La revanche du petit chaperon rouge, par Christophoros Katsadiotis

La Seine, 2014, gravure 25 X 33 cm.

Aujourd’hui je veux vous parler d’une personne qui m’est chère. Quelqu’un qui ne peut vous laisser indifférent dès la minute où vous le rencontrez. Une fois son regard planté dans le vôtre, vous êtes immédiatement prévenue: avec lui, il n’y aura pas de faux semblants. C’est difficile à expliquer ainsi, mais voilà, c’est comme s’il n’avait pas de temps à perdre avec les conventions sociales à deux balles ni peur de ce qui souvent terrifie les gens: l’intimité. Peut-être est-ce du à la barrière de la langue, Christophoros est grec, nous échangeons en anglais, le sien est riche de vocabulaire, le mien est principalement comique. Le mieux pour se comprendre est du coup sans doute d’aller à l’essentiel.

Anyway, (pardon my greek), j’ai tout de suite su dès que nous avons commencé à parler – tant bien que mal – que j’allais apprécier l’amoureux de ma chère amie M. Leur rencontre il y a trois ans est en elle même un poème, je ne suis pas sûre qu’ils voudraient que je la déflore ici. Je dirai juste qu’il est question d’un coup de foudre sur un ferry reliant deux confettis des Cyclades. En même temps, s’il est un lieu sur terre où les sirènes de l’amour chantent depuis toujours, n’est-ce pas cette mer là ?

Bref, Christophoros Katsadiotis est un peu mystérieux, je ne comprends pas toujours ce qu’il me dit, mais je sais une chose en revanche, son talent est immense. Anciennement journaliste, il a décidé d’embrasser une carrière artistique en 2009, s’inscrivant alors aux Beaux-Arts de Thessalonique. Il a choisi, plutôt que la peinture, la gravure sur des plaques de métal, parce que dit-il, « pour graver, il faut être un alchimiste ». La première fois que j’ai vu l’une de ses oeuvres, c’était pour le coup un dessin, qu’il avait griffonné sur un post-it pour M. Au delà de sa dimension si romantique, j’avais été frappée par la précision du geste et l’atmosphère mystérieuse du croquis. Depuis, j’ai pu admirer plusieurs de ses gravures, avec, toujours, ce même sentiment d’étrangeté un peu menaçante, mais aussi d’humour, qu’on décèle dans son regard toujours un peu amusé.

Si je vous parle de lui aujourd’hui, c’est parce que jusqu’au 29 mars, Christophoros montre ses oeuvres au musée de la Halle Saint Pierre à Paris, un lieu magique dédié à l’art brut, au pied de Montmartre. Le nom de l’exposition ? « La revanche du petit chaperon rouge ». « Le petit chaperon rouge a de nombreuses raisons d’être en colère, après toutes ces années, explique Christophoros. Tout le monde raconte son histoire, de ce que le méchant loup lui a fait, du scandale de sa grand-mère dévorée, etc. Elle a accumulé toute cette aigreur, elle porte en elle ces menaces depuis des générations. « Le petit chaperon rouge » est mon pays. Un pays qui souhaiterait gagner le droit de retrouver l’estime de soi. Qui rêve d’un changement, de pouvoir dire «non», de redresser la tête ».

La  quarantaine de  gravures présentée à la Halle Saint-Pierre ont été créées entre la Grèce, la Pologne et la France  au cours de ces 5 dernières années. « Les sujets sont liés à notre époque : les  injustices sociales, les petits jeux sombres de nos vies, parfois la peur.  Nous sommes aux aguets, mais qu’attendons nous ? », interroge Christophoros.

carrouesel, 2014, gravure, 33 X 25 cm. Cheval de Troie, 2012 gravure 30 x 44 cm. Une bouteille pour deux, 2013, gravure 50 X 41 cm. La Revanche de petit Chaperon Rouge, 2012, gravure, 24 X  39 cm.

