Mois : novembre 2010

Bérénice, ou le plaisir comme doctrine

Food
Je vous avais parlé récemment (il y a deux mois ce qui en langage débordada est relativement récent) de la possibilité qu'une consultante fooding intervienne sur ces pages de temps en temps. Je suis très excitée, je trouve que ça fait chic, une consultante fooding.

Sachant qu'elle fait ça complètement gratos.

C'est moins chic, on est d'accord. Je veux dire, de ma part, c'est moins chic.

Bref, vous sembliez assez enthousiastes à l'idée qu'une personne sachant parler comme vous et moi (= capable de traduire les expressions aussi absconces que "faire suer les oignons" ou "monder les tomates") vienne éclairer vos lanternes et par la même occasion les miennes.

Avant d'entrer dans le vif du sujet et dans l'art du cochon (n'importe quoi, moi) je me suis dit que c'était mieux de vous présenter Bérénice, la consultante en question.

Elle s'est prêtée avec beaucoup de générosité au jeu des questions/réponses, en voici le résultat. Et dès la semaine prochaine, elle vous apprendra à faire…

LA MOUSSE AU CHOCOLAT.

Le genre de dessert qui ne supporte pas la médiocrité.

C'est parti mon kiki.

Edit: Je vous avertis, Bérénice est bavarde et c'est donc un peu long, cette interview. Mais je trouve ça personnellement super intéressant ce qu'elle dit. D'autant qu'elle a de l'esprit la petite. Surtout, au delà de la cuisine, elle parle du plaisir. Et le plaisir, c'est un peu le socle des théories zermatiennes. Du coup, pof, je m'y retrouve et à mon avis vous zaussi…

 

Alors Bérénice, qui es tu, quel âge as tu, d'où viens tu ?

Bérénice, 30 ans, mariée, gourmande anonyme. Je suis née en banlieue parisienne, et après quelques années à Paris, je suis repassée de l'autre côté du périph.

Kinder buenomane, nutelladdict, foiegrasvore… j'adooooore manger et cuisiner. Mon dressing est plus une succursale de la Fnac rayon gastronomie et Lafayette cuisine, que Zara ou Mango. Mes voyages sont articulés quasi exclusivement autour de la cuisine. Je dors cuisine, je bosse cuisine, je respire cuisine, je vis cuisine.

D'où vient ton amour de la cuisine, est-ce que toute petite déjà tu aimais faire fondre du chocolat ?

Toute petite, j'étais plutôt dans le genre chieuse, à dépiauter une chipolata pour en ôter le moindre bout de gras. L'approche des repas, surtout chez les autres, c'était pire que tout, l'Angoisse : impossible de savoir ce qu'il y avait dans mon assiette et comment ça avait été préparé. S'en suivaient des grands moments de solitude pour mes parents ( je m'en rends compte aujourd'hui …), de négociations en batailles, de chantage en crises de larmes, au final, je sortais de table sans manger.

Mais ça ne m'empêchait pas d'adorer cuisiner. Je me souviens avoir repeint plusieurs fois la cuisine de ma -très patiente- grand mère, à coup de mélanges de moutarde au sucre au riz cru au cacao en poudre … C'était mon atelier du petite chimiste !

Plus tard, quand mes parents ont divorcé, j'arrivais chez mon père, chaque week end, avec une cagette de provisions, des gribouilles et des bafouilles et je testais !

As- tu fais des études de cuisine ?

Le bac en poche, je savais ce que je ne voulais pas faire, mais le tri dans mes différentes passions n'était pas encore très abouti. Cinq ans de fac, deux ans de musique… et le tilt que si ce n'est pas maintenant, alors quand ? Et me voilà partie dans une formation de cuisine pour adulte, dispensée en ultra express : 6h par jour derrière les fourneaux, pendant 4 mois.

Dès les premières heures, le coup de foudre. L'évidence : moi, dans la cuisine. J'avais enfin trouvé ma place, et je m'y sentais bien. Du coup, je mets les bouchées double, pour obtenir un apprentissage dans une belle maison et je suis plus qu'exaucée quand j'apprends qu'il se déroulera au Bristol.

Quelle a été ta première expérience professionnelle ?

