Une histoire banale, ou l’anatomie d’un viol

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C’est un film coup de poing, réalisé par une jeune femme qui, lasse d’attendre des financements pour tourner a décidé de faire avec le minimum, à savoir 8000 euros récoltés notamment grâce au « crowd funding ». Bien sûr, cette économie de moyens se ressent. Peu de décors, pas des masses d’acteurs et de figurants, des plans serrés. Mais finalement, plutôt que de desservir le propos, cet ascétisme le met plus en avant. Parce que l’histoire « banale » qu’Audrey Estrougo raconte n’a pas besoin de fioritures et se suffit à elle même.

D’autant que cette merveilleuse actrice, Marie Denarnaud, vue dans Les corps impatients, habite littéralement le film. Et se laisser porter par les saisons qui passent sur son si beau visage permet de saisir toute l’essence de cette oeuvre si singulière.

Le pitch tient en quelques mots: Nath, jeune infirmière pleine d’amour et de vie, dingue de Wilson, son fiancé expatrié à Bruxelles pour quelques mois, part un soir faire la fête avec sa belle soeur. En boite, elle croise un collègue, Damien. Un gars gentil en apparence, dont les coups de fils un peu insistants ces derniers temps ne plaisent pas plus que ça à Nath, sans pour autant l’inquiéter outre mesure.

Sauf que Damien n’est pas si gentil et que, sous prétexte de la raccompagner chez elle, il la viole, comme ça, en quelques secondes à peine, profitant de cette sidération que de nombreuses victimes racontent après coup.

Le film commence véritablement là, après que la vie parfaite ou presque de Nath explose en mille morceaux. En peu de mots, sans effets de manche, sans larmoiements ou démagogie, Audrey Estrougo montre la désintégration de Nath, la peur, panique, les tentatives désespérées de reprendre le contrôle, les heures passées à se frotter sous la douche pour faire partir la « saleté ». La culpabilité, l’incompréhension des proches, le combat avec soi même pour respirer à nouveau.

C’est un film coup de poing, une démonstration implacable des conséquences dévastatrices du viol. C’est le portrait d’une femme aussi, qui refuse d’être pour toujours une victime.

Il n’y a que peu de copies d’Une histoire banale et qui dit peu de moyens dit peu de communication. Malgré tout, les critiques sont unanimes quant à la qualité de ce film et sa portée militante. Si d’aventure il passait près de chez vous, je vous le conseille vivement. Parce que personnellement, j’ai hâte de voir le prochain opus d’Audrey Estrougo. En espérant d’ailleurs que la si talentueuse Marie Denarnaud soit de la partie…

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Pour en savoir plus sur le film et la réalisatrice, le dossier de presse est ici.

Edit: J’y suis allée avec la Chérie, 14 ans dans quelques jours. Je pense que c’était peut-être un peu tôt, certaines scènes sont un peu rudes, pas tant celle du viol que d’autres, après. Mais cela nous a permis de pas mal parler de tout cela, du « non » qui doit être entendu par l’autre comme une fin de non recevoir, du fait que l’on est jamais responsable d’avoir été violée, de l’importance de la parole et de la plainte. Bref, au final, même si je ne suis pas certaine d’avoir eu raison de l’emmener, je crois que ça n’était pas insensé non plus.

Edit2: Promis, la prochaine chronique « culture », je la fais sur Cyril Hanouna.

46 comments sur “Une histoire banale, ou l’anatomie d’un viol”

  1. Smouik a dit…

    j’ajouterais bien « prem’s » mais j’ai fait ça l’autre jour pour commenter un Instagram de mon aînée, elle l’a immédiatement effacé en me disant : « T folle ou quoi ? C trop la honte ! » 😀 😀

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  2. isacoolpix a dit…

    merci pour ce film….. je vais y aller…
    et courage pour le train bourré d’hormones adolescentes et de surexcitation d’enfants……..pense zen, Christophe André, respiration, etc…………….et bonnes vacances dans la joie malgré tout!!!

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  3. Elosyia a dit…

    J’ai vu une affiche dans un petit snack à côté de chez moi et j’avais été frappée par la force et la simplicité de celle-ci. Me demandant qu’elle pouvait être le sujet du film.
    Je pense que j’irais le voir. Car c’est un sujet qui reste encore difficile à aborder et qu’une réalisatrice s’y attaque sans beaucoup de moyens me touche.
    Juste un aparté : le morceau classique utilisée dans la bande annonce est d’ailleurs le même utilisé dans la bande annonce et à la fin du film Irréversible qui traitait notamment du viol et des effets dévastateurs sur la victime et son entourage.
    J’aime beaucoup ta critique qui donne vraiment envie d’aller voir le film.

