes chaussures ouvertes.

 

Le lendemain, bravant sa honte et son embarras, elle rendit les instruments de torture – et le mot est faible – demandant à la vendeuse si elle ne louait pas des chaussures plus adaptées à son mollet "un peu rond". Regard presque exaspéré de la jeune fille décidément plus du tout avenante et sentance définitive: "je vous ai déjà donné les plus larges que j'avais". Ah…

 

Pour finir, la ronde dénicha au fond du garage du vieux chalet familial ses anciennes chaussures qu'elle pensait fichues et jetées. Elle les enfila avec délice, et constata qu'elle les fermait toujours. Elle finit par retrouver le plaisir disparu, malgré les avertissements méprisants de la vendeuse, qui, alors qu'elle les ajustait à ses skis, lui prédit en voyant les vieilles godasses: "au minimum une cheville cassée dès la première chute".

Cauchemar honteux

Cette nuit j'ai rêvé que je ne parvenais pas à sortir d'une chambre d'hôtel, parce que je ne passais pas la porte.

 

Je suis bien consciente que c'est un pur délire et que si, en effet, j'ai, comme vous avez pû le comprendre depuis le temps, quelques petits problèmes de poids, je suis loin, vraiment loin d'être plus large qu'une embrasure de porte. Et pourtant, ça semblait tellement vrai… Je souffrais vraiment dans ce rêve, pas tant d'être coincée bêtement, la moitié du corps à l'intérieur de la chambre et l'autre dans le couloir – cocasse, quand on y pense – mais plutôt de la honte éprouvée.

 

J'ai honte, voilà. Souvent, j'ai honte. Et ce sentiment ne me quitte pas, ou peu, il colle à mes vêtements, à ma peau et à mes tripes. Peur du ridicule, des regards narquois et des sarcasmes.

 

Peur aussi injustifiée la plupart du temps que ne pas passer les portes, étant plutôt entourée d'âmes bienveillantes.

Shoot de bouffe

Dabord, il y a la réminiscence d'un goût aimé. Souvent sucré. L'idée d'un carré de chocolat au lait, la douceur d'une madeleine ou l'acidité délicieuse d'une tarte au citron, par exemple. Petit à petit, ce souvenir s'installe insidieusement et se rappelle à toi de manière obsédante. Il t'en faut. Tu essaies de chasser l'envie, de penser à autre chose. Mais tu salives de plus en plus, tu ne peux plus rien faire, il t'en faut. Tu sais que chez toi, il n'y a rien de tout ça, tu t'interdis d'en acheter, pour ne pas céder. Mais aujourd'hui, ça ne changera rien.

 

Un fumeur hésite-t-il à traverser la ville le dimanche soir pour trouver un paquet de cigarettes ?

 

C'est décidé, tu y vas. Tu cours vers le supermarché le plus proche. Tu prends, vite, la tablette de chocolat à l'origine de la compulsion. Et comme tu sais qu'une fois la crise enclenchée, ça ne suffira pas, tu rafles quelques paquets de gâteaux, peu importe lesquels. Une fois ton butin amassé, tu rentres chez toi et prends le temps de t'installer. Tu sais que le bonheur sera de courte durée, alors autant l'optimiser.

 

Assise sur ton canapé, la télécommande à portée de main, tu déchires soigneusement le papier argenté. La vue du chocolat velouté excite tes papilles. Tu casses un morceau, et le porte à ta bouche, fébrile et impatiente. Les premiers effluves parviennent à tes narines et commencent à calmer le manque. Puis ta langue apprécie la douceur sans aspérité du petit carré. Très vite, le jus divin tapisse ton palais. Les récepteurs transmettent à ton cerveau la sensation de bien-être. Tu te sens calme, tes pensées errent sans entraves, ton corps se détend. Tu n'es plus ici, tu n'es plus toi, tu n'es plus que ce carré de chocolat qui fond voluptueusement pour couler ensuite dans ta gorge.

 

Le shoot a commencé.

 

La première bouchée est la meilleure, la seule qui vaille. Les autres ne seront que de vaines tentatives de parvenir à nouveau à l'extase. Et cette impossibilité te poussera alors à engloutir, de rage et de désespoir, tout ce que tu as acheté en plus. Jusqu'à l'écoeurement ultime, la nausée finale.

 

Seulement toi, tu ne vomis pas. Tu n'as jamais su, jamais pu. Oh, tu as essayé, tu as enfoncé ton doigt dans ta gorge plus d'une fois. Mais ton corps refuse. Il veut garder ce que tu viens de lui donner. Non, tu ne vomiras pas, tu ne sais que te remplir.

 

La descente est aussi douloureuse que la montée fut euphorique. La culpabilité te fait mal. Tu pétris ton ventre violemment, tu te frapperais si tu le pouvais. Pour te calmer, tu finis par t'inventer un demain différent. Oui, c'était la dernière crise. Demain, tout à l'heure, même, tu feras du sport. Tu ne mangeras rien, ou alors si peu. Demain, tu maigriras. Demain, tu décrocheras.

