Catégorie : Envie de livres ?

Little Bird de Craig Johnson

IMG00333-20100223-1253.jpg_effected
Un des trucs qui me manque le plus – le seul presque quand j'y pense – de mon ancien boulot, c'est ce moment qu'on prenait entre deux dépêches ou à midi pour piapiater avec mes copines de bureau. Autant vous dire qu'en pia pia pia je suis championne du monde et de très mauvaise influence.

En même temps, j'avais lu un article très sérieux qui expliquait qu'il était nécessaire pour la productivité d'une équipe que dans le lot il y ait un ou deux individus qui fasse du lien social en racontant des conneries. Pas sûre que les managers adhèrent à cette étude pourtant scientifique mais personnellement je me rappelle que le départ d'un collègue qui me faisait mourir de rire plusieurs fois par jour avait singulièrement altéré mon boulot. Tout simplement parce que du coup j'arrivais avec un peu moins d'enthousiasme (greg si tu me lis, la voilà ta dédicace).

De là à prétendre que mon départ a plongé mon open-space dans une sinistrose désespérée il n'y a qu'un pas que je ne franchirai pas. Il reste tout au fond de moi quelques grammes de modestie. Si si, quand on creuse, on a des chances d'en retrouver des traces sous les ongles.

Tout ce préambule pour parler de ma copine S. et de nos instants masque et la plume qui ont de longs mois durant adouci mon quotidien (le mieux c'était quand on s'y mettait à trois avec J.). La dernière fois que nous nous sommes vues, elle m'a apporté un livre dont elle pensait que je pourrais l'aimer.

Un geste d'autant plus précieux que l'exemplaire était dédicacé par l'auteur, rencontré par S. au salon du roman américain l'année dernière. Quand on connait mon peu de soin apporté à tout objet inanimé, c'est une sacrée marque d'amitié.

"Little Bird". De Craig Johnson.

Premier opus d'une série qui compte pour l'instant cinq livres.

C'est simple, je me languis de pouvoir entamer le second que je vais m'empresser d'acheter séance tenante. Il s'agit donc d'un polar, qui se passe dans les plaines et les montagnes du Wyoming. Le héros est un shérif veuf, bedonnant et un poil dépressif mais exerçant néanmoins son charme sur la gente féminine – un peu désespérée – du bled dans lequel il officie. Racontée à la première personne avec un humour d'une rare finesse et une tendresse pour tous les personnages, même les plus retords, l'enquête concerne le meurtre d'un jeune homme accusé quelques années auparavant d'avoir violé en collectivité une jeune indienne de 14 ans un peu attardée. Le genre de gars dont la mort n'attriste pas grand monde. Autant dire du coup que les suspects se bousculent au portillon, qu'il s'agisse du meilleur ami cheyenne de Walt le shérif, du prédécesseur unijambiste de ce dernier ou du père de la victime. Pour ne citer qu'eux.

Walt lui même sait qu'il ne l'a pas fait mais ce n'est pas l'envie qui lui aurait manqué.

Je ne suis pas sûre de savoir parler de cet ouvrage comme il faudrait tellement sa force réside dans un style impeccable et fantasque, dans la description de cet liaison naissante entre Walt et Vonnie, deux rescapés de l'amour hyper attendrissants ou la peinture ultra poétique des paysages.

Si vous avez aimé Dalva de Jim Harrison, précipitez-vous, on dit que Craig Johnson est son digne héritier. Si vous aimez les personnages de flics un peu azimutés, complètement désabusés et doués d'une autodérision redoutable, précipitez-vous aussi. Si enfant vous avez pleuré devant le dernier des mohicans ou plus tard dansé avec les loups, précipitez-vous aussi. Si vous aimez les livres dont on ressort avec la sensation d'être lesté d'un supplément d'âme, précipitez… Bref, vous m'avez comprise.

Merci S… Et une bise à mes copines du sup qui me manquent, elles se reconnaitront. Même que parmi elles il y a aussi quelques garçons.

