Catégorie : Envie de livres ?

D’autres vies que la mienne

Tu voulais du léger ? Tu n'en auras pas. Je suis d'un gaie, moi en ce moment c'est un truc de fou.

Pourquoi tu n'auras pas du léger ? Parce que je viens tout bonnement
d'achever un des livres les plus bouleversants de mon existence. Qui
n'est pas sans rapport avec ma lyophilisation de ces derniers jours.

"D'autres vies que la mienne". D'Emmanuel Carrère.

Difficile d'en parler d'autant qu'il ne s'agit pas d'un récit binaire, d'une histoire bien délimitée mais plutôt du destin de personnages qui à priori n'ont pas grand chose à voir les uns avec les autres si ce n'est qu'ils ont croisé la vie de l'auteur. Parce que bien sûr, tout est vrai. Je dis "bien sûr", c'est un effet de manche, hein, rien d'évident en effet.

Bref. Toujours est-il que ça démarre avec un séjour au Sri-Lanka pendant le Tsunami au cours duquel une petite fille, Juliette, perd la vie. L'auteur et sa femme qui résident dans le même hôtel que les jeunes parents accompagnent ceux-ci durant les jours qui suivent le drame. Une fois rentrés à Paris, Hélène, la compagne d'Emmanuel Carrère apprend alors que sa soeur est atteinte d'un cancer. Maman de trois petites filles, elle a à peine 33 ans.

Tu commences à comprendre, j'imagine, qu'on n'est pas trop dans un roman de Lauren Weisberger. Et tu as raison.

Sauf qu'en vrai, ça va bien plus loin que ces deux tragédies. Qu'on démarre du Sri-Lanka et qu'on termine dans un petit village au fin fond de l'Isère mais qu'entre temps on se trouver plongés dans la lutte de deux juges idéalistes contre les sociétés de crédits à la consommation. Et là ça se lit comme un polar juridique, on se prend à s'enflammer pour des arrêts de la Cour européenne de justice qui permettent à ces deux cow-boys du Palais de justice de Vienne de mettre la patée à ces profiteurs de misère que sont les Cofinoga et cie. L'un de ces deux juges s'appelle Juliette.

C'est la soeur d'Hélène.

Juliette, comme la petite fille emportée par la vague.

Voilà, que dire de plus si ce n'est que le style est épuré, que les mots ont tous une importance capitale, qu'il n'y a pas une virgule de trop ni un effet qui paraisse surfait ? Que dire si ce n'est que ce sont d'autres vies que la sienne et que dans ces vies il y a forcément un peu de la notre ?

Si, je citerai ma copine Julie qui jouit du coude cette fois-ci: "Carrère est le plus grand écrivain français vivant".

Elle n'exagère jamais ma copine Julie.

Very Important Penelope

 

On est vendredi, c'est bientôt Noël, il fait froid, peut-être même que
par chez vous il neige. En gros, c'est le genre de week-end à rester
faire la moule sur son canapé, à boire du thé, du grog ou quoi que ce
soit de chaud qu'on met dans un mug. Un mug à tenir bien serré entre
ses deux mains, en regardant un bon vieux film vu des dizaines de fois,
style You've got a mail, Harry meets Sally ou n'importe quelle comédie
romantique avec Meg Ryan. Meg Ryan avant l'opération de trop, on est
d'accord.

Autre option, déguster un livre régressif, une friandise interdite, un plaisir même pas démodé. Dans le genre, j'ai boulotté la semaine dernière le nouvel opus d'Anne-Solange Tardy, auteur du blog "Cachemire et soie"

"Very Important Penelope B." Suite de "La double vie de Pénélope". C'est de la chick lit' qui ne se prend pas pour autre chose, mais c'est écrit avec élégance, finesse et humour. L'héroïne, un peu naïve, un peu superficielle, un peu fleur bleue, est une blogueuse à succès qui vient de terminer son livre tiré de son aventure bloguesque. Toute ressemblance avec des personnages connus est évidemment tout sauf fortuite…

C'est sucré, ça se marie très très bien avec un mug chaud, donc, un bon disque de Sinatra et, cerise sur le canapé, un bon feu de cheminée.