Les visages de ses personnages,  leurs corps, portent les stigmates leur environnement social,  les traces de leur passé. Tous cherchent quelque chose, peu importe ce qu’ils trouveront. « Nous continuons tous à chercher et c’est ce qui nous tient en vie, résume Christophoros. Faisons une expérience, celle de la conscience pure, imaginons que chacun ait appris de son histoire, traçons nos routes, prenons-en la responsabilité. Voici la ligne directrice de mon travail : transcrire nos milliers de pensées avec,  en arrière plan nos villes et notre imagination ».

Voilà, l’entrée à l’exposition est libre et j’espère vraiment que vous aurez envie d’aller y jeter un oeil, cela ne ressemble à rien d’autre, c’est plein de poésie et personnellement, j’aime tout particulièrement La Seine, en entrée de billet.

Bonne journée

 

59 comments sur “La revanche du petit chaperon rouge, par Christophoros Katsadiotis”

  1. berengere a dit…

    J aime bcp le suspense du début du billet….là où tu te demandes ds quoi je m embarque ?!!!
    Bref ! J aime assez ces oeuvres que tu nous fais découvrir et donc cet artiste et certaines me font penser à qq croquis de Mathias malzieu
    bonne journée !

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  2. lacopacham a dit…

    Même je n’aime pas trop le style de son dessin (les de goûts et les couleurs…), j’aime énormément le titre de son expo 🙂 et surtout le concept, la théorie cachés derrière. Merci pour cette découverte.

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    • Caroline a dit…

      oui je crois que c’est le type même d’artiste qu’on ne va pas nécessairement aimer pour sa dimension esthétique, ses oeuvres sont des invitations à la réflexion.

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  3. Val Làô sur la Colline a dit…

    Il doit faire bon être de tes amis…
    J’aime énormément ces gravures et le sens qu’elles ont, et c’est fort dommage que je ne puisse pas les voir « en vrai », d’autant que je viens à Paris en avril !

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  4. DOMINIQUE a dit…

    Il a un monde à lui. Et un style à lui.
    Le titre de l’expo est très drôle, décalé comme ses gravures. Dès que je les ai vues, j’ai pensé à Topor, cependant je sais qu’il y a un autre artiste auquel il ressemble, et je n’arrive pas à mettre la main dessus.
    Et ça, ça m’énerve ! En tout cas, j’aime bien.

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  5. Xochitl a dit…

    Les exemples que tu montres donnent envie d’aller découvrir cet artiste. De ce que je vois, j’aime particulièrement les visages, expressifs, déformés, reflets de tant d’autres choses.

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  6. Caroline a dit…

    Merci pour vos commentaires, ça me touche beaucoup, je sais qu’avec ce genre de billet je sors de la zone de confort du blog, mais c’est aussi ce que j’aime faire ici 🙂

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    • biloubb a dit…

      Mais c’est justement pour ça que j’aime ce blog…pour les vadrouilles hors zone de confort. Suis une grande fan du Chaperon et de toutes ses versions et …mon fils se prénomme Loup

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  7. Alabama a dit…

    C’est très beau, ses oeuvres me parlent vraiment, avec cet aspect art brut, l’intérieur sans filtre, attrait et répulsion. Oui la Halle Saint Pierre est le lieu d’accueil adéquat. J’irai. Merci pour le partage

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  8. bibiche a dit…

    quel univers ! on se croirait face à un songe …J’aime beaucoup la version du Petit Chaperon rouge, pour le coup sacrément armé face aux dents du Loup, cette gravure m’amuse, au sens propre.
    Merci de nous avoir fait découvrir ce talent …

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  9. woufynette a dit…

    S’il n’y a que ça pour te séduire, je peux te faire de jolis dessins tu sais ? J’excelle en girafes et en phacochères. 😉

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  10. Geneviève a dit…

    Comme je regrette de ne pouvoir voir voir cette expo…
    TOUT me parle, LA GRAVURE (que j’ai pratiquée), les « personnages » et l’univers du conte, les TEXTES de présentation que tu cites donc L’IDÉE, les idées fondatrices de son travail (retrouver l’estime de soi, pouvoir dire non, avancer…).

