« Des gens bien », avec l’irrésistible Miou-Miou

Paris Filage de la piece"Des Gens Bien" au theatre Hebertot.

Jeudi dernier, ma copine Zaz m’a emmenée au théâtre voir « Des gens bien ». C’était mon cadeau d’anniversaire (promis ceci est le dernier billet dans lequel j’auto-célèbre ma naissance, je pense que mon narcissisme a été nourri jusqu’à l’année prochaine) et le moins qu’on puisse dire c’est que ce fut un cadeau judicieusement choisi, tant le spectacle m’a plu. Il faut que je vous dise tout d’abord que j’ai un petit problème avec le théâtre. Souffrant d’empathie excessive, j’ai tendance à flipper tout au long de la pièce pour les acteurs. Comme si j’anticipais malgré moi leurs éventuels trous de mémoire. Du coup, je suis rarement complètement sereine et je termine la représentation complètement rincée. J’éprouve à peu près les mêmes symptômes devant un championnat de patinage artistique, une épreuve de gymnastique ou même la nouvelle star. Mais au théâtre, c’est amplifié parce qu’il n’y a même pas le filtre de l’écran et donc la possibilité d’éteindre si la personne se ridiculise.

Bref, j’adore le théâtre mais je peux facilement me gâcher toute seule ce plaisir, d’autant qu’il est finalement assez rare que les acteurs se plantent.

Mais jeudi, j’ai tellement été immédiatement séduite que j’ai enfin lâché prise – mon quelqu’un va être fier – et assez vite oublié que j’étais au théâtre justement. Il faut dire que Miou-Miou, tête d’affiche « Des gens biens », est magistrale. J’ai toujours adoré cette actrice, ce qu’elle dégage, entre douceur et force, intelligence aussi. J’ai souvent regretté qu’elle se fasse aussi rare, mais en même temps, elle ne s’est du coup pas souvent trompée. Et lorsqu’on la voit tenir à bout de bras cette pièce, jusqu’à en éclipser le reste de la distribution – qui ne démérite pas, mais elle est tellement présente, physiquement et théâtralement, qu’on retient surtout sa partition – on se dit qu’elle a eu rudement raison d’attendre LE bon texte pour revenir sur les planches.

Adaptation de la pièce américaine éponyme, « Good People », qui a triomphé à Broadway, « Des gens biens » raconte l’histoire de Margie, femme d’une cinquantaine d’années, que la vie n’a pas épargnée. Mère célibataire d’une fille handicapée qui restera à jamais un bébé malgré ses trente ans passés, elle se voit renvoyée de la supérette « pour pauvres » dans laquelle elle bosse depuis plus de vingt ans. Elle part alors en quête d’un nouveau boulot, allant jusqu’à frapper à la porte de son ancien amant, Mike, issu lui aussi des quartiers défavorisés de Boston mais ayant « réussi ». Le Mike en question, devenu obstétricien, entretient une relation des plus ambiguës avec ses origines, entre fierté de s’en être sorti et détestation de tout ce qui le ramène à son ancienne condition.

Je ne vais pas plus loin, je risquerais de déflorer l’histoire, mais on est tenus en haleine par des dialogues ciselés, par l’ambivalence de Margie, la gouaille de ses amies – mention spéciale pour Isabelle de Botton et Brigitte Catillon et la tension palpable entre ces deux anciens amants que tout sépare aujourd’hui. Il y a en filigrane une vraie peinture sociale de l’Amérique – d’hier mais d’une certaine manière aussi d’aujourd’hui – qui survit à coup de bons de réduction, de contrats précaires et de soirées bingos, versus les quartiers cossus où les préoccupations principales des habitants tournent autour de la qualité du traiteur que l’on a réservé pour la prochaine fête d’anniversaire. Il y a aussi une réflexion sur la difficulté de renier ses origines, la lâcheté parfois de ceux qui justement sont parvenus à échapper à un destin tout tracé.

On rit beaucoup, on a parfois la larme à l’oeil, on a envie de trouver un boulot à Margie, de lui dire que ça va aller. Les décors sont tout droits sortis de tableaux de Hopper, la musique est géniale, la mise en scène presque cinématographique.

Vous l’aurez compris, énorme coup de coeur, je vous conseille d’y aller les yeux fermés si ça n’est pas complet, en plus le théâtre Herbertot est charmant. Par contre si vous avez de grandes jambes, demandez à être en bout de rangée, moi qui suis courte sur pattes j’avais du mal, je n’ose imaginer pour les gens mieux servis par la nature (cette truie).

Bonne journée.

gensbien mioumiou

DES GENS BIEN
de David LINDSAY-ABAIRE, adaptée par Gérald AUBERT, mise en scène d’Anne BOURGEOIS
Au théâtre Herbertot jusqu’au 14 juin 2015.

52 comments sur “« Des gens bien », avec l’irrésistible Miou-Miou”

  1. DOMINIQUE a dit…

    J’ai lu le papier de Jérôme Garcin, qui était enthousiaste au sujet de Miou-Miou dans cette pièce. Cela fait vraiment envie. Je l’ai toujours aimée, aussi bien dans les comédies que dans des films dramatiques.

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  2. madile a dit…

    Je vais à Paris mi-avril, j’avais mis « des gens bien » dans ma sélection, j’hésitais entre plusieurs pièces, et voilà que mon choix est fait. je viens de prendre ma place….Merci ! J’adore Miou- Miou aussi.

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  3. marieal a dit…

    dommage je ne viens pas sur paris avant la St Glinglin…
    par contre, si je partage ta peur du ridicule à la TV ( je ne supporte pas qu’une équipe de foot se fasse laminer 5 à 0 par exemple, ou qu’une chanteuse chante faux, ou qu’un discours soit ridicule- j’ai un souvenir presque douloureux de S Marceaux lors d’une cérémonie à Cannes ou de V Sanson lors d’une prestation chez Drücker- je fais comme toi je préfère éteindre) celle au théâtre n’a jamais existé, je crois que ça tient en partie au fait que la première fois que j’ai assisté à un trou de mémoire en direct au théâtre, il a été géré dans la rigolade par les acteurs sur scène…et je n’ai jamais depuis assisté à un trou de mémoire pénalisant pour le texte,

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  4. DominiqueL. a dit…

    Ahhh !!! Enfin, je lis noir sur blanc le stress qu’occasionne aussi le théâtre pour moi …Et l’idée du filtre de la télé tout ça tout ça …
    Merci … Je me sens moins blonde … et moins dans la porosité émotionnelle …

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  5. Sol a dit…

    Merci, je vais essaier! J’adore aller au théâtre à Paris, c’est très souvent beaucoup mieux qu’en Allemagne où je vis – acteurs plus intéressants, autre idée du théâtre aussi.. Bonne journée, xxSol

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  6. Maud a dit…

    Quand j étais enfant, j’avais du mal avec Miou-Miou…. Et maintenant en tant qu’adulte (adulte????) j’admire bcp cette femme/actrice. C est tout comme le théâtre j’ai appris à l’aimer au fil du temps.

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  7. verolilas a dit…

    J’adore Miou Miou…et suis raide dingue de Patrick Catalifo depuis au moins 20 ans…j’avais même trainé mon homme voir « Le père » !
    On avait mangé dans une pizzéria à côté du théâtre après la pièce, la troupe est venue diner à la table à côté de nous ensuite, j’avais Patriiiiick à 1 mètre de moi et j’ai regardé mon assiette pendant 1 heure, en attendant qu’il s’en aille, et là, j’ai réussi à bredouiller quelques compliments à Robert Hirsh et Isabelle Gélinas…
    Lamentable!

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  8. Augmar a dit…

    J’adore Miou Miou aussi, question d’éducation cinématographique je pense: j’ai toujours entendu mon père (qui en est clairement amoureux et qui a été marqué par Les Valseuses dans sa jeunesse) dire « Miou Miou, elle peut TOUT jouer: l’amoureuse, la mère courage, la p*tain… elle est toujours parfaite! »
    Je suis d’accord avec toi, c’est l’intelligence qui se dégage d’elle qui la rend si attachante.