En plus, Anne-So, tout en la connaissant assez peu, je l'aime bien. Une des ces personnes élégantes et douces qui ne se bousculent pas dans la blogosphère, croyez-moi. Plus différentes qu'elle et moi y'a pas et en même temps, finalement, à bien y réfléchir, les points communs existent, ils se nichent dans l'amertume acidulée d'un cake au citron, dans l'amour de l'écriture, dans des parcours professionnels qui se croisent, dans un goût partagé pour un verre de vin en terrasse.

Ce qui me charme le plus chez elle, c'est son amour revendiqué des choses un peu surannées, son envie de mettre du merveilleux dans le quotidien, son manteau cape rouge orangé qui lui donne l'allure d'une petite fille qui aurait grandi sans avoir réussi vraiment à quitter les contes de fée.

Voilà, j'ajoute que je l'admire, parce que le pas, le fameux que je n'ose pour l'instant envisager, elle, elle l'a franchi. Et puis, comme le chante si bien Enzo Enzo – encore un disque à écouter en ces temps hivernaux -, c'est quelqu'un de bien, juste quelqu'un de bien…

Bon week-end !

Edit: Vous pouvez télécharger un chapître du livre pour vous mettre en bouche. C'est ICI

Le coeur cousu

 Alors aujourd'hui, on va parler littérature.

Attends, tu ne crois quand même pas qu'il va y avoir du nichon en ligne tous les matin ! Non mais l'autre ! Je sais que tu aimes ces instants magiques où je te fais entrer par le petit trou de la serrure dans le monde merveilleux d'Helmut. Et crois moi, puisque tu kiffes grave mes reportages, je suis en train de t'en concocter un bien trash. Tout ce que je peux te dire c'est qu'il y aura de la couche sale, du frigo vide mais aussi de l'émotion et peut-être même un peu de frissons… Brrrrr…

Mais trève de teasing malhonnête, parlons donc littérature. 

Et là, d'un coup, je change de ton parce qu'en plus, j'ai envie de te donner envie d'avoir envie.

Non, sérieusement, j'ai lu cet été un ouvrage étrange, fantasmagorique et particulier. Un livre qui change de la littérature française parfois pas très éloignée des chansons de Vincent Delerm.

Je t'arrête tout de suite, je n'ai rien contre Vincent Delerm. C'est juste que parfois, j'aime bien qu'on m'emmène ailleurs que dans le 11ème arrondissement parisie, qu'on me parle d'autre chose que d'états d'âmes un peu trop proches des miens.

Oui, parfois, j'ai envie d'ouvrir un livre et de partir loin.

Avec "Le coeur cousu", c'est ce qui s'est passé. Je me suis retrouvée dans un lieu et un temps incertain, entre l'Espagne et le Maroc, en compagnie de Frasquita, de sa mère puis de ses filles. J'ai appris les secrets qui se transmettent de femmes en femmes les nuits de pleine lune à l'heure des premiers saignements intimes. J'ai parcouru le désert sur une carriole pleine d'enfants affamés tirée par cette femme, justement, Frasquita la magnifique, magicienne de l'aiguille, sorcière pour les uns, descendue du ciel pour les autres. C'est Soledad, la dernière fille de Frasquita, qui raconte l'histoire de cette famille. 

Je sais, comme ça, ça semble obscur. Alors que ces pages sont baignées de soleil. C'est un livre unique, un conte initiatique, où l'on rit et pleure, où l'on croit aux enfants lumière, aux ogres, aux robes qui fletrissent le temps d'une messe. C'est une fresque aux couleurs flamboyantes, c'est un poème andalou.

Plongez dans ce long roman, vous aurez l'impression lorsque vous le refermerez de vous réveiller d'un long long rêve…

The Liste de livres de l’été

L'année dernière, je vous avais proposé une sélection de bouquins pour l'été et je crois que vous aviez apprécié. En même temps c'est normal, je suis un peu un leader d'opinion, tu vois ? Du coup, comme je suis du genre à aimer leader l'opinion, hop, je recommence.

Je tiens à préciser que ces livres ne sont pas forcément récents, pas forcément des chefs-d'oeuvre, ils sont pour moi des exemples types d'ouvrages plaisir, de ceux qu'on déguste sur une chaise longue à l'ombre d'un figuier ou sur un transat sur la plage, ou dans un lit, à la fraiche, bien calée sur de gros oreillers, nue sous un drap blanc avec pour lumière les rais de soleil à travers les persiennes.

Des livres de sieste, quoi, ou un peu plus que ça.

La liste n'est pas exhaustive, j'aurais pu ajouter tous les romans d'Alison Lurie par exemple. Et aussi tous ceux dont j'ai déjà parlé sur ce blog, dans la rubrique "Envie de livres ?"

Les polars.

Passage du désir, de Dominique Sylvain. Et tous les autres opus de cette série. Publiés dans la même collection que les Vargas et dans une veine un peu similaire, plus légère toutefois. Les deux enquêtrices sont truculentes: une vieille flic à la retraite un peu obèse et très râleuse et une américaine ultra-sportive, masseuse le jour, strip-teaseuse la nuit. Tout se passe dans le quartier du Canal Saint-Martin à Paris et les intrigues sont drôlement bien menées.

 

 

 

 

 

L'étrangleur de Cater Street. D'Anne Perry. Pour ceusses et celles qui aiment les polars historiques. On est plongés dans l'Angleterre victorienne, une des héroines, Charlotte, est une femme au foyer qui refuse sa condition et qui ne peut s'empêcher de mettre son nez dans les affaires de meurtre sordides qui ont le don de se multiplier autour d'elle.  Elle est accompagnée dans ses enquêtes par son mari, Thomas Pitt, policier de son état et donc méprisé par sa belle-famille aristocrate. Il y a aussi une série mettant en scène William Monk, un policier sombre et amnésique dont on tombe évidemment amoureuse…

 

 

 

 

Le retour du professeur de danse, d'Henning Mankel. J'ai craqué sur ce livre récemment. Il est sombre et montre à quel point la suède est encore traumatisée par son rôle plus qu'obscur pendant la seconde guerre mondiale. Si vous avez aimé Millenium, goûtez à Henning Mankel, en plus je trouve que c'est bien mieux écrit… Et dieu sait comme j'ai apprécié Millenium !

 

 

 

 

 

 

Les orpailleurs de Thierry Jonquet. Suivi de Moloch. Un des polars français qui m'a le plus fait vibrer et trembler. Je crois que les personnages principaux ont ensuite été adaptés à la télé dans une série sur France 2 mais je n'ai jamais vraiment regardé. Sur fond de relens de seconde guerre mondiale, l'inspecteur Rovère et la juge Nadia Lintz enquêtent sur des meurtres en série sordides. Cela se passe à Belleville et une fois de plus, quand on est parisien, c'est chouette de reconnaitre certains endroits…

 

 

 

 

 

Les sagas ou épopées

 

Dalva de Jim Harrison. C'est l'histoire d'une femme de 40 ans, belle et passionnée qui part à la recherche de ceux qui lui ont été arrachés. C'est aussi l'histoire des derniers indiens, c'est aussi un personnage principal, le Montana, qui vous prend aux tripes. On se baigne dans les rivières qui coulent au milieu des montagnes, on guette les grands aigles, on y est et c'est tout. Il y a eu dans ma vie de lectrice un avant et un après Dalva. 

 

 

 

Le quatuor d'Alexandrie. De Lawrence Durell. Bon, soyons honnêtes, l'homme s'est arrêté à la 12ème page et n'a jamais réussi à s'y remettre. Au même titre que pas mal de mes amis. Moi j'ai adoré cette saga en quatre tomes qui se passe à Alexandrie au début du 20ème siècle. Chaque épisode consiste en réalité à raconter l'histoire du point de vue de l'un des personnages. C'est virtuose, c'est brillant, c'est l'orient. Mais apparemment c'est un peu difficile d'accès.

 

 

 

Les qui se passent à New-York

 

Les enfants de l'empereur de Claire Messud. Ceux qui ont aimé "La belle vie" de Mc Inernay aimeront celui-ci. C'est la peinture féroce d'un milieu intellectuel et presque aristocrate qui règne sur Manhattan à la veille du 11 septembre. Evidemment, tout va exploser en même temps que les tours, qu'il s'agissent des couples illégitimes en passe de se former, des mariages annoncés ou des ambitions des uns et des autres.