Ma première expérience a été mon apprentissage au Bristol. Une vraie grosse brigade qui fait peur (80 personnes), un chef charismatique qui te casse trois doigts en te disant bonjour tous les matins, un labyrinthe de couloirs, une pâtisserie, une chocolaterie, un service cocktail gigantesque, un room service hors norme, des produits d'exception… qui font que ça reste aujourd'hui mes plus beaux souvenirs de cuisine.

J'y ai énormément appris, tant sur les techniques culinaires, que sur les autres, et aussi moi même. Au début, j'avais l'impression d'être à l'armée : beaucoup d'hommes et pas franchement dans le style tendre ! Pas le droit d'être malade, fatiguée, triste, en retard … je ne précise pas que règles et syndrome prémenstruel, c'est total hors sujet. C'est limite si on remarque que tu viens de laisser un bout de doigt sur ta planche…

Mais au delà de ça, c'est "tous ensemble" : ça crie, ça hurle, ça gueule, ça brule, ça fouette, mais à la fin, il y a une vraie générosité, un vrai esprit de famille. Une fois que l'on a fait ses preuves, on découvre alors des hommes au cœur d'or, passionnés par leur métier, les produits et qui sont une source intarissable de savoirs.

Vis tu de cette passion ?

Aujourd'hui, je peux dire que je vis ma passion, et que j'ai en plus, la chance d'en vivre.

Je suis consultante culinaire (nan mais je rigolais pas quand je parlais de consultante fooding, hein, ndlr) et mes journées sont bien remplies. Bien sûr, il y a des moments de découragement ou de fatigue, quand je dois être loin de la maison plusieurs jours. Parfois, ça me démange aussi de retourner en restauration, pour ressentir cette adrénaline du coup de feu avant un service, et 3 h après, être exténuée mais se dire "c'est trop bon, vivement ce soir qu'on recommence !"

Mais partager tous les jours ma passion et continuer d'apprendre au contact de grands chefs, je ne changerai ça pour rien au monde !

Pourquoi as-tu envie aujourd'hui de partager tes secrets avec les lecteurs et lectrices ?

Autour de moi, depuis plusieurs années maintenant, c'est "ah bah tiens, toi qui t'y connait, ça veut dire quoi ça ? je fais comment pour réussir ça ? j'ai 12 personnes à diner après demain, aide moi ! t'as pas une adresse de resto ?" etc … Ce que je remarque le plus souvent, c'est qu'il y a un décalage entre ce que la télé-réalité et les blogs véhiculent et la réalité.

D'un côté, on veut faire croire à la ménagère qu'elle peut ouvrir un resto, parce qu'elle fait un super poulet rôti le dimanche en famille; de l'autre, les bouquins de cuisine sont parfois écrits dans un tel charabia que seuls les professionnels peuvent se risquer à tester la recette.

Alors de la même manière que je ne serai jamais coiffeuse, mais que faire des nattes à mes cousines, c'est à ma portée, surtout si on me l'explique correctement, je suis sure que si on prend le temps d'expliquer avec simplicité certaines astuces, certes, on ne fera pas naître des milliers d'Alain Ducasse, mais on prendra du plaisir.

Et c'est pour le plaisir, qu'il y a plusieurs mois déjà, lors de nos premiers échanges, c'était avec une immense joie que j'acceptai ta proposition !! On parle tellement de tout ce à quoi on doit faire attention, tout ce que l'on doit éviter etc, qu'il me semble plus que nécessaire d'aborder les choses d'une façon différente ! On va oublier les débats sur le sel, le sucre, le gras, le bio et on va juste se faire PLAISIR !!

Avec le nombre de blogs et autres ouvrages qui existent, tous les réponses devraient facilement être accessibles, mais je constate que ça n'est pas le cas. Aujourd'hui, pour moi, le plus important est de partager au delà de la recette (que l'on trouve facilement via n'importe quel moteur de recherche) : le choix des produits, du matériel, une astuce pour réussir à coup sur tel ou tel plat, et surtout, ne pas livrer une recette sans mode d'emploi, prendre le temps du détail et d'expliquer le pourquoi du comment.

Es- tu plutôt dessert ou salé ?

Dis donc Caro, je te demande à toi, qui tu préfères, de Philippe Jaenada ou Emmanuel Carrère ^_^ Tu me diras que l'un et l'autre ne se comparent pas et que finalement, c'est peut être une question d'ambiance, de moment et d'état d'esprit, au moment de la lecture… et bien pour moi, c'est pareil !

