Catégorie : Envie de livres ?

Le plus bel âge, de Joanna Smith Rakoff

Leplusbelage    C'est un curieux roman que celui-ci. Je l'ai acheté comme je le fais compulsivement dès que j'attrape un "Livrequisepasseànewyorketquiracontelesdestinscroisésdetrentenairesdésabusés".

En sachant que parfois je suis déçue et souvent, transportée. Ce fut le cas notamment avec "Les enfants de l'empereur" de Claire Messud, La Belle vie, de Jay McInerney ou encore "Moi tout craché" du même auteur (au passage je déteste mes copines Sarah et Julie qui l'ont vu au salon du Livre américain il y a quelques semaines à Vincennes).

Là, je dirais que j'ai tout de même beaucoup aimé. Même si parfois je n'étais pas sûre de là où voulait m'emmener l'auteur et que son parti pris de construction, abordant les destins de chacun des protagonistes en les laissant ensuite sans toujours nous donner de leurs nouvelles, m'a parfois déstabilisée.

Il n'en reste pas moins que c'est un premier livre et que j'ai hâte qu'elle en écrive un autre. Parce qu'elle sait décrire, comme une Laurie Colwin, un peu, ces tous petits rien qui forment une personnalité, ces micro-événements qui peuvent bouleverser une voie qui semblait toute tracée.

Elle sait donner vie à ses personnages, surtout, à Lil, Sadie, Beth, Emily, Tal et Dave, une bande d'amis new-yorkais qui se sont rencontrés à l'université et qui vivent comme ils peuvent ce passage si périlleux à l'âge adulte. Tout ça sur fond de 11 septembre, de bouleversements économiques et d'amours compliquées. 

Je vous le conseille si comme moi vous fantasmez le New-York d'Harry et Sally et que la seule évocation de "Brooklin Bridge", "Williamsburg" ou du "Lower east side" vous donne la sensation d'avoir pris un boeing de l'American Airlines, direction la Guarda. Si en revanche vous ne pardonnez pas les longueurs dans un bouquin, passez votre chemin…

Edit: Merci encore pour vos votes, ils me remplissent de joie. Vous pouvez y retourner tous les jours, je ne m'en plaindrai pas. Mais surtout, merci pour ces douceurs distillées hier sur mes pages, elles ont été du miel en ce jour de retour au boulot sur fond de visite officielle d'un grand démocrate qui méritait visiblement que ma station de métro soit bouclée. Et pendant ce temps là, un prix nobel de la paix croupit dans une geole chinoise…

Joséphine par Pénélope Bagieu

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Avec Pénélope on ne se connait pas vraiment, tout juste on s'est croisées une ou deux fois lors d'une rencontre blogosphérique.

Et pourtant, régulièrement, lorsqu'une de ses nouvelles BD sort, elle m'en envoit un exemplaire, dédicacé, en plus. La dernière en date est l'opus 3 de Joséphine. Et j'avoue que j'ai un peu jubilé comme une gamine à Noël quand j'ai ouvert le paquet.

Je veux dire, j'adore le personnage de Pénélope Jolicoeur.

Mais ma préférée c'est définitivement Joséphine. Son cul monumental en poire, ses grosses lunettes branchées, ses cheveux blonds, son côté un peu mesquin…

Ok je m'identifie à mort.

Et encore plus depuis cet épisode qui la voit s'installer avec son velu (sans vouloir être présomptueuse je ne serais tout de même pas très surprise d'apprendre que Pénélope s'inspire du merveilleux couple que je forme avec le Churros) et se retrouver en cloque par inadvertance.

Un truc qui en revanche ne m'arriverait jamais.

Hum.

Passons sur ce détail et revenons-en à Joséphine. Jo', c'est toi, c'est moi, c'est elle là bas. Du genre à faire zizi panpan toute la nuit avec son chéri mais à préférer mourir que de se montrer entièrement nue devant lui, surtout DEBOUT.

Du genre à faire 67 tests de grossesse histoire d'être sûre. A psychoter parce qu'après un éternuement, son velu ne lui dit pas à tes souhaits alors qu'avant (= il y a deux mois quand ils étaient en période de sous-marin sexuel) il l'aurait fait. Et que ça signifie forcément qu'il va la laisser élever son enfant seule sur un trottoir de Manille.