Lundi gras et chagrin

 

Le bouton du jean qui peine à se fermer;

 

Le bas du pantalon qui semble avoir pris feu tant il est plus court que d'habitude – normal, il est plus rempli en haut, donc il rétrécit;

 

Les coutures des manches du tee-shirt qui ondulent le long du bras;

 

La culotte qui serre aux cuisses et à la taille;

 

Le haut des chaussettes qui parait plus elastique que d'ordinaire et qui scie le mollet;

 

Le soutien-gorge qui ne s'est pas fermé au deuxième cran mais au troisième, et qui malgré tout fait garrot, laissant apparaître sous le pull un gracieux bourrelet dans le dos;

 

Devant, ce sont les seins eux-même qui rebondissent des bonnets, donnant l'impression que non pas deux mais quatre seins s'y disputent un peu de place;

 

Les chaussures, qui ont perdu une taille dans la nuit;

 

Et la balance, qui vient confirmer ce que la ronde savait déjà: deux kilos se sont incrustés dans chaque milimètre de son corps malmené ce week-end.

 

Lundi chagrin.

Cadeaux empoisonnés

Savoir recevoir un cadeau et surtout faire bonne figure lorsque le dit présent ne plait pas, n'est pas chose aisée. Mais pour la ronde, en ces temps d'anniversaire, l'exercice est encore plus angoissant.

 

Sa grande peur, dans ces circonstances, est de se voir offrir un vêtement. Elle n'a d'ailleurs jamais bien compris comment il était possible qu'on persiste encore à lui acheter chemise, tee-shirt, pull ou même jupe, tant il lui semble évident que dénicher quelque chose qui lui ira vraiment est un pari improbable.

 

Pourtant, régulièrement, on lui remet un paquet qui, dès la palpation, ne laisse aucun doute. Une fringue. L'intention est toujours si bonne qu'elle ne voudrait pas avoir l'air ingrate: elle est sincèrement touchée. Seulement voilà. Les âmes amies ne se contentent en général pas d'un "merci c'est adorable et super joli". Dès le papier arraché et le vêtement déplié, la ronde entend l'inévitable et redouté "va l'essayer, si ça ne va pas on peut changer".

 

Difficile de décrire là les affres auxquels elle est alors confrontée. Refuser d'optempérer risque de vexer celui qui vient, fébrile, de lui offrir le présent. Mais accepter, c'est s'exposer aux regards déçus et gênés de ce dernier. Parce que bien sûr, neuf fois sur dix, ça ne lui va pas. Il y a d'ailleurs une explication très simple à cela. Les gens qui aiment la ronde ne la "voient" pas. Cela ne leur viendrait donc pas à l'esprit d'acheter une jupe en 44 ou un petit haut en taille 4. Ils ne réalisent pas non plus forcément que cet adorable cache-coeur en maille couvrira à peine la moitié de ses seins.

 

La ronde parvient régulièrment à esquiver le défilé de mode post-gateau d'anniversaire, mais parfois, elle s'y colle, empruntée. Elle sort de sa chambre le ventre rentré et se dandine maladroitement, tirant nerveusement sur le petit – très petit – pull, du coup déjà foutu pour un éventuel échange, tout en faisant mine d'adorer cette nouvelle tenue. Elle joue si bien la comédie que tout le monde est ravi, mais toutefois soulagé lorsqu'elle prétexte une température trop ou pas assez élevée pour rester ainsi et qu'elle repart se changer.

 

Au fil des années, les uns et les autres ont compris qu'après tout, les livres et autres nourritures spirituelles étaient des cadeaux moins risqués.

 

Surtout, l'homme est arrivé. Il a lui décidé que la ronde porterait vraiment des mini cache-coeur, des soutiens-gorge pigeonnants et autres débardeurs aux décolletés provoquants. Et petit à petit, la ronde s'est prise au jeu de défilés olé olé, très vite déshabillés…

Humiliation sur la chaussée

La ronde a un sale caractère, faut pas croire. On dit que les ronds sont bonhommes… bof, pas tous. Le problème, c'est qu'on ne la loupe pas. Et qu'à un moment où à un autre, on lui fait payer son irrascibilité passagère en rappelant à son bon souvenir ses kilos qu'elle n'avait pourtant pas oubliés.

 

Petit exemple anodin mais toutefois douloureux…

 

La ronde est excédée lorsqu'elle doit traverser un boulevard à l'endroit du passage piéton, de voir les voitures débouler et frôler ses orteils sans freiner. Alors fréquemment, elle brave courageusement le danger et s'engage sur les lignes blanches, alors même qu'un bolide approche. Elle prend alors un malin plaisir à ralentir le pas, histoire que le conducteur soit contraint de ralentir, puis de s'arrêter, ce qui le met bien sûr en rage. La dernière fois, elle s'est livrée à ce petit exercice alors qu'elle était accompagnée de ses collègues. Et là, le fou du volant, furieux de voir la ronde marcher ostensiblement au rythme d'un escargot, a sorti son visage rougi par la fenêtre et éructé assez fort pour être entendu dans un périmètre d'une centaine de mètres: "c'est bon, on t'a vue, ça, on risque pas de te louper, ne t'inquiète pas, connasse !".

 

Se faire insulter n'est jamais agréable. Devant témoin, encore moins. Mais plus que le "connasse", ce qui transperça le coeur de la ronde, ce fut l'insinuation à peine voilée selon laquelle son gabarit était assez imposant pour qu'on la repère de loin. Le silence gêné et le malaise palpable de ses collègues finirent de la glacer.

 

Braver la bêtise et la vulgarité de certains individus a souvent un prix. Pour la ronde, ce prix à payer est souvent assez cher, c'est celui de la fierté.