Edit: vieille photo prise au blackberry à l'époque le jour de notre emménagement dans cet openspace (on venait de locaux moins rutilants). Après, les cartons ont disparu, enfin, ceux des autres, les miens ont trainé un bon moment…

Les livres de l’été 2011: petit bilan

DSC_0066.jpg_effected
Je suis rentrée mais en même temps pas vraiment, aujourd'hui je suis en transit entre Lyon et Paris pour aller déposer les schtroumpfs chez leurs grands-parents. Surtout, je suis tellement triste d'avoir quitté mon petit coin de paradis, que j'ai un peu de mal à ne serait-ce que trier mes photos pour en poster quelques unes ou réfléchir cinq minutes à la façon dont je pourrais raconter ces journées vides de contraintes.

Bref, je crois que cette semaine, je vais être encore présente en pointillés, avec une vraie rentrée lundi prochain, si tout va bien.

En attendant, un petit point quand même sur mes lectures d'été, au cas où vous souhaiteriez vous faire un petit réappro avant septembre !

Au rayon policiers, j'ai découvert Mo Hayder avec "Proies" et franchement, c'est du polar de chez polar, j'ai adoré, je crois que je vais me faire tous les autres dans les jours à venir.

Ma grande émotion littéraire des vacances restera définitivement "La grande maison" de Nicole Krauss. Aussi lu "Les enfants de la veuve" de Paula Fox, assez brillant mais j'ai peiné un peu malgré tout, ce huis clos familial a fini par m'angoisser.

Pas aimé en revanche, le dernier Bégaudeau, "La blessure, la vraie". Qu'est-il arrivé à l'auteur d'"Entre les murs" ? Peut-être un gros melon. On ne peut pas dire que son bouquin soit mauvais, il y a même de très bons passages. Mais il y manque quelque chose – de l'émotion, de la vraie ? – qui rende ce texte sur l'adolescence touchant. Là, j'ai eu l'impression de lire une sorte de revue des années 80, un inventaire à la Prévert de tout ce qui a marqué ces années. Pas un instant je n'ai vibré, dommage…

Encore plus mauvais, même si gobé malgré tout, le dernier Candace Bushnell. Ecrit avec les pieds, pas une once de subversion comme c'était le cas dans Sex and the city. On est à peine au niveau d'un mauvais Danielle Steel.

Sinon, là je lis un Douglas Kennedy, "Quitter le monde" et c'est assez addictif. Je n'en avais jamais lu il me semble, on ne peut pas dire qu'on soit dans de la grande littérature, mais pour ce que j'ai – le cafard – c'est parfait.

Voilà, je n'ai finalement pas tant dévoré que ça ces trois dernières semaines, il faut dire que j'avais à écrire, aussi et qu'il est parfois difficile de faire les deux.

Bon lundi !

Edit: Un bonjour tout particulier à Marie du blog "Les trois copines et la mode", croisée tout les jours sur la plage, parfois avec son adorable maman, maman dont j'ai appris depuis qu'elle apparaissait en arrière plan d'une photo de ladite plage prise l'année dernière. Maman de Marie, votre gentillesse m'a émue, et si je n'avais pas été à moitié nue au moment où nous avons fait connaissance, je vous aurais serrée fort dans mes bras. Marie, tu as trop de maillots qui déchirent, je ne te parle plus en revanche ;-).

Edit2: Chez les enfants, deux gros succès: la Guerre des clans et Cherub. La paix assurée. Ma fille en parle d'ailleurs sur son blog

Les livres de l’été 2011

DSC_0099.jpg_effected
Alors je vous avais promis une liste de bouquins pour l'été, la voici. J'ai essayé d'en mettre un peu pour tous les goûts, sachant que j'aime bien, moi, sur la plage ou dans un transat à l'ombre d'un palmier/citronnier/figuier, me délecter de lectures… faciles.

J'entends par là que si vous voulez du long et fastidieux, ce n'est pas nécessairement ici que vous le trouverez, pas à cette époque de l'année. Ce qui ne signifie pas non plus que je vais vous conseiller le dernier Kinshella, je n'en ai jamais acheté. Par contre, je pense m'octroyer un ou deux plaisirs coupables, le Candace Bushnell cuvée 2011 par exemple.