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  4. Cécile - Une quadra a dit…

    A priori pour l’instant pas de séance prévue dans mon coin, dommage parce que j’en ai entendu parler aussi sur France5 et ça me tente bien ce film.

    Sinon excuses moi mais même entre guillemet culture et Hanouna accolé je pouffe et pleure de désespoir en même temps ;D

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  5. reine a dit…

    Merci j essaierai de le voir avant de partir en vacances…
    En octobre dernier, sur arte, il y a eu un film allemand sur le même thème….. Un viol d’une gentille fille sans histoire , après une fête entre amis très proches…. Et on assiste à la désintégration de sa personnalité et de son réseau social… Car tous ses amis sont soupsonnables et lui en veulent pour ça….
    Comment se passent tes vacances ? La marmaille te fout la paix? Enjoy life et le bon air.

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  6. Corinne a dit…

    tu donnes juste envie d’aller le voir, mais je ne sais pas si j’en aurai le courage.
    C’est juste un sujet qui me ravage complètement, je ne supporte pas cette violence comme la violence sur les enfants, même en « film », j’essaie, je commence à regarder et je suis obligée d’arrêter en route…

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    • Fmior03 a dit…

      Tout pareil pour moi, j’ai décroché d’Orange Mécanique ou de C’est arrivé près de chez vous à cause de cela…
      Mais rien que pour l’édit numéro un, merci pour ce post.
      Et Cyril Hanouna et la culture, je passe mon tour !

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    • Phoebe a dit…

      Tout pareil pour moi, ça me ravage pendant des semaines, voire des mois …
      Et pourtant, c’est un drame auquel aucune de mes proches n’a jamais été confrontée ( à ma connaissance … ), nos réactions viscérales disent bien je pense l’horreur universelle ressentie face à ce crime

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  7. Marje a dit…

    C’est à mes fils que je pense … Je veux qu’ils comprennent qu’un non est un non catégorique et que la moindre caresse non désirée est une violence. Je sais que j’ai encore un peu le temps mais je cherche le vecteur, le tremplin, un écho pour donner du sens à cette discussion. Je note ce film pour dans quelques mois … Merci et bonnes vacances (même si je fais partie de celles qui ne croient pas à l’addition de vacances + enfants !!!)

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    • Bulle d'O a dit…

      Je pense aussi à mes fils, c’est important que les garçons/futurs hommes comprennent quand une fille/femme dit non c’est non, on n’est pas dans la tête de l’autre alors on respecte sa parole. J’ai déjà eu des discussions avec ma fille de presque 16 ans sur le sujet mais pas avec les garçons ( 17 et bientôt 14 ans ) et je pense que c’est effectivement une lacune. Ce serait bien que leur père leur parle mais là je rêve je crois… Dommage.

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      • La Chouette a dit…

        C’est très simple:
        « non » -> ben c’est non. Logique. (contrairement aux croyances, « non », c’est pas un oui pudique)
        Le silence, un air gêné, un changement de conversation… -> jusqu’à preuve du contraire, c’est « non ». (ok, si la personne commence à se/te déshabiller, c’est certainement « oui ^^)
        Une tenue sexy, accepter de monter dans la voiture, accepter un verre, sourire etc -> jusqu’à preuve du contraire, c’est « non ».
        On peut tenter (en douceur), mais tant que l’évidence n’est pas là, INTERDIT d’insister.

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  8. Hélène a dit…

    Peu de chances qu’il passe vers chez moi, mais j’en profite pour te remercier de m’avoir conseillé 3*manon, regarde vendredi soir et encore des émotions plein la tête!!! Bonnes vacances

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  9. maaarie a dit…

    Au final, vous regrettez d’y être allée avec la Chérie ? Je me pose les mêmes question pour la mienne.
    En tout les cas merci pour l’info, pour 3X Manon, et surtout pour Monoprix !

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  10. Valerie de haute Savoie a dit…

    Je n’irais pas, c’est bien le seul sujet qui me touche de trop près pour cela. Le cataclysme, le mot n’est pas trop fort, cette immense déflagration qui suit le viol, je ne sais si l’on peut le raconter dans un film, chaque viol est unique hélas. Je me suis reconstruite bien sûr, mais la fragilité reste éternellement il me semble.

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  11. Elisabeth a dit…

    Merci pour tes conseils précieux en culture (non pitié, pas Cyril Hanouna), j’ai regardé 3x Manon ce week-end, un vrai régale !

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  12. AnneduSud a dit…

    Merci encore pour 3 x Manon. j’avais lu une superbe critique dans Télérama mais n’avais pas regardé. C’est fait et c’est magnifique. J’imagine que l’on reverra Manon alias Alba qui crève l’écran.
    Par contre Hanouna pour la culture, je laisse ma place 😉

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  13. AnneduSud a dit…

    Et pour ce film, je vais aller voir si ça passe dans le coin. On ne fera sans doute jamais suffisamment de film sur ce sujet.