Je brode mais c'est l'esprit, quoi.

Bref, j'adore Joséphine et notamment le fait qu'elle ne soit pas très sympa. J'admire par ailleurs Pénélope pour tout ce chemin parcouru depuis l'ouverture de son blog, sa constance et son absence totale de jemelapétage.

Voilà, Joséphine n°3 c'est un cadeau qu'on peut se faire à soi.

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Edit: Dans la série, Margaux Motin aussi sort une nouvelle BD. Pas encore eu le temps d'aller l'acheter mais parait qu'elle déchire. En plus que y'a des trucs de chatte et de bite dedans.

L’amour est une île

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C'est le troisième livre que je lis d'elle. J'ai commencé comme beaucoup par Les Deferlantes, succès de librairie à mon sens mérité, puis j'ai dévoré "Seule Venise", que j'ai autant aimé sinon plus, bien que très court.

Du coup cet été, quand j'ai déniché son dernier ouvrage de manière totalement inattendue dans la petite maison de la presse du village corse où je me trouvais, je n'ai pas hésité une seconde pour l'acheter.

Je n'ai pas été déçue. Même si l'écriture de Claudie Gallay est tellement réduite à sa plus simple expression que par moments on se demande si ce n'est pas trop facile, ces phrases brèves comme coupées à la hâche. Mais non, qui a tenté un jour d'écrire sait que toute la difficulté réside dans le rythme à insuffler à chaque page, dans la faculté justement de donner cette impression de fluidité et de facilité.

Surtout, en trois lignes, comme pour les deux précédents livres lus, Claudie Gallay attrape son lecteur et le plonge dans une atmosphère qui l'enveloppe jusqu'à la fin. Dans les Deferlantes, c'était le paysage apre et rugueux du Cotentin. Dans Seule Venise, le brouillard de la lagune italienne en plein hiver.

Dans l'Amour est une île, c'est un été en Avignon. Pas n'importe lequel, un mois de juillet 2003, en pleine grève des intermittents, un mouvement bouleversant pour la première fois de son histoire le fameux festival de théâtre. Claudie Gallay sait planter le décor mais elle a ce don aussi très particulier de donner vie et chair à ses héros. Notamment, je trouve, aux hommes, dont on devine qu'elle les aime taiseux et abîmés. Les personnages masculins de Claudie Gallay, j'en tombe systématiquement amoureuse.

La rupture est aussi récurrente chez elle, avec cette fois-ci une nouveauté, l'espoir de faire renaître un amour qui n'aurait pas dit son dernier mot. Il est metteur en scène et propriétaire d'un petit théâtre dans la cité des papes, elle est une actrice devenue star. Ils se sont aimés quand elle n'était rien, quittés lorsqu'elle a pris son envol. Entre eux, un secret inavouable, une histoire de manuscrit réécrit, un mensonge sur le dos d'un jeune auteur suicidé.

Des années après, les deux amants se retrouvent, avec, planant au dessus d'eux, l'ombre de l'écrivain spolié, incarné par sa soeur qui veut savoir, comprendre et entendre sur scène les mots de son frère.

Je n'en dirai pas plus, je vous encourage à lire ce très beau roman d'amour. Il m'a donné une furieuse envie de me promener un soir d'été dans les rues d'Avignon, ville dans laquelle je n'ai fait que passer il y a des années de cela.

Apocalypse Bébé

Despentes

Si j'ai aimé le dernier Despentes ?

Oui, incontestablement. Les trois premiers quarts. La fin m'a un peu déstabilisée, trop radicale, trop no future pour moi. Mais j'ai envie de dire que ce n'est pas l'essentiel et que même peut-être, on s'en fout.

Parce que l'intérêt d'"Apocalypse Bébé" est ailleurs.

Dans l'expression d'un désespoir qui me parle. Dans la dénonciation des mécanismes qui broient les âmes fragiles. Dans les portraits sans concessions mais sans jugements non plus d'une brochette de personnages hauts en couleurs. Dans un road movie tragicomique, dans la relation qui se noue entre une détective tricarde et une mercenaire lesbienne à laquelle personne ne résiste.