 

 

 

 

Bright Light Big city de Jay Mc Inerney. Le premier roman de cet écrivain que j'adore. Et toujours la description des nuits new-yorkaises, des faux semblants, des miroirs aux alouettes que sont la célébrité, la richesse et les nez poudrés d'une jeunesse dorée qui dans les années 80 – 90 se perdait dans les boites de nuits et de perdition.

 

 

 

 

 

Histoire de l'amour de Nicole Krauss. Nicole Krauss est la femme de Jonatan Safran Sfoer. Ici on fait la connaissance de Leo Gursky, un excentrique qui fut serrurier dans une vie antérieure
avant d’émigrer aux États-Unis et de
devenir un écrivain animé par une intarissable soif de vivre. Puis on découvre Zvi Litvinoff, juif polonais
qui a fui sa terre natale en 1941 pour se réfugier au Chili. Il est
l’auteur d’un livre unique intitulé L’Histoire de l’amour, où
toutes les héroïnes ont la particularité de s’appeler Alma Singer.
Enfin, apparait une certaine Alma Singer – comme
la fiction fait bien les choses – orpheline de père dont la mère est
traductrice. On a d’ailleurs confié à sa maman la tâche de traduire de
l’espagnol un roman intitulé… L’Histoire de l’amour… Trois destins qui se croisent et s'entrecroisent. Magnifique.

 

Il y a des portes qu’il ne faudrait pas ouvrir…

 Il y a des livres qu'on ne devrait jamais acheter. Et qui d'ailleurs ne devraient jamais avoir été écrits.

 

Le septième épisode des Chroniques de San Fransisco est de ceux-ci.

 

Pourtant, quand je suis tombée dessus un après-midi à la Fnac, j'ai été prise d'une émotion rarement éprouvée à la vue d'une couverture de bouquin. Quoi ? Michael Tolliver est vivant ? Quoi, il y a un septième épisode ? Mais, d'où je ne suis pas au courant ? Pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Est-ce un hasard ?

 

Je veux dire, Armisted Maupin a-t-il appris que j'étais à nouveau enceinte, huit ans après, et qu'il me fallait donc mon compte d'aventures à Barbary Lane ?

 

 

Oui, non, parce que tout de même, ce qui m'a sauvé de la neurasthénie lors de mes quatre mois allongée les jambes en l'air sur mon canapé il y a huit ans, c'est la lecture des six tomes des Chroniques de San Fransisco. Je les ai dégustés, lus le plus doucement possible, savourés comme on se pourlèche d'avoir encore 5 nounours Cadburry à boulotter alors qu'on vient de finir le premier.

 

Grace à ces livres, j'ai fini par oublier ce combat contre la montre que je livrais sur mon divan, cette échéance des 32 semaines, cette interdiction absolue d'accoucher avant sous peine de graves complications.

 

Bref, lorsque j'ai vu ce septième opus, je l'ai pris comme un signe. Michael revenait me tenir compagnie, mais comme cette fois-ci je n'avais pas besoin d'être divertie des mois durant, il passait en coup de vent me donner des nouvelles de Mary-Ann, de Brian et d'Anna Madrigal.

 

Sauf que.

 

Sauf que Michael a vieilli. Sauf que Mary-Ann est partie à New-York. Sauf qu'Anna Madrigal sucre les fraises. Sauf que surtout, c'est écrit avec les pieds, à la limite de la niaiserie. Sauf que tout ce qui faisait l'insolence et l'anticonformisme de la série semble s'être dissous dans une opération essentiellement lucrative consistant à tirer sur la corde du succès.

 

J'ai quand même lu jusqu'à la fin cette dernière partie des aventures de Michael Tolliver. Mais j'en garde un goût d'aspartame, un goût de produit subsitutif, une sorte de nicorette littéraire. Et je crois que j'en veux un peu à Armisted Maupin, de ne pas avoir laissé intact le souvenir de ses héros.