J'aime manger, gouter, humer, savourer, découvrir, me goinfrer ou manger du bout des doigts…J'adore particulièrement cuisiner les desserts, même si je salive plus devant la vitrine du charcutier que celle du pâtissier. La cuisine demande un chouya plus de rigueur que la pâtisserie et mon esprit tordu aimant la difficulté, je trouve mon plaisir à réessayer, encore et encore, jusqu'à ce que cela fonctionne.

Est ce que tu crois vraiment qu'on est tous capables de réaliser quelques chefs d'œuvre culinaires ou est ce que certains sont perdus pour la cause ?

Il me semble nécessaire de préciser une chose : la cuisine est un métier, qui s'apprend. Il y a une différence entre faire deux services de 100 couverts par jour et recevoir des potes à la maison.
Cependant, le point commun à tout ça, c'est le plaisir. Le plaisir de manger. Le plaisir de recevoir, et de vouloir faire plaisir.

Je pars du principe qu'à partir du moment où l'on aime manger, que l'on a envie de créer quelque chose de chouette et qu'on se donne les moyens, à quelque niveau que ce soit (même cuire des pâtes, ça s'apprend. Rien de pire que des pâtes molles fadasses, alors qu'une simple assiette de Penne au beurre peut devenir orgasmique, si on sait comment s'y prendre !), il n'y a aucune raison pour que cela ne fonctionne pas.

Il faut juste ne pas perdre de vue que réaliser un buffet pour 100 personnes ou une pièce montée avec sujets en sucre filé, quand on a du mal à faire une omelette, c'est peut être mettre la barre un peu haut … Et donc, chacun, à son niveau, est capable de réaliser un chef d'œuvre, oui !!!


Si tu devais citer quatre ou cinq outils indispensables pour arriver à cuisiner correctement, ça serait quoi ?

Une des premières choses que l'on nous répète à longueur de journée en cuisine, c'est qu'il n'y a pas de mauvais matériel, uniquement de mauvais ouvriers.

On peut avoir les plus beaux ustensiles, un fourneau 6 feux, un four vapeur et un batteur dernier cri, si l'on ne sait pas comment s'en servir, on ne peut pas espérer un résultat miraculeux.

Pour moi, la base de la réussite réside en tout premier lieu dans le choix des produits. Un bon produit, c'est déjà 50% de réussite pour la recette. De la même manière que l'on va demander conseil au pharmacien, quand on ne veut pas passer par la case médecin, les petits faiseurs des métiers de bouche sont des gens passionnés qui ne demandent qu'à transmettre leur(s) savoir(s). De plus, demander conseil à son primeur, son boucher, son fromager, qu'il soit dans les beaux de quartiers de Paris ou au Carrouf de Trifouillis les oies, c'est établir un lien privilégié avec lui et créer une relation qui réservera, à coup sûr, de bonnes surprises : outres les conseils avisés et les astuces recettes, il sera plus à même de mettre des tranches de jambon en plus ou une barquette de framboise cadeau, de temps en temps, dans le sac !

Ensuite, tout est question d'organisation et d'astuces. On ne peut pas avoir chez soi exactement le même matériel que le chef du restaurant. On peut acquérir certains éléments, mais ça s'arrête là. Il faut donc apprendre à cuisiner avec ce que l'on a sous la main, détourner des objets etc … Et c'est justement ce que je veux expliquer et faire partager à tes lecteurs !

Il faut également être organisé : réaliser une recette, c'est d'abord la lire, déchiffrer ce que l'on ne comprend pas, s'assurer que l'on a tous les produits, le temps nécessaire, puis, commencer. Sans perdre de vue que l'on ne s'attaque pas à plus gros que soit.

S'il y a une chose à retenir, c'est que maitriser les bases, c'est ce qui va permettre de pouvoir aiguiser notre sens de la créativité, et nous assurer plus de maitrise dans les recettes les plus complexe ; marcher, avant de courir …

Enfin, au cas où je ne l'ai pas assez répété, ne pas perdre de vue le PLAISIR. Passer la journée à s'arracher les cheveux sur une recette, c'est juste du masochisme !!