Apocalypse Bébé ne ressemble à rien de connu. Le style est violent, mais moins que la société de consommation dont la perversité sue à chaque page. L'obscénité n'est pas toujours où on le pense.

J'ai aimé aussi les descriptions hyper crues d'une partouze saphique dans un squatt à Barcelone. J'ai été émue par la fuite désespérée de Valentine, l'adolescente fugueuse recherchée par les deux enquêteuses. Parfois un peu agacée par certains raccourcis sur le mode "l'hétérosexualité est aussi naturelle que les enclos électriques dans lesquels on parque les vaches" (phrase citée de mémoire, on m'excusera).

Mais surtout, je crois que ce que j'apprécie le plus dans le dernier Despentes, c'est… Despentes. Son interview dans Grazia est d'une sincérité rare et chère. Elle y avoue sa difficulté à être heureuse, parle de son métier sans fausse pudeur ou modestie. Une grande fille trop sensible et qui ne minaude pas. Quelqu'un de bien, il m'a semblé.

Alors voilà, je ne saurais que vous encourager à lire Apocalypse Bébé, ne serait-ce parce que lorsqu'on lit Despentes, on a la sensation de croiser le chemin d'un écrivain.

Pas celui d'une de ces moultes trentenaires au minois délicat dont les oeuvres insipides et immédiatement oubliables encombrent les Fnacs et autres librairies. Franchement, ça ne vous interpelle pas, vous, le fait que désormais, les auteures aussi, doivent être baisables pour être vendables ? Et je parle des auteures, mais la gent masculine n'échappe pas au phénomène. La majorité des jeunes écrivains ressemblent à des jeunes premiers.

Je ne dis pas que pour avoir du talent il faut être un tas. Mais je ne peux pas croire non plus que subitement, ceux qui ont ce don sont tous devenus des canons. Je crains hélas que désormais il soit plus que conseillé de glisser une photo avantageuse de soi avec son manuscrit pour éveiller l'intérêt des éditeurs. Qu'est-ce que tu veux, bébé, pour vendre, il faut ce qu'il faut…

Ma fille a un blog

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Ici je parle d'elle en l'appelant la grande chérie. Dans la vie, elle s'appelle Lou. Elle a dix ans et c'est ma fille.

Son truc, à part les slims gris, les converse et les dizaines de bracelets brésiliens aux poignets, c'est la lecture. J'avoue, je ne suis pas peu fière. Surtout, j'aime l'idée qu'elle connaisse ce bonheur unique. Celui qui te rend heureuse de rejoindre ton lit le soir parce que tu as rencart. Avec une histoire, des personnages, un auteur.

Sans rire, moi quand je suis dans un bouquin qui m'a pécho, il m'arrive d'avoir cette pensée agréable en pleine journée, l'assurance qu'à un moment, on va se retrouver, lui et moi. C'est comme de savoir qu'il reste un carré de chocolat fleur de sel au fond de la tablette.

Et à la voir se précipiter dès le repas terminé dans son plumard perché pour tourner et tourner les pages de ses livres, je crois qu'elle a attrapé le virus elle aussi.

A tel point qu'elle a eu envie d'en parler quelque part. Et, "non, pas sur ton blog, j'ai envie d'avoir mon truc à moi, tu comprends" ?

Ok, ok, ok.

Bref, elle s'est débrouillée comme une chef, aidée par le meilleur copain du machin déjà à la tête d'un blog de manga, et le blog de Louminette a pris vie. Louminette c'est comme ça que l'appelle sa manou.

Je lui avais promis que lorsqu'elle aurait écrit cinq billets, j'en parlerais ici. C'est chose faite. Si vous avez des enfants de son âge, n'hésitez pas à leur donner l'adresse, je crois qu'elle adorerait avoir des commentaires ;-).

Et voilà, mon bébé a un blog.

Je vous laisse, je crois que cette fois ci c'est bon, je dois de toute urgence aller parler de tout cela à "quelqu'un".