    C’est magnifique. J’aimerais tellement pouvoir exprimer aussi justement les choses…

    P.S. Quand j’écris en majuscules, ce n’est pas pour crier mais je suis frustrée des quelques lignes qui me viennent à l’esprit.

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  11. Fanny a dit…

    Oui moi aussi je regrette de ne pas habiter Paris… Je trouve ces gravures vraiment belles, mes préférées étant les deux premières. J’aime beaucoup aussi la façon dont il parle de son travail (par contre, mon vocabulaire est très pauvre, surtout quand je veux exprimer l’admiration).

    Et puis j’ai aussi un ami grec (comment ça rien à voir ?) (en plus il parle très bien français)

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      • Françoise Wouters a dit…

        La présentation du travail de votre ami est tellement chaleureuse que c’est le style qui convient pour parler de cet art! Superbes gravures. Merci de nous les présenter. J’espère les voir un jour à Bruxelles.

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  12. Nocléa a dit…

    C’est ça qui fait toute la richesse de ton blog Caro ! Merci de nous faire découvrir cet artiste. J’aime beaucoup l’art contemporain, même si je suis surtout fan des grandes installations qui mêlent de nombreuses techniques, je suis interpelée par ce que tu montres de cet artiste et je vais aller voir cette expo, merci encore !

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  13. shakti a dit…

    J’adore le titre et la manière de faire le parallèle entre le conte et son pays. En revanche, je ne suis pas fan du tout de son oeuvre, tout du moins (parfois le ressenti peut changer en « vrai ») en photo.
    Malgré tout, et parce que j’admire ceux capables de tout lâcher pour vivre leur rêve artistique, quel qu’il soit, je lui souhaite longue vie.

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    • Caroline a dit…

      c’est un univers très particulier et pas forcément esthétisant en effet, je comprends totalement qu’on n’adhère pas, ce n’est pas ce vers quoi j’irais forcément en premier moi non plus, mais en fait ce que j’aime c’est qu’on sent une démarche. et surtout oui en vrai, le fait que ce soient des gravures leur donne un relief assez particulier. et oui je te confirme, c’est un artiste assez entier, qui ne se compromet pas et qui se dédie vraiment à son art, c’est assez rare et précieux.

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  14. et de trois a dit…

    Je me permettrai un petite rectification. Nous ne sommes pas ici face à de l’Art Brut comme l’entendait Dubuffet. L’Art Brut est un art spontané, sans démarche intellectuelle, culturelle ou de connaissance artistique. De plus ton ami utilise la gravure, outil noble.
    Je n’ai pas la prétention de faire ici un cours d’histoire de l’art. C’était juste une petite précision. Et ceci n’enlève rien à la qualité de son travail. Travail qui a une forte démarche intellectuelle. Bravo à lui et merci à toi de nous faire ce partage.

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  15. kinou a dit…

    A propos de rencontres romantiques… je connais (de loin) un couple franco-italien qui s’est rencontré à Venise; elle avait le nez dans son plan touristique, il marchait la tête dans ses pensées, ils se sont rentrés dedans à un coin de rue et ne se sont plus quittés. Eh oui, ça arrive même dans la vraie vie, j’adore cette histoire !

    Moi aussi, j’ai eu un coup de foudre grec, sur les marches de la citadelle de Nauplie. Il descendait l’escalier, je le montais. On s’est croisés, puis on s’est retournés tous les deux. Il avait les traits si fins que je n’ai pas su au premier coup d’oeil si c’était un homme ou une femme, mais je me souviens m’être dit que ça n’avait pas d’importance, alors que j’étais totalement hétéro. On a passé quelque temps ensemble. Beau souvenir.

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      • kinou a dit…

        C’était un homme. Prof de tennis et designer de chaussures, ça ne s’invente pas ! Avec lui, j’ai découvert la Grèce en hiver, des coins paumés du Péloponnèse, des îles inconnues, les villages de montagne du Nord. J’en garde une tendresse particulière pour ce pays et ses habitants.
        ça me rappelle ton palmarès de tes endroits préférés. Mes endroits préférés le sont parce que je les ai partagés avec des gens que j’aimais, d’amour ou d’amitié, et/ou que j’y ai fait de belles rencontres humaines.

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  16. Ka a dit…

    Je m’arrête sur la dernière image, je ne sais pas pourquoi. Le gros loulou dans sa cage. Ok, le petit chaperon est bien rouge, bien équipé, mais mal arrangé… la pendule sans aiguilles. Gravures inspirantes (?). Très bel article en tout cas. Grâce à toi et à Katsadiotis je découvre l’existence de le Halle saint Pierre. Dommage c’est à Paris et moi je suis en région(comme on dit). et pas de déplacement sur Paris en ce moment, ce qui n’a pas toujours été le cas. Bonne journée

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  17. lavieacinq a dit…

    Pour sur, j’irais voir cette expo!!
    J’adore le travail sur gravure et l’atmosphère qui habite ses dessins me parle vraiment!
    J’aime ce mélange de beauté et d’étrangeté!
    Certains visage (notamment ceux du dessin de la croisière sur le Seine) me font penser à un artiste que j’aime beaucoup : Blanquet (qui mêle pour le coup avec virtuosité l’étrangeté (parfois malsaine) et la beauté) MAIS, à ne pas mettre en toute les mains!
    Merci pour cette très belle découverte! Tu as beaucoup de chance de pourvoir côtoyer un artiste de cet acabit!

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  18. HeLN a dit…

    Bonjour Caro,
    Je regrette moi aussi d’être trop loin de Paris pour aller voir en vrai cette expo ; le rendu photo ne rend pas hommage à sa juste valeur au travail de gravure de l’artiste et c’est tout à fait frustrant !! (sur quel métal est-ce gravé ? comment la couleur est posée, quelle est la profondeur de la gravure, quelles sont les dimensions réelles des gravures etc…? autant de questions que la vue des photos depuis mon ordi ne permet pas de résoudre, arf !!)
    En tout cas cet univers proche également de certains dessins animés, BD ou « romans graphiques » me parle beaucoup!
    Bref : belle découverte dont je te remercie !

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  19. oublié a dit…

    moi je t’aime pour ça: Caro represents (avé l’accent) (anglais) on sent que tu t’es appliquée pour bien présenter ton ami. je me dis en te lisant que celui qui ‘vend’ bien ses amis parce qu’ils sont ses amis a un coeur d’or 😀

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  20. verolilas a dit…

    C’est vrai qu’on pense à Jérôme Bosch, et à ses personnages inquiétants et dérangeants.
    Merci pour l’expo en ligne, je ne peux pas encore me déplacer pour ce genre de chose avec mes twins…!

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  21. la grande isa a dit…

    C’est un très beau travail et je te remercie de nous le faire découvrir. Je comprends qu’il ait les « honneurs » (c’est un mot pompeux et ça ne s’accorde ni à l’esprit du lieu où il expose, ni à celui de son travail… mais quand même… !) d’une expo à la Halle Saint-Pierre.

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  22. marieal a dit…

    tout autant que pour les oeuvres, on a envie d’aller à la Halle St Pierre pour rencontrer l’artiste grâce à cette jolie description que tu fais de lui…j’aime le regard tendre que tu poses sur ceux que tu aimes ou qui sont tes amis, quelle chance ils ont d’avoir un si doux regard posé sur eux!
    j’aime beaucoup le trait de crayon, notamment les quais de la Seine superbement représentés…et le manège est très poétique. j’imagine que si il expose, c’est qu’il vend? c’est des grands formats? j’y enverrai bien mon meilleur ami voir si il ne trouve pas la gravure de ses rêves pour ses X0 ans….

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      • marial a dit…

        dommage pour le vernissage…l’ami en question est dans sa semaine de repos ici, 800km de Paris.
        mais je veux bien que tu te renseignes pour la vente, merci, sans urgences 😉

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  23. Nath d'athenes a dit…

    Je ne connaissais pas l’artiste…je ne peux voir l’expo a Paris, mais si il expose en Grece j’y traine ma pre- ado pour aller voir les oeuvres…merci

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