De la connerie et de la jeunesse

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Arrivée tard hier de Lyon, le moral un peu dans les chaussettes comme à chaque fois qu'il s'agit de quitter Manou, Padom et tous les autres. Un billet légèrement décousu donc pour aujourd'hui, avec des photos couleur d'automne, le jardin de mes parents est toujours si beau en octobre…

A part ça, j'ai récupéré une Rose dans une forme olympique, ayant fait comme il se doit d'énormes progrès de langage (il faut savoir que tout enfant normalement constitué profite de LA semaine où tu le laisse pour apprendre à marcher/devenir propre/savoir écrire son prénom/parler comme un livre/faire du vélo sans roulettes) (c'est humiliant et frustrant en tant que parent mais ce qui compte n'est-ce pas le résultat ?) (ok, c'est rageant, on est d'accord).

Quoi qu'il en soit, Rose n'a pas failli à la règle de l'apprentissage loin de sa mère. Elle prononce désormais UN mot de trois syllabes sans aucune hésitation.

Saucisson.

On a les enfants qu'on mérite.

C'est d'ailleurs en substance ce que nous a envoyé dans les dents monsieur Supercon dans le TGV hier.

On n'était pas partis depuis trois minutes de la gare de la Part-Dieu que la gars s'est levé pour enguirlander mon machin qui rigolait avec Helmut (il avait la bonté de s'en occuper, ok, il a une conception assez personnelle du baby-sitting mais ils ne faisaient très sincèrement que rire un peu fort) (il y a eu certains départs de gare bien plus en fanfarre que celui-ci, dieu m'est témoin). Mr Supercon, donc, a invectivé mon garçon par son prénom, m'ayant entendue l'appeler deux minutes avant et l'a sermonné super violemment sur le mode "mon petit machin, tu vas me faire le plaisir d'être un peu plus sage et de me laisser voyager tranquillement. Donc tu commences par te taire et tu fais en sorte que ta soeur également".

Mon sang de mère n'a fait qu'un tour et je l'ai fermement incité à s'adresser à ses parents plutôt qu'à cet enfant loin d'être majeur (et encore moins vacciné, c'est une horreur le retard qu'on a au niveau du pentacoq, fin de l'apparté). Le churros quant à lui tremblait de rage mais se contenait. Jusqu'à ce que mister supercon, vieux beau sosie de Polanski – en barbour s'il vous plait – nous explique qu'à bien nous observer il comprenait mieux le comportement de nos enfants et que les chiens ne faisaient pas des chats et patin couffin (il n'a pas dit patin couffin, ça c'est moi) (à la place il a ajouté tout un tas de gracieusetés qui montraient qu'il avait en gros grave la haine). Un chouette moment de solidarité humaine et de vivre ensemble, en somme. Il s'en est fallu de peu que le churros lui en colle une. (ça m'a un peu excitée)

On a finalement calmé le jeu tout en expliquant à Rose que si d'aventure elle avait mal au coeur, c'était à la place 76 qu'il fallait qu'elle courre vite vite vite demander du sopalin. Et que si le monsieur n'en avait pas, tant pis pour lui.

En réalité j'étais tellement énervée que je n'ai pas arrêté de faire des réflexions bien senties tout le trajet pour lui mettre la honte. Et aussi dans l'espoir que les autres gens me montrent par un regard ou un sourire qu'ils étaient de mon côté.

A priori ils ne l'étaient pas.

Et puis histoire de bien donner raison à mr supercon au sujet de sa mauvaise éducation, à la sortie du TGV, mon machin l'a doublé sur le quai et lui a lancé avec une insolence mêlée de fraicheur qui m'a remplie de fierté: "C'était bien la jeunesse, monsieur, hein ?".

Après on a détalé aussi vite que c'est possible à cinq avec douze mille bagages. On assume, mais à moitié, en vrai.

Voilà, à part ça, je vous laisse avec le saint pothin apporté par ma grand-mère qu'on s'est boulottés avant qu'elle aille au cimetière voir mon grand-père. Je trouve ça classe, moi, le concept de la crème au beurre avant d'aller fleurir les tombes. Et oui, les jambes de jeune fille qu'on peut apercevoir sur la photo, sont celles de ma grammy, 89 ans et sept enfants.

Il faudrait qu'un jour on m'explique les mystères de l'hérédité. De cette grand-mère, j'ai hérité… du nez. En patate, le nez.

Edit: Il y avait encore quelques framboises dans le jardin, c'est fou, non ?

Edit2: Les petites menottes dans celle de grammy, sont celles de la toute petite fille de ma soeurette, qui grandit à son rythme. Elle est à elle seule une victoire sur le Distilbène et en ça, c'est un peu une héroine…

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