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Les bouquins de l’été

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Donc mes conseils bouquins pour l'été ou tout au moins le mois d'août puisque parait-il, première nouvelle, on est déjà en août. Je dois avouer que ces derniers mois ont été peu propices à la lecture, la faute à tout un tas de choses, au nombre desquels des horaires de malade, trois enfants en demande – à laquelle je ne réponds d'ailleurs jamais assez – des nuits trop hachées qui découragent de lire jusqu'à pas d'heure, un blog qui mine de rien m'occupe un peu et l'envie aussi, parfois, de passer mes soirées blottie contre le churros en regardant des séries télé et plus si affinités.

Mais tout de même, j'ai eu le bonheur de déguster quelques bons crus.

Seul le silence, de JM Elory. Quand je l'ai ouvert, je pensais lire un polar efficace, pas plus. Erreur. Il s'agit d'un roman à la steinbeck, dans l'Amérique profonde des années 40, un portrait d'écrivain, une allégorie sur l'écriture. Bien sûr il y a aussi l'intrigue, sur fond de tueur en série de petites filles. Le personnage principal, qui retrouve, enfant, une des premières victimes, ne pourra jamais se défaire de son obsession: trouver le monstre auteur de ces exactions. Mais parallèlement, il va tomber amoureux, devenir un écrivain, découvrir Brooklyn et ses artistes en devenir. Sans que jamais le suspense ne cesse. Très très très bon livre.

Le goût des pépins de pomme. De Katharina Hagena. Un joli roman allemand, sur une maison de famille, sur le temps qui passe, sur les secrets enfouis qui remontent à la surface. Je ne le qualifierais pas de chef-d'oeuvre, mais c'est un livre parfait pour une chaise longue et une histoire de femmes comme on les aime.

Juliet Naked, de Nick Hornby. Encore un livre sur le temps qui passe, décidément c'est à se demander si je ne suis pas un poil concernée par le sujet. J'aime tout ce qu'écrit Nick Hornby, son style british et ciselé. Dans son dernier opus, il retrouve ses premières amours: la musique, qui est là, en filigrane, tout le long. Il y est question d'un chanteur country rock américain qui a disparu de la circulation depuis 20 ans, laissant une poignée de fans complètement démunis. Ces derniers passent leurs heures perdues à spéculer sur ce qu'il est devenu sur un forum en ligne. Parmi eux, un homme dont la femme ne peut plus supporter cette obsession. Par le truchement d'internet, elle finit par correspondre avec la star déchue. Pour le meilleur et pour le pire. Une histoire d'amour, une réflexion sur la parentalité, sur la possibilité ou non de faire le chemin en arrière. J'ai adoré.

Slam, de Nick Hornby. Lu l'été dernier, rigolé comme rarement, pleuré aussi. L'histoire de deux très jeunes gens qui deviennent parents à l'heure où l'on préfère aller retrouver ses potes pour faire du skate. C'est tendre, c'est cocasse, c'est grave, c'est aussi engagé, ça parle du prolétariat en Angleterre, de la difficulté de joindre les deux bouts. Nick Hornby ne juge jamais, il porte un regard plein d'empathie sur ses personnages et parvient à nous faire croire que le livre est écrit par un ado.

C'est encore moi qui vous écrit. De Marie Billetdoux. Attention pavé. De plus de 2 kilos. Mais ovni littéraire, recueil de lettres envoyées et reçues par l'écrivaine depuis l'adolescence. Ou comment à travers ces témoignages épistolaires raconter une vie mais aussi différentes époques. C'est fort et puissant, ça nécessite tout de même de s'y plonger et de s'accrocher, je ne le qualifierais pas de bouquin de chaise longue, pour le coup.

Un brillant avenir de Catherine Cusset. Encore une histoire de femmes. Il s'agit ici de la vie d'Helen/Elena, immigrée roumaine aux Etats-Unis. On la découvre petite fille ballotée de pays en pays au sein d'une famille adoptive dans laquelle elle ne se sent pas aimée, jusqu'au grand départ aux Etats-Unis avec l'amour de sa vie, Jacob. Une fois aux Etats-Unis, elle vivra pour que son fils né américain puisse avoir ce brillant avenir dont elle n'a pu jouir pour sa part. Quand Marie, jeune française dont son fils est tombé amoureux arrive dans leur vie, elle réagit comme sa famille d'alors avec Jacob, en la rejetant. C'est un livre d'une grande profondeur, à multiples tiroirs, une saga sur trois générations et sur deux continents. C'est aussi une réflexion sur ce que signfie être soi, sur la vanité des rêves de réussite. Je ne l'ai pas lâché. Du même auteur je conseille aussi "Le problème avec Jane", merveilleux.