Bref, voici ce que j'ai aimé dernièrement ou il y a bien longtemps d'ailleurs (du coup, pof, quelques poches, ce qui n'est pas négligeable pour le porte monnaie). Liste non exhaustive et totalement subjective, évidemment.

Quand souffle le vent du nord, Daniel Glattauer. J'étais passée complètement à côté l'année dernière alors que ça fut visiblement un best seller. Dans le genre lecture facile, ça se pose là. Mais du easy reading de qualité. Vous avez aimé "You've got a mail", avec Meg Ryan quand elle n'avait pas entamé sa mue de galinacé ? Vous adorerez ce roman épistolaire entre Emmi et Léo. C'est écrit par un Allemand, et ça se sent, ne serait-ce que parce qu'il est question, souvent, de boire une bière. Cet échange de mails entre deux inconnus rappelle aussi le fameux cercle des épluchures de patates, que j'avais adoré, bien que consciente qu'on était loin de Choderlos de Laclos. Là, idem, c'est léger mais pas prétentieux et personnellement, j'ai couru acheter la suite à peine le livre terminé, parce que merde, ils vont finir par conclure ou bien, ces deux là ? Et la suite est chouette aussi, "La septième vague", ça s'appelle. L'auteur s'essoufle un peu sur la fin, mais pas tant que ça. Deux romans à l'eau de rose, donc, mais un peu piquante, la rose. Tout ce que j'aime.

La délicatesse, David Foenkinos. Pareil, complètement passée à travers les gouttes de la foenkinosmania. Et puis ma copine Sarah m'a convaincue, me promettant que j'aimerais. Et ce fut le cas. Rarement titre a tant correspondu au propos. Cette histoire d'amour qui survient après un deuil dont l'héroine pense qu'elle ne se remettra jamais m'a émue. Markus, suédois de son état, anti-héros comme on peut en voir dans les comédies anglaises ou les romans de Jaenada, distille subtilement sa délicatesse et de page en page, on en tombe nous aussi amoureuse. Dans la foulée, j'ai aussi lu "Nos séparations". J'aurais peut-être dû faire une pause, je l'ai apprécié également mais il m'a semblé finalement que ces deux romans se ressemblaient beaucoup. J'attends d'en lire un troisième pour voir si cette impression persiste ou si l'auteur parvient à se renouveler malgré tout. Il n'en reste pas moins que "Nos séparations" vaut aussi le coup, hein !

Les neuf dragons, de Michael Connelly. Bon, Connelly, comme Lehane ou Vargas, fait partie de ces auteurs dont j'achète systématiquement la dernière livraison. Si j'avais été plutôt très agréablement surprise par le précédent (alors que celui d'avant ou d'encore avant était plus que médiocre), celui-ci est plutôt dans la moyenne basse de sa production. Mais que voulez-vous Harry Bosch, je le kiffe, c'est comme Adamsberg, même en petite forme il m'emmène avec lui (il me fait des choses dans la culotte aussi). Et là, Harry est très en colère, parce que sa fille a été kidnapé par une triade chinoise à Hong-Kong. Harry en colère, whoo, encore plus de choses dans la culotte. Pas indispensable, à réserver aux entichées de Bosch…

En un monde parfait, de Laura Kasischke. Depuis que j'ai découvert cet auteur américaine, je lis tout d'elle. Et celui-ci est encore plus sombre que les précédents. D'habitude, elle entretient l'illusion un moment avant de vous faire basculer de la banlieue tranquille au drame sordide. Là, très vite, on sait qu'on ne va pas se marrer. Il est question d'une charmante hôtesse de l'air qui épouse le pilote le plus graou de la compagnie. Et qui très vite s'aperçoit que dans la corbeille de la mariée, il y a trois enfants d'un précédent mariage. Surtout, le prince charmant est forcément bien moins graou que prévu. Sans compter que sévit aux Etats-Unis un étrange virus qui tue tout ce qui bouge. Si vous avez aimé la Route et que vous vous délectez des atmosphère "fin du monde", foncez. C'est assez terrifiant mais l'écriture est ciselée, les personnages subtils et bien que flirtant avec le roman catastrophe, Laura Kashishe a cette capacité de nous y faire croire qui rend le roman terriblement réaliste.