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  9. Suzanne a dit…

    Tsé quoi ? Non mais Tsé quoi ? Vendredi dernier je me suis fait la solennelle promesse d’aller plus souvent au théâtre.
    Incroyable coïncidence, non ?
    Je sortais de Singin’in the rain que j’ai adoré (même si ma grand mère dirait qu’on adore que dieu. ..mmmh, qui? ). Où je suis allée par hasard avec un copain (place de dernière minute à 10€) alors que je pensais juste passer une soirée habituelle (on picole, on bouffe, on picole) (j’ai des plaisirs simples). Et que je ne pensais vraiment pas aimer les comédies musicales.
    Non seulement ça m’a filé une super pêche mais ça m’a donné envie d’aller voir d’autres trucs.
    Et de faire des claquettes.

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      • Suzanne a dit…

        C’est un peu l’équivalent au théâtre d’une comédie que tu regarderais le dimanche soir.
        Tu ne t’ennuies pas, les décors et les costumes sont superbes, tu ressors avec le sourire et en marchant sur les pieds d’Elise Lucet (que j’ai prise pour une ex collègue) (je suis pas physionomiste et j’ai pas la télé).
        Bref, en ces temps de morosité à la limite de la déprime c’était l’idéal.

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  10. Adelles a dit…

    Cela dit, ça m’interroge cette histoire de compassion/empathie pour des personnes totalement inconnues. Je souffre du même mal, sauf au théâtre, l’idée ne m’étant jamais venue (j’ai assisté pas mal de fous rire, jamais à de gros trou de mémoire bien paralysant, c’est peut-être pour ça). Le patinage artistique, j’y ai carrément renoncé pour tout dire…
    Et donc, quand même, ça m’interpelle ! Tu pourrais pas demander à ton quelqu’un d’où ça peut venir ?
    Parce qu’il me semble que c’est une sorte de projection sur soi-même avec un lien bien alambiqué avec la notion de culpabilité mais je n’arrive pas à tirer le fil plus loin. Je n’ai plus de quelqu’un en ce moment, tu voudrais pas faire ma thérapie par procuration ? 🙂
    Belle journée !

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    • Caroline a dit…

      écoute je crois que tu n’es pas loin, c’est en effet d’après les rares mots qu’a prononcé mon quelqu’un à ce sujet, une projection de sa propre peur, probablement liée à de la culpabilité (on en revient toujours là). Mais il faut que je lui en reparle 🙂

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  11. Smouik a dit…

    Bon, je vais être obligée d’avouer que j’ai regardé le « vivement Dimanche » consacré à Miou Miou… (Ma vie sociale est désormais totalement anéantie…)
    Elle est comme tu dis, solaire et discrète à la fois. Et elle a bien sûr donné envie de voir sa pièce. Mais le plus drôle, c’était le face à face Miou Miou/Justine Lévy : cette dernière venue présenter son dernier bouquin et parlant de la maternité avec toutes les angoisses qu’elle a pu y mettre et Miou Miou sidérée par son discours tellement la maternité lui a paru naturelle et se disant in petto que cette pauvre fille avait vraiment dû beaucoup souffrir (je me suis dit la même chose)(à moins que ce ne soit moi qui l’aie pensé et l’aie attribué d’office aux pensées de Miou Miou…) 😉

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  12. Jade a dit…

    Vendredi soir j’ai été à une pièce de théâtre jouée par les jeunes Compagnons du devoir de Lyon (asso très ancienne qui enseigne une foule de métiers artisanaux à des jeunes).
    C’était très amateur et il y a eu pas mal d’oublis de texte, mais j’ai adoré et j’ai ri comme une baleine pendant toute la pièce qui était super bien écrite.

    Mais c’est vrai qu’on avait été prévenus que c’était leur première fois au théâtre, l’impression est différente quand on est devant des professionnels. Je pense d’ailleurs que la dernière fois que j’ai eu cette sensation de honte pour quelqu’un qui se ridiculise en public, c’était aux Césars 😉

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  13. Kinou a dit…

    Incroyable… je parlais de mon stress du théâtre pas plus tard que la semaine dernière. Moi aussi j’ai tout le temps peur pour eux, comme pour des acrobates au cirque. Et une amie me faisait justement la réflexion d’un des commentaires plus haut, que généralement les bons acteurs savent se rattraper. Je vais peut-être réessayer alors.
    Je me rappelle être allée voir une pièce au Théatre du Rond Point avec Bulle Ogier il y a bien longtemps. Elle avait un chat dans la gorge et on sentait que sa gorge s’encombrait au fur et à mesure qu’elle parlait, puis elle toussait, puis ça recommençait… j’ai fini par ne plus entendre que ça et perdre le fil de la pièce. J’en avais trop mal pour elle !