Voilà pour l'instant, n'hésitez pas aussi à vous procurer les autres bouquins en photo, je les cautionne tous ! Et je viens de commencer les chronique du plateau Mont Royal de Michel Tremblay sur les conseils de Despé, et c'est génial, déstabilisant parce que très québécois dans les dialogues, mais je sens que ça va m'occuper un bon moment. N'hésitez pas à me donner vos coups de coeur aussi ! Enfin, au niveau polars, j'aime bien les Camilla Läckberg, mais je préfère les Dominique Sylvain…

Absolument débordée ou le paradoxe du fonctionnaire

Zoé  Au nombre de mes expériences professionnelles, il y a ces six mois dans un Conseil général et pas le moindre. Une des choses dont je me souviens très exactement, c'est que lorsque je suis arrivée, le troisième étage était en grève. La direction avait en effet signifié le déménagement d'une partie des bureaux… au 7è.

Un peu étonnée, j'avais demandé ce qui, dans cette mesure, provoquait un tel désespoir et on m'avait expliqué sans sciller que c'était toutes les relations professionnelles qui allaient s'en trouver chambouler. "Certains travaillent à côté les uns des autres depuis plus de dix ou quinze ans, tu ne te rends pas compte des traumatismes".

Non, j'avoue, je  ne me rendais pas compte.

Pourtant, six mois après, quand on m'a annoncé que je risquais d'être délocalisée dans le bâtiment d'à côté, j'étais à deux doigts d'appeler le médecin du travail. Faut croire que j'ai une grande capacité d'intégration.

Bref, pour ma plus grande chance, un boulot totalement différent s'est présenté à moi et j'ai échappé à la fossilisation qui me guettait. Attention, dans ce conseil général, il y avait des gens extraordinaires: des assistantes sociales (les missions du CG sont très "sociales", Aides aux personnes âgées, Aide sociale à l'enfance, etc), des médecins, des éducateurs et plein d'autres. Mais ce qui m'a très vite provoqué des crises d'angoisses terribles, c'est le côté "énorme structure", dans laquelle finalement, une grande partie des personnes employées n'avaient pour autre rôle que celui d'être derrière un bureau. Ou planté devant a machine à café. Je n'ai jamais bossé dans une grosse entreprise privée, mais je suis assez convaincue qu'on retrouve ça aussi chez les world wilde compagny, hein, l'objet de ce billet n'est absolument pas de casser de la fonction publique.

L'objet c'est quoi, alors ? L'objet en réalité, c'est de vous parler d'un livre.

Ecrit par l'une d'entre vous.

Si, parmi les fidèles de ce blog, figure une écrivaine. Une vraie.

J'ai parlé de Zoé Shepard, alias… La Bureautière.

Qui vient de publier chez Albin Michel "Absolument débordée", dans laquelle elle narre avec le même humour que sur son blog, l'absurdité du fonctionnement d'une collectivité dans laquelle elle a atterri après des années d'études. Huit, très exactement. A la sortie du bouquin, qui a fait un gros buzz, certains médias pas étouffés par les scrupules, ont tenté de faire passer ce bouquin pour un brûlot anti-fonctionnaires. ce qui l'a profondément affectée.

Moi j'y ai vu une critique d'un certain monde du travail, celui qui broie les âmes et les individus. J'y ai vu une attaque en règle contre CERTAINS élus et fonctionnaires qui ont laissé aux toilettes toute notion de "mission de service public" et qui semblent ne penser qu'à conserver leur petite autorité, leurs petits privilèges, leur petit territoire. Tout ça sous une forme proche de la chronique, voire du roman.

