Tu voulais du léger ? Tu n'en auras pas. Je suis d'un gaie, moi en ce moment c'est un truc de fou.
Pourquoi tu n'auras pas du léger ? Parce que je viens tout bonnement
d'achever un des livres les plus bouleversants de mon existence. Qui
n'est pas sans rapport avec ma lyophilisation de ces derniers jours.
"D'autres vies que la mienne". D'Emmanuel Carrère.
Difficile d'en parler d'autant qu'il ne s'agit pas d'un récit binaire, d'une histoire bien délimitée mais plutôt du destin de personnages qui à priori n'ont pas grand chose à voir les uns avec les autres si ce n'est qu'ils ont croisé la vie de l'auteur. Parce que bien sûr, tout est vrai. Je dis "bien sûr", c'est un effet de manche, hein, rien d'évident en effet.
Bref. Toujours est-il que ça démarre avec un séjour au Sri-Lanka pendant le Tsunami au cours duquel une petite fille, Juliette, perd la vie. L'auteur et sa femme qui résident dans le même hôtel que les jeunes parents accompagnent ceux-ci durant les jours qui suivent le drame. Une fois rentrés à Paris, Hélène, la compagne d'Emmanuel Carrère apprend alors que sa soeur est atteinte d'un cancer. Maman de trois petites filles, elle a à peine 33 ans.
Tu commences à comprendre, j'imagine, qu'on n'est pas trop dans un roman de Lauren Weisberger. Et tu as raison.
Sauf qu'en vrai, ça va bien plus loin que ces deux tragédies. Qu'on démarre du Sri-Lanka et qu'on termine dans un petit village au fin fond de l'Isère mais qu'entre temps on se trouver plongés dans la lutte de deux juges idéalistes contre les sociétés de crédits à la consommation. Et là ça se lit comme un polar juridique, on se prend à s'enflammer pour des arrêts de la Cour européenne de justice qui permettent à ces deux cow-boys du Palais de justice de Vienne de mettre la patée à ces profiteurs de misère que sont les Cofinoga et cie. L'un de ces deux juges s'appelle Juliette.
C'est la soeur d'Hélène.
Juliette, comme la petite fille emportée par la vague.
Voilà, que dire de plus si ce n'est que le style est épuré, que les mots ont tous une importance capitale, qu'il n'y a pas une virgule de trop ni un effet qui paraisse surfait ? Que dire si ce n'est que ce sont d'autres vies que la sienne et que dans ces vies il y a forcément un peu de la notre ?
Si, je citerai ma copine Julie qui jouit du coude cette fois-ci: "Carrère est le plus grand écrivain français vivant".
Elle n'exagère jamais ma copine Julie.