Le diner, d'Herman Koch. Encore un roman allemand. Une histoire à la Festen, la tension qui monte entre deux frères qui sont à table avec leurs épouses pour une raison bien précise et qui évitent soigneusement d'aborder le sujet qui va nécessairement faire exploser cette soirée apparemment parfaite. D'autant que très vite les inimitiés entre les deux frères sont déterrées et qu'on sent que le "problème" dont ils doivent discuter est loin de pouvoir se régler facilement. Pas gai, mais bien ficelé.

La balade de Lila K, de Blandine Le Callet. J'avais apprécié "Une pièce montée" comme on aime une petite comédie romantique française, agréable sur le moment, ne laissant pas grand chose en bouche par la suite. Là, l'auteur est montée d'un cran. Qu'il s'agisse du style ou de l'intrigue. Là encore, tout se passe dans un futur assez lointain. Il y a quelque chose de "Bienvenue à Gattaca" dans cette histoire d'orpheline arrachée par la police de la bienséance à sa mère et qui se bat contre les règles d'une société aseptisée, dans laquelle il est mal vu de ne pas se masturber une fois par jour mais où les enfants ne doivent surtout pas venir au monde s'ils ne sont pas génétiquement parfaits. C'est une très belle histoire d'amour, une quête de la mère idéale et une critique à peine voilée des dérives sécuritaires de notre monde actuel. Un beau roman que le churros aussi a adoré.

La couleur des sentiments de Kathryn Stockett. Je l'ai déjà évoqué ici mais brièvement, j'en remets une couche, c'est selon moi le livre de plage idéal. Bien écrit mais se lisant aussi facilement qu'on sirote un mojito après une chaude journée. Il y a un peu d'Autant en emporte le vent dans cette histoire de nannys noires qui décident avec une jeune Blanche de raconter la façon dont elles sont traitées par les mères des enfants qu'elles élèvent. L'histoire se passe juste avant que Martin Luther King fasse son rêve. Difficile de ne pas pleurer à la lecture de certains passages, difficile de ne pas avoir honte en tant que blanche, de ce qui fut infligé à ces femmes pendant des décennies. Mais on rit aussi, beaucoup, parce que les nannys ne sont pas des oies blanches – hin hin hin – non plus. Voilà, je ne crie pas au chef d'oeuvre, c'est assez romancé malgré tout, mais j'ai passé un moment merveilleux avec Minnie, Abeilein et Skeeter.

L'absence de l'ogre de Dominique Sylvain. J'ai déjà parlé des polars de cet auteur, publiée dans la même maison que Fred Vargas. Je crois, au risque de faire bondir les afficionados de la Vargas, que je préfère le style de Dominique Sylvain, qui bien que jouant avec les mêmes codes que sa collègue (histoires truculentes et parisiennes, personnages atypiques et hauts en couleur, intrigues poétiques et littéraires, histoires d'amour bancales, etc), n'a pas fini par tomber, comme je l'ai ressenti avec Vargas, dans une caricature d'elle même. Celui-ci est particulièrement bon je trouve, il met en scène Lola Jost, vieille commissaire obèse à la retraite et Ingrid, masseuse et stripteaseuse américaine, détective à ses heures perdues. Elles partent à la recherche de l'étrangleur de Montsouris, qui ne serait, d'après la police, autre que Brad Arcenaux, un jardinier américain à la stature d'ogre. Mais Ingrid ne peut pas y croire, elle qui a connu Brad dans une autre vie et qui pourrait le jurer la tête sur le billot: c'est le plus tendre des hommes…

 Voilà mes conseils pour cette année. Evidemment, ne vous gênez pas non plus pour lire tous les Jay Mc Inerney, les Michel Tremblay, les Nancy Huston, les Siri Hutsveldt, les Philippe Jaenada ou encore les Emmanuel Carrère. Et n'hésitez pas non plus à aller fureter dans les billets bouquins précédents, je ne renie aucun de ceux que j'ai pu vous conseiller…

Et aussi:

Ma sélection 2010

Ma sélection 2008

Ma sélection 2007

(Non en 2009 je ne branlais pas le boeuf, juste j'ai fait plusieurs chroniques bouquins durant tout l'été au lieu d'en faire une seule).