Bref, sans surprise, j'ai vraiment aimé le livre de la Bureautière. Même que je suis toute intimidée, maintenant, quand elle laisse quelques mots ici…

Voilà, encore un talent révélé par le prisme du blog…

Edit: Même que y'avait un super article sur elle dans Grazia ! Je reviendrai d'ailleurs sur ce canard, qui je dois le confesser, me séduit de plus en plus, ok c'est un féminin mais vraiment, il y a un poil plus de contenu que dans les autres nouveaux venus du même acabit. Aussi, je parlerai du Elle spécial rondes, mais en fait je viens juste de l'acheter, le temps me manque, c'est tout. Comme je tiens absolument à vous parler de la collection de BBeauty pour la redoute, je reviens sur le Elle dans lequel elle brille de mille feux…

Edit2: Au vu des commentaires, je me dois de rajouter que je ne suis pas super fan du bandeau ni du sous titre. Je crois savoir que Zoé non plus et que c'est là un travail d'éditeur visant à vendre le livre. Non, ce bouquin n'a pas été écrit par un sbire de Sarkozy et non, il ne dégomme pas la fonction publique. Si c'était le cas, amie ou pas amie de Zoé, je n'en aurais jamais parlé…

Philippe Jaenada, le faux dilettante

Jaenada

Je vous ai déjà parlé de Jaenada ?

Je crois que oui, une fois, j'ai vanté les mérites du Chameau sauvage dans une des listes de bouquins que je vous ai proposées. Mais je ne suis pas sûre de vous avoir VRAIMENT parlé de Jaenada.

Je veux dire, est-ce que je vous ai confié par exemple que cet homme écrit exactement de la façon dont j'aurais voulu le faire si d'aventure j'avais été écrivaine ?

Est-ce que j'ai insisté sur le fait qu'il sait à la fois être d'une drôlerie extravagante tout en ayant la capacité de décrire le sentiment amoureux comme peu savent le faire ?

Est-ce que je vous ai raconté qu'un passage du chameau sauvage a manqué me faire passer l'arme à gauche, pour cause de fou rire inextinguible ?

A la réflexion, je ne crois pas avoir été si loin. Et pour cause, il est particulièrement difficile de parler d'un auteur qui excelle dans le sarcasme, l'autodérision (surtout l'autodérision), l'absurde et l'ironie. Tout ce que je peux moi écrire à son sujet me semble du coup d'une fadeur sans nom, d'une niaiserie confondante. Je dirais même plus, abuser de ses livres pourrait finir par me décourager totalement de pianoter sur mon clavier. Un peu comme les repas à mourir des belles-mères finissent par te conduire illico chez picard, histoire de ne pas ajouter aux kilos pris l'humiliation de n'être pas capable de réussir le dixième de ce que cette hyène semble accomplir sans même l'once d'une recette.

Bref, tout ça pour dire qu'actuellement je déguste le dernier opus de Philippe Jaenada, "Plage de Manacorra, 16h30" et que j'alterne entre les sanglots étouffés parce que l'histoire est atroce (en gros, alors qu'il est en vacances avec son fils de 7 ans et sa femme adorée dans le sud de l'italie, le héros se retrouve, avec des centaines de congénères coincé sur une plage par un énorme incendie qui vient des collines et qui menace de tuer tout le monde) et les éclats de rire, parce que cet événement tragique est l'occasion pour Voltaire (le héros donc) de passer en revue les moments clés de sa vie et de son histoire d'amour. Il faut lire ce passage où il se remémore la fois où il a été refusé à l'entrée de l'hyppopotamus de la place de Clichy pour comprendre la dimension comique de son existence.

Voilà, j'ajouterai que je m'étonne que cet écrivain soit finalement assez peu considéré dans le paysage littéraire français – ou en tous cas pas assez célébré -, il est dix mille fois plus incisif que sa pâle copie Beigbeider ou qu'un Bégaudeau certes pas mauvais mais qui ne tient pas vraiment sur la longueur. Il a pour moi les fulgurances d'un Philippe Roth dans Portnoy et son complexe ou d'un Jonathan Coe. Et tout ça en donnant une impression de facilité qui t'énerve grave. On en revient à belle maman la hyène avec sa blanquette incroyable faite en cinq minutes, quoi.

Allez, les chanceux qui n'ont pas encore goûté aux charmes de monsieur Jaenada, n'hésitez pas. Et commencez par le Chameau sauvage, qui je pense est son meilleur bouquin.

Même que je vous en livre un extrait succulent à mon goût, où l'auteur donne ses conseils pour être à l'aise dans un ascenseur…

"CONSEILS
POUR PARAÎTRE À L'AISE DANS UN ASCENSEUR
Passer un moment dans un placard avec un inconnu est embarrassant.
Face à notre prochain, nous sommes timide et confus,
nous ne savons pas où mettre les yeux, nous avons envie
de nous faire tout petit (et, chose curieuse, l'autre paraît
toujours serein et fort, comme s'il ne se rendait pas compte
de l'incongruité de la situation). Alors quelle attitude
adopter pendant le trajet pour surmonter notre malaise ?
Faire l'impatient et tapoter du pied donne l'air ridicule d'un
businessman surexcité. D'un autre côté,
regarder l'autre dans les yeux, face à face à
quelques centimètres, l'inquiète. Quant à
vouloir engager la conversation avec lui c'est une erreur :
même pour une discussion très banale, le temps
de voyage est trop court.
– Bonjour.
– Bonjour Monsieur. La politique politicienne, j'en ai
ras le bol.
– Oui, ils nous prennent pour des abrutis.
– Allez, bonsoir.
Enfin, rester comme pétrifié après avoir
appuyé sur le bouton, les yeux sur ses chaussures ou
sur une paroi lisse, laisse supposer que la présence
de l'autre nous effraie. Ce qu'il faut éviter absolument.
Car en ascenseur, tout est basé sur le rapport des forces.
Il est impératif, dès la mise en présence,
de prendre l'ascendant sur notre prochain. Plus qu'une simple
attitude à adopter, il s'agit donc d'effectuer un travail
progressif, dont le but est d'amener l'adversaire en position
d'infériorité. Car deux personnes ne peuvent se
sentir simultanément à l'aise dans un ascenseur.
On peut le regretter, mais c'est ainsi.


Tout d'abord, il faut s'empresser de demander "Quel étage
?" avec désinvolture, avant même d'être
tout à fait à l'intérieur. Si nous traînons
trop, il nous devancera sans scrupule – or cette question
est primordiale, car elle nous place d'emblée comme le
patron de l'endroit. "Un habitué", songera-t-il.
Mais rien n'est encore gagné, bien sûr. Il est
maintenant indispensable de se placer le premier près
du panneau à boutons, et d'attendre qu'il quémande.
"Quatrième, s'il vous plaît." Ensuite,
un nouveau point sera marqué si nous appuyons précisément,
d'un geste souple et sûr, sur le bouton qui correspond
pile à son étage (ce n'est pas sorcier, comme
manœuvre, mais cela impressionne toujours – "Il
connaît l'emplacement exact des boutons, un habitué…").
Ensuite, tout est simple : il suffit de conserver l'avantage
ainsi acquis, en profitant du léger éblouissement
causé par notre "ouverture", pour entamer avant
lui, avant qu'il ne se ressaisisse, notre "développé".
Le développé est la matérialisation de
l'attente placide, l'attitude que prend naturellement un homme
sûr de lui entre le rez-de-chaussée et le quatrième,
et peut revêtir plusieurs formes : un air que l'on chantonne
à mi-voix, un doigt qui caresse avec nonchalance le panneau
à boutons, un coup de peigne dans la glace. A nouveau
pris de vitesse, il est coincé : on imagine mal deux
étrangers chantonner ensemble dans un ascenseur (ou pire,
se recoiffer côte à côte, ou caresser ensemble
le panneau à boutons). Il ne peut pas non plus se mettre
à chantonner pendant que nous nous donnons un coup de
peigne : une personne décontractée dans un ascenseur,
ça passe merveilleusement, mais deux, ça frise
le burlesque. "Ils n'ont qu'à se mettre à
danser, tant qu'ils y sont." Non, il ne pourra que rester
figé et muet, dominé, embarrassé. C'est
dur, mais l'heure n'est pas aux états d'âme. Il
a perdu. Il voudra se cacher dans un trou de souris, tandis
que nous serons parfaitement à l'aise. Il ne restera
plus alors qu'à conclure (la "fermeture") :
lorsqu'il sort, vaincu, et marmotte timidement "Au revoir",
nous nous contenterons d'un léger signe de tête
et d'un sourire distrait, qui achèveront de l'accabler.
Ouverture, développé, fermeture, l'affaire est
réglée. Resté seul pour un ou deux étages
encore, nous nous sentons gai et léger : le trajet s'est
parfaitement bien passé pour nous."

Les larmes de Tarzan

Les-larmes-de-tarzan  Lui c'est Jane et elle c'est Tarzan. En vrai, c'est Mariana mais comme elle lui est tombée dessus sur une plage suspendue au bout d'une tyrolienne, il n'arrive pas à l'appeler autrement que Tarzan.

Lui, c'est un jeune homme très comme il faut, blindé de thunes un peu à l'insu de son plein gré après avoir – très bien – revendu sa boîte. Il aime les femmes mais pas plus que sa Lamborghini et ne voit pas du tout l'intérêt de se coltiner ces machins qui ont toujours une morve verte qui coule de leur nez et qu'on appelle des enfants.

Elle, elle est pauvre comme Job, et encore, à côté Job, ce serait Bill Gates. Elle élève ses deux enfants seule, depuis que l'amour de sa vie, un poète un peu schizophrénique sur les bords – et aussi sur le milieu d'ailleurs – est parti on ne sait où. Elle en est sûre, il va revenir. Mais en attendant, elle se bat tous les jours pour que ses enfants mangent à leur faim, même si certains soirs c'est nesquik pour tout le monde et c'est à peu près tout.

Quand elle lui est tombée dessus sur cette plage, la peau tannée et vêtue d'un seul bas de maillot duquel dépassaient des touffes de poil, il l'a regardée et pensé que ses petits seins ressemblaient à des oreilles de basset. Il l'a trouvée insupportable et puis mon dieu, quels horribles enfants elle avait, le plus petit tout pisseux, non merci, au-revoir Tarzan.

Quand à elle, elle s'est dit qu'il était puant et imbuvable, en plus d'être sans humour.

Et puis…

Et puis bien sûr, comme toutes ls histoires d'amour qui commencent très mal, ils ont fini par se sauter dessus et découvrir qu'en dépit ou à cause de leurs abyssales différences, leurs corps, eux, n'en finissaient pas de s'électriser. Et puis, les oreilles de basset, manifestement, ça peut être sacrément érotique, s'est dit Jane, qui s'est mis à trouver toutes les bimbos fraichement épilées et foutues comme des barbies complètement fades et sans saveur.

Je m'arrête là, parce que le mieux avec "Les larmes de Tarzan", c'est de le lire. Je vous préviens, ça passe vite, très vite, parce que Jane et Tarzan, on les aime d'amour, sans parler de tous les personnages secondaires décrits avec une tendresse incroyable par Katarina Mazetti.

Oui, Katarina Mazetti, l'auteur du "Mec de la tombe d'à côté", un des bouquins que j'ai le plus aimés l'année dernière.

Je ne saurais dire si celui-ci est mieux ou pareil, il se trouve que le procédé narratif est le même, une fois l'un, une fois l'autre qui raconte et que le sujet est sensiblement identique: comment s'aimer quand tout vous sépare ?

Sauf que c'est totalement différent, d'autres univers, d'autres personnages. Mais on retrouve en revanche l'esprit engagé de l'auteur qui décrit avec un réalisme incroyable la dure condition des femmes seules avec enfants, héroines du quotidien qui se démènent comme des diablesses pour leurs minots. Sans pathos aucun bien sûr, sa marque de fabrique étant un humour potache et caustique qui balaie tout sur son passage.

Voilà, je m'arrête là, je pourrais en parler des heures tellement je suis tombée en amour de Katarina Mazetti qui sait me faire rire et pleurer, vibrer, même, et qui écrit des scènes de cul comme jamais je n'en avais lues jusque là.

Edit: Un grand merci à Mlle E. pour ce livre, il faut arrêter de me gâter maintenant ou alors je vais vraiment y prendre goût…