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  14. La semaine d'une gourmette a dit…

    C’est marrant, je découvre une phobie dont j’ignorais l’existence (‘est bien une phobie, non ?), je n’ai jamais même pensé aux trous de mémoire possibles !
    Tu m’as donné envie de voir cette pièce, moi aussi j’adore Miou-Miou (ah, dans les Valseuses bien sûr, mais aussi dans le rôle de la mère dans « Mariages » de Valérie Guignabodet, que j’avais adoré), et je pense venir à Paris bientôt…

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  15. sterenn a dit…

    -quel est le prénom de Miou-Miou ?
    -euhhhhh………Miiiou ???????
    désolée,j’étais obligée ! (tribute to les Inconnus) oui ,oui,maintenant,je sors !
    bisous tout le monde !

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  16. zaza a dit…

    Je vais guetter la tournée…
    J’adore le théâtre et moi les trous de mémoire avec lesquels les acteurs s’en sortent avec un pirouette je les adore, ça me rend les acteurs plus humains, plus proches, moins « au boulot »
    Et puis sur les pieces comiques, mon rire communicatif a empeché deux acteurs de reprendre leur fil conducteur (Véronique Genest au Palais Royal et une autre fois JP Castaldi !!!)
    Des bises

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  17. celote75 a dit…

    Ha je suis contente que tu en parles et que tu aies apprécié! Ma mère, qui « monte à la capitale » le mois prochain, m’a demandé de prendre des places et je n’étais qu’à moitié emballée. Du coup, ça me booste! Merci 🙂

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  18. celote75 a dit…

    Pareil ! Là il se trouve que j’y vais deux fois le mois prochain. J’adore ça mais je trouve que ça reste très cher et franchement inconfortable pour nos jambes – 1m63 comme toi, bah quoi? – (et mon séant) 😉

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  19. Justine a dit…

    Merci pour le conseil!
    Je vais essayer de me caler ça.

    Miou-Miou, je l’aime bien aussi. Sa simplicité et sa discrétion n’y sont pas pour rien. De même que son lien avec Julien Clerc, que j’adore aussi.

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  20. Mima a dit…

    Bonjour,
    je lis chacun de vos posts avec plaisir, ils me font souvent sourire et parfois pleurer, mais celui là m’a fait mourir de rire dès le premier paragraphe.
    Le problème d’empathie surdimentionnée face à des comédiens sur scène ça me parle!! Je suis dans ce cas là aussi, parfois à la télévision je peux même être génée pour certains au point que l’envie de zapper me prend!
    Au théâtre cela me fait le même effet, seul petit inconvénient supplémentaire en ce qui me concerne, je travaille…..dans un théâtre, dans les bureaux soit, mais j’y suis de permanence le soir une ou deux fois par semaine et donc en salle! Et je passe l’intégralité de la représentation à chaque fois, à flipper à l’idée qu’un des comédiens puisse bafouiller, oublier son texte, tomber sur scène, j’imagine des sénarios catastrophe dès que j’entend un bruit dans les cintres etc…
    Je suis de permanence ce soir, j’vais avoir du mal à ne pas rigoler toute seule dans le noir au fond de la salle…
    Bonne fin de journée! et merci pour les envies de sourire déclenchées par vos billets!

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  21. Marie Tourangelle a dit…

    Bonjour,
    Je vous lis depuis longtemps mais ne commente jamais. Il faut une première 😉 Ceci pour vous dire que votre entrain m’a vraiment donné envie d’aller voir cette pièce et que j’ai réservé pour le mois d’avril. Merci pour vos billets d’humeur, de conseils, de plaisirs, de vies 😉

    Une lectrice assidue 🙂

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