 

On a souvent envie, à l'issue d'un livre ou film culte, de savoir ce qui va se passer après la phrase de fin, après le "ils furent heureux et bla bla bla". Mais toutes les suites ratées le prouvent, il y a des portes qu'il ne faut pas ouvrir sous peine d'être très très très déçu…

 

Edit: Anne-So, de Cachemire et Soie avait fait un très joli billet sur le même sujet…

Et si on arrêtait d’avoir peur ?

 Oyez oyez l'internana ! Ceci est un message à caractère informatif ET publicitaire.

 

Premièrement, je vous informe de la sortie de mon dernier ouvrage pour la collection "On n'est pas des Courges", devenue d'ailleurs "On n'est pas des Gourdes" pour une sombre histoire de droits. En gros un mec aurait déposé "Les courges" et par conséquent, pan, on devient des gourdes. Enfin, non, on n'en devient pas puisqu'on n'en est pas.

 

Bref, je ne suis pas plus fanatique de ce nouveau petit nom que du premier mais j'avoue qu'écrire ces petits bouquins a été à chaque fois un vrai plaisir. Dans la souffrance mais du plaisir quand même. Notamment parce que les éditrices sont charmantes, qu'elles me laissent faire et dire tout ce que je veux et que voilà, écrire, c'est un peu mon dada, quoi.

 

Donc celui-ci parle des peurs, celles qu'on a, celles qu'on voudrait combattre, celles qui nous pourrissent la vie. C'est évidemment cocasse que cela vienne de moi vu que je suis la fille la plus pétrie d'angoisses que je connaisse. Et que dans le genre j'affronte pas, je me pose là.

 

Ouais, je t'ai entendue, toi, là bas, avec ta blague sur les pyramides que je ne verrai sans doute jamais. Même pas mal.

 

Vous pouvez donc décider de ne pas acheter cet opus, considérant qu'une traqueuse ne peut pas écrire quoi que ce soit de crédible sur la peur. Ou pas. Parce qu'après tout, ne parle-t-on pas mieux de ce qu'on connait ?

 

Ah, t'es coîte, là, hein ?

 

J'ajoute que je ne touche de l'argent sur ces livres qu'à partir du cent-millième exemplaire vendu ou presque donc très franchement, ne vous sentez obligés de rien.

 

Attends, bien sûr qu'on m'a payée pour les écrire. Un à valoir que ça s'appelle. Même que c'est pas si mal m'enfin tu vas pas péter bien loin non plus avec.

 

A part ça, le mensuel "Questions de Femmes" parle de la pièce. Si quelqu'un a un scanner ET l'article, je remercie d'avance !

 

Edit: Si tu veux commander mon chef-d'oeuvre c'est ICI.

Un miracle en équilibre

 Dans la vie, j'ai des petits plaisirs. Comme tout le monde, ni plus ni moins. Y'a le plaisir de péter un point noir – dégueu mais jouissif -, celui de constater un kilo de moins sur la balance, celui de l'odeur des pains au chocolat de la boulangerie sur le chemin du travail, celui des matins où il fait beau et froid et où je mets mes lunettes de soleil pour faire comme si j'étais au ski, celui de mon i-Pod en mode shuffle qui tombe pile-poil sur ma chanson préférée de Christophe (pas Willem, THE Christophe s'il te plait), à savoir "comme un interdit".

 

Bref, des plaisirs.

 

 

Il y a aussi celui qui consiste pour moi à acheter un livre dans une gare avant de prendre un train. C'est comme ça que j'ai découvert par le plus grand des hasards la trilogie de Jean-Claude Izzo que si tu l'as pas lue tu as grave de la chance. C'est comme ça aussi que j'ai lu de sacrées merdes parce qu'il ne faut pas se voiler la face, dans les librairies de gare c'est pas du Brecht que tu achètes. En même temps dans un train c'est cool de lire une bonne daube, d'ailleurs en général si je ne trouve pas de livre je me tape un bon Voici.

 

Et puis, la dernière fois, je suis tombée sur une perle. Un bouquin sorti sans que vraiment je m'y intéresse et maintenant en poche, "Un miracle en équilibre" de Lucia Etxebarria, auteure espagnole en vogue.

 

D'elle j'avais lu notamment "Amour, Prozac et autres curiosités" et j'avais aimé, pour le ton faussement "chick-litt" et véritablement subversif.

 

Mais là, je me suis pris une bonne vieille claque. Parce que cette lettre écrite par une jeune mère à sa fille encore minuscule m'a parlé comme évidemment cela peut parler à une femme blindée d'hormones.

 

Au delà du ton résolument moderne et atypique avec lequel la grossesse est abordée, au delà de l'absence totale de mièvrerie du propos qui pourtant peut vite basculer dans la guimauve quand on parle de filiation, de naissance, d'amour maternel et j'en passe, ce qui m'a bouleversée c'est la dimension ultra-féministe et surtout incroyablement humaniste de ce livre.

 

L'histoire ? Une jeune mère, donc, entreprend d'écrire à sa fille de quatre mois pour lui raconter les conditions de sa conception et lui dire tout ce qu'elle voudra peut-être un jour savoir sur sa mère. Tout sur sa mère. Un Almodovar en livre. Le livre va et vient entre le présent de cette maman débordée aux seins qui tombent sous l'effet de l'attraction terrestre et aux cuisses lourdes de la grossesse et le passé d'une jeune femme à la vie cassée qui a toujours attaché trop d'importance à ce que pensaient d'elle les autres et surtout, évidemment, sa famille.

 

On la suit dans sa quête d'amour, dans ses doutes pendant que son ventre grossit, dans son désespoir de ne pas savoir comment consoler cette petite boule qui hurle dans son couffin.

 

On rit énormément, on pleure aussi, on en sort pleine de ses phrases qui disent si bien ce qu'on a pensé un jour sans parvenir à le formuler. On en sort en ayant l'impression d'avoir trouvé une femme qui pourrait être une soeur.

 

Un extrait ?

 

Allez, un extrait. Eva/Lucia évoque les livres sur la grossesse dans lesquels jamais elle ne s'est retrouvée:

 

"L'un de ces livres montrait en couverture une rousse sculpturale et semi-dénudée au ventre énoooorme (huit mois au moins, selon mes estimations), cadrée juste au-dessus du pubis pour qu'on ne voie rien. Ses seins étaient un défi aux lois de la gravitation universelle. Rien à voir, pas même de loin, avec mes mamelles à moi, ni avec les seins d'aucune de mes amies enceintes, qui enflaient et retombaient avant même – ou presque – qu'elles fassent le test de grossesse, y compris lorsqu'en temps normal ils étaient des plus plats. Ces sobres turgescences, quasi adolescentes, me paraissaient incompatibles avec l'état de gestation… tellement incompatibles, d'ailleurs, qu'elles étaient retouchées à l'aérographe, ainsi que me l'a montré plus tard ma voisine Elena qui, en bonne graphiste, a l'oeil plus exercé que le mien à repérer ce genre de détails. Retouchées comme les modèles du catalogue Prénatal, qui affichaient des ventres de femme enceinte mais des muscles et des seins de vierge prépubère, sans cellulite, sans rétention de liquides, sans flaccidité ni stries. Et il en va de même de la majorité des futures mères que l'on voit dans les livres médicaux, et qui ont l'air photographiées par David Hamilton (ce flou artistique si seventies), coiffées par Jean-Louis David et habillées comme par leur pire ennemi dans le style le plus conventionnel possible, quelque chose entre Cyrillus et La Petite Maison dans la prairie.
Et je ne parle pas des magazines. Je veux parler de Mon bébé et moi, de Parents magazine et autres Ta grossesse, dont les rédactrices en chef doivent penser que le quotient intellectuel baisse à mesure que le taux d'oestrogènes augmente."

 

Edit: Au risque de me répéter, ce livre va bien au delà d'un ouvrage sur la grossesse. C'est une initiation, un manifeste, une ode à l'amour de soi.

Plus fort que 24h, Millenium

J'ai déjà évoqué récemment mon addiction pour un ouvrage que dévorent les 3/4 des parisiens en ce moment – le reste des Français aussi probablement, mais au risque de me répéter c'est dans le métro parisien que je peux constater ce phénomène et je m'en voudrais de supputer qu'il est généralisé à la France entière si ça n'est pas le cas -, je veux parler de la trilogie suédoise, Millenium.

 

J'y reviens aujourd'hui plus longuement parce que premièrement j'ai fini la bête et deuxièmement… y'a pas besoin de deuxièmement.

 

J'y reviens disais-je, pour vous dire que depuis l'instant où, hier, j'ai lu le dernier mot de cette histoire, je me sens comme orpheline. C'est à peu près comme quand une saison de 24h se termine et que tu te dis que tu en as pour un an avant de revoir Jack Bauer. Sauf que là en plus, il n'y aura pas de quatrième saison, rapport que l'auteur, il est mort.

 

Il est mort juste après avoir mis le point final à son ouvrage. 1 million de signes. Je sais, les signes, ça ne parle pas à tout le monde, mais croyez-moi, c'est beaucoup. Trois gros pavés. Lus en un temp record, dans des conditions extrèmes parce que chaque volume pèse son poids et que dans les transports en commun il est parfois compliqué de sortir genre le Quid pour bouquiner entre deux stations.

 

Petit apparté: figurez-vous que le Quid s'arrête. Et comment qu'on trouvera la date de naissance d'Annie Cordy maintenant, le dimanche, quand on s'emmerde chez papy et mamie ? Pff, tout fout le camp. Comme si wikipedia pouvait remplacer le Quid. N'importe quoi.

 

Donc disais-je, malgré le volume des livres – extrèmement difficile à tenir d'une seule main le soir dans ton lit et que donc tu dois sortir la menotte que tu tiens au chaud sous la couette pour tourner les pages – je me suis enfilée la trilogie en trois semaines. Alors que mes hormones sonnent le glas vers 20h30 environ.

 

Plus fort que la progestérone, Millenium.

 

Non, sérieusement, je ne sais pas trop par où le prendre pour vous en parler, ce polar qui n'en est pas un. Franchement, j'ignore ce qui fait qu'à la troisième page environ, l'auteur te choppe par le col et ne te lache plus jusqu'au point final.

 

Il y a les personnages, bizarroïdes, rebelles, exentriques comme peuvent l'être ceux de Vargas.

 

Il y a le milieu dans lequel ils évoluent, ce journal qui pourrait être… heu en fait je n'en trouve pas d'équivalent en France en ce moment. Genre un magazine qui cherche à dénoncer les conspirations du grand capital, qui ne lésine pas sur le travail d'enquête, qui s'autofinance pour ne subir aucune pression, etc. Bref, donc, un journal idéal dans lequel tout journaleux rêverait de bosser.

 

Il y a ce pays, la Suède, dont on ne connait pas toujours les pages sombres de l'histoire, révélées avec habileté et sans tabou par l'auteur. La Suède, avec ses noms propres imprononçables même quand on ne fait que les lire en silence, ses femmes immenses et musclées, ses hivers terribles et ses îles mystérieuses.

 

Il y a le sexe, omniprésent dans la vie du héros, le beau Mickael Blomkwist, qui ne semble pas réaliser que les femmes tombent comme des mouches sur son passage et qui a un faible pour celles qui sont plus âgées que lui. Ce qui en fait évidemment un homme hors du commun.

 

Il y a enfin les méchants, les vrais de vrais, les atroces, qu'on aime détester, qui commettent des actes odieux et qui parfois viennent te hanter la nuit.

 

Il y a surtout Lisbeth, femme-enfant écorchée qui révèle petit à petit des talents insoupçonnables. Lisbeth la surdouée, tatouée et piercée, insaisissable et fascinante.

 

Voilà, il y a tout ça et bien plus, il y a une oeuvre qui te laisse sur le carreau une fois terminée, une atmosphère dont tu as du mal à te débarrasser.

 

Alors si tu n'as plus rien à lire, n'hésite pas. Pour l'instant il n'existe pas encore en poche et la trilogie n'est pas donnée, mais franchement, tu ne regretteras pas.

 

Edit: Je suis la seule idiote à tenter de lire le soir d'une seule main histoire de garder l'autre au chaud, ou bien ?

Sa vie est tout à fait fascinante

Pénélope est de mauvaise foi. Un peu. Elle est bordélique. Beaucoup. Elle aime son amoureux. A la folie. Elle est bavarde et médisante. Parfois. Elle fait une fixette sur ses cheveux. Quotidiennement. Et aussi sur ses fesses. Souvent.

 

Pénélope, c'est comme la ronde, finalement. C'est moi, c'est toi, c'est elle, peut-être même un peu lui. Elle mène sa barque, résiste difficilement au nutella, se promet de faire un grand ménage et finit par mater la télé toute la journée en boulottant des cochonneries…

 

Et moi, j'aime Pénélope, parce qu'elle est agaçante et loin d'être parfaite. Je l'aime parce qu'elle est moins cruche que Bridget Jones mais pas guindée pour autant. Elle reluque les joueurs de rugby dans le métro, soudoie sa banquière, prévoir de préparer un festin à son chéri et finit par appeler SOS sushis, se dit tout les jours qu'elle devrait prendre rendez-vous chez la gynéco sans jamais prendre son téléphone, appelle ses copines jusqu'à pas d'heure et insulte tout un chacun dès qu'elle monte sur un vélib.

 

Bref, on a toutes en nous quelque chose de Pénélope.

 

Alors forcément, quand j'ai reçu before tout le monde THE livre du blog, la vie "tout à fait fascinante" de m'dame Pénélope, j'ai été pas peu fière. Un cadeau de Noël avant l'heure en quelque sorte. Et je me fais un plaisir de vous recommander l'ouvrage. Parce que certes, si vous faites partie des milliers de lecteurs quotidiens de la miss, vous connaissez la majorité des planches que propose le bouquin. Mais en même temps, y'a pas à dire, le papier, c'est autre chose. Et puis c'est un beau cadeau un livre. Et puis – ça fait beaucoup de "et puis", je sais – assister à l'envol d'une blogueuse qu'on suit depuis longtemps, c'est émouvant. Et quand je dis envol, je pèse mes mots parce que pour moi, Pénélope Bagieu, THE real Pénélope, l'artiste, c'est définitivement une grande. Une Brétécher glamour en devenir.

 

Alors si jamais vous êtes à la bourre pour le cadeau de cousine Bette ou que vous ne savez pas comment dépenser vos bons Fnac reçus à Noël, franchement, n'hésitez pas et ruez-vous sur "Ma vie est tout à fait fascinante" !

 

 

L’impossible mort

Tom est mort. C'est le titre du dernier livre de Marie Darieussec. Livre dont j'aurais voulu vous parler parce que lorsque je l'ai commencé, je me suis dit que c'était probablement un des plus beaux qu'il m'ait été donné de lire.

 

L'histoire ? Tom est un petit garçon de trois ans. Mort. Sa mère, dix ans après, raconte. Tout. Du décès à l'hôpital à la crémation, des premiers jours d'hébétude à la lente descente dans les enfers de la mort d'un enfant.

 

Ce qui est fou ? Ce qui est fou c'est que même en n'ayant pas d'enfant mort, on a la sensation extrèmement troublante qu'on est cette femme. Et forcément, là, c'est devenu un énorme problème pour moi.

 

Parce que Tom est devenu mon enfant. Ou plutôt, il faut bien l'avouer, j'ai été terrorisée à chaque page que mes enfants subissent le sort de Tom. Cette douleur je l'ai touchée du doigt il y a des années à la naissance de mes jumeaux. Seulement effleurée. Mais elle a dû laisser son empreinte bien plus profondément que je ne le pensais puisque chaque ligne de plus m'est devenue au fil des pages insupportable.

 

Alors voilà, je n'ai jamais terminé Tom est mort. Il est au pied de mon lit, je le vois tous les soirs et tous les soirs je renonce à l'ouvrir. Par peur de provoquer le sort. Par peur peut-être aussi de déterrer cette souffrance tapie depuis ce jour de mai où la poitrine de mon fils de 46 centimètres se soulevait trop vite, trop fort.

 

La question que je me pose aujourd'hui c'est celle-ci: est-ce que je suis incapable d'aller au bout d'un livre que j'estime pourtant excellent uniquement parce qu'il fait écho à mon histoire ? Est-ce que tout mère peut éprouver la même incapacité ? Est-ce que même sans enfant il reste extrèmement compliqué de lire un tel ouvrage ?

 

En fait ça fait beaucoup de questions. Et je n'ai pas les réponses, peut-être les avez-vous ?