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  14. Marilune a dit…

    Mais heureusement que la culture ne s’arrête pas aux émissions de Cyril Hanouna! Heureusement que des blogueuses influentes (si, si) parlent de ce qui en vaut la peine, comme ce film qui nous dit qu’on n’est pas obligé de rester victime toute sa vie. Merci pour ces découvertes, merci d’en parler.

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  15. 40 and so what a dit…

    Banale comme tu dis, histoire banale. Mais pour avoir été touché de près par ça, je ne pourrai aller voir ce film. Même si je suis convaincue qu’il faut dénoncer haut et fort ces actes barbares, je ne peux pas. Mais comme tu as l’air de dire que ça vaut la peine, je soutiens à 100% la démarche !

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  16. Polina a dit…

    Ta chronique donne envie de le voir, d’autant plus que j’aime beaucoup les séances « coup de poing », sur un sujet « banal » hélas, comme tu le dis si bien…

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  17. kaddour a dit…

    Bonjour Caroline, merci de ce partage et il me semble juste de prévenir les jeunes gens des violences auxquels ils peuvent avoir à faire ou faire. Donc pour moi, bon instinct humano-citoyen d’y avoir emmené la petite chérie. Bonne journée.

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  18. berengere a dit…

    Film certainement renversant…je vais aller yeuter le dossier de presse et voir si le film passe sur annecy. ..
    marie denarnaud n a pas la carrière qu’elle mériterait d avoir…elle tient si souvent des rôles durs et ne joue dansrien de banal…
    bon pour une autre chronique oui tiens ary abittan c est bien ^^

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  19. velouria a dit…

    Marie Denarnaud, je l’avais vu dans le film de Mélanie Laurent et au théâtre, dans contractions. Elle dégage beaucoup de sensibilité.

    Et Cyril hanouna, je le vois tous les soirs sur D8 et je le trouve assez drôle.

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  20. sophie a dit…

    Tu nous fais une critique hors pair toi en ce moment !
    Merci car comme je n’ai le temps de rien en ce moment, je me suis empressée de regarder 3Xmanon et effectivement, ouch !
    On n’en ressort pas indemne surtout quand on est mère de 3 enfants, certes en bas age mais qui deviendront vite grands…

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  21. Agatha a dit…

    En parler à nos filles , et en particulier à nos garçons , dire que non c’est non et que les filles ont le droit de dire non même à la dernière minute , indispensable ; par contre je serai pour leur éviter ce type de film trop jeunes , les épargner encore un peu même si la vie peut être par moment très très dure ; les images peuvent tellement marquer quand on est ado . J’ai vu Holocauste ( je sais ça n’a rien à voir comme sujet) ado et j’en ai fait des cauchemars pendant des semaines , même si je savais parfaitement ce qui s’était passé pendant la guerre : entre le savoir et le voir , la différence est énorme .Nos enfants ont tellement tendance à grandir vite !

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  22. La Chouette a dit…

    Merci de rappeler que profiter d’un état de sidération est AUSSI un viol.
    Trop de gens s’imaginent que pour qu’il y ait viol, la victime doit être habillée de façon « respectable », doit ne pas avoir marché dans une ruelle après la tombée de la nuit et doit avoir crié et s’être débattue…
    Si le sujet vous intéresse, taper « mythes du viol » dans un moteur de recherche.

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  23. auroreinparis a dit…

    J’en ai entendu parler la première fois sur le blog de Filou, et j’ai envie de le voir, aussi pour soutenir la réalisatrice. Mais le problème c’est que je ne sais pas trop où le voir, apparemment il ne passe même pas à Chatelet avec ses 37 salles. Je vais mieux chercher.
    Ta critique est poignante.

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  24. discha a dit…

    Je vous en supplie Mesdames et Messieurs, courez en salle pour le voir!! il vaut le détour, vraiment! je ne connais pas une personne qui en soit sortie intacte…`
    Il percute, bouscule, réveille, renverse mais finalement il fait du bien, parce que les maux/mots sont dits sans fioritures ni voyeurisme,que Marie Denarnaud vous arrachera des larmes tantôt de tristesse tantôt d’espoir, et Ca, ça fait du bien!!!
    Je crois sincèrement que lorsqu’on se déplace en salle pour voir un film c’est pour en sortir un peu différent!! Et après Une Histoire banale, on n’est plus la/le même..
    Quand, en plus, on apprend que le film a été réalisé avec 8000 euro…chapeau bas…
    Vous ne pouvez pas le manquer (pour ceux qui ont la chance d’avoir une salle près de chez eux!!)..

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