Ah et bien évidemment, ce billet, comme chaque année, est destiné à vous permettre à vous aussi de partager vos coups de coeur et à m'avertir des incontournables !

Edit: Certains de ces bouquins m'ont été donnés sous le manteau par ma dealeuse de bouquins, C. Je l'en remercie et trépigne à l'idée de commencer ceux gracieusement offerts hier !

Quatre romans américains pour la pentecôte

DSC_0029.jpg_effected
Je lis de manière compulsive, avec parfois de longues pauses. J'ai remarqué d'ailleurs qu'en période de forte préoccupation ou d'angoisse, je suis absolument incapable de me plonger dans un bouquin. Ces dernières semaines en revanche, j'ai bouffé des lignes. Il faut dire que le sommeil tardait à venir et qu'à la faveur de quelques trajets en train pour raisons diverses, j'ai eu le temps.

Comme un des seuls week-end de trois jours de cette année clairement patronale se profile, voici quatre pistes au cas où vous souhaiteriez faire une petite provision.

Un été sans les hommes, de Siri hustvedt. Je l'ai évoqué hier, mais je ne peux m'empêcher d'y revenir, tant ce livre m'a emmenée loin. Je l'ai refermé avec l'impression d'avoir hérité d'un petit supplément d'âme, ce qui est rare, je crois. "Tout ce que j'aimais" reste un souvenir merveilleux, lu à NY en plus ce qui lui avait donné encore plus de saveur. "Un été sans les hommes", je l'ai donc dévoré à Barcelone. C'est drôle d'ailleurs comme le titre est trompeur. Pas d'homme cet été là pour Mia, qui à 50 ans vient d'apprendre que son mari souhaite faire une pause. Pas d'homme mais il est partout, tant la séparation lui est douloureuse, au point de l'avoir rendue folle jusqu'à l'internement. Partie se resourcer auprès de sa mère vieillissante, elle se retrouve à donner des cours de poésie à sept adolescentes, sept cocottes minutes blindées d'hormones. Elle se lie aussi avec les amies de sa mère, les "cygnes" comme elle les surnomme. Ce roman parle de filiation, d'amour, d'infidélité, de sororité. Il est d'une érudition incroyable mais jamais prétentieux. A lire, absolument, vraiment, je vous en conjure.

Moonlight Mile, de Dennis Lehane. J'ai déjà parlé ici de mon amour pour cet auteur de polars sombres et engagés. J'étais excitée comme une pucelle de retrouver ses héros récurrents, Angie Genaro et Pat Kenzie. Je n'ai pas été déçue, Pat est toujours aussi nonchalant, angoissé, intègre et drôle. Et Angie, toujours une sacrée fucking bonne femme. En revanche, ça me fait mal de le dire mais l'intrigue est moyenne et cet opus n'est pas à la hauteur des précédents. Ce qui n'en fait pas un mauvais livre, même pas en forme Lehane fait de la qualité. Et puis il y a ce regard social sur une Amérique pourrie jusqu'à la moelle, cet esprit de "gauche", qui reste. Bref, à lire, mais peut attendre la parution poche.

Mary Ann en automne, d'Armisted Maupin. Idem, je n'ai jamais caché mon attachement aux Chroniques de San Fransisco. Je les ai dévorés sur mon canapé au printemps 2000, alors que je fabriquais mes twins et que mes seuls déplacements autorisés étaient ceux me conduisant du salon aux toilettes (et pas plus de trois fois par jour si possible). J'ai tellement aimé ces personnages, cette peinture de la ville des années 70 à aujourd'hui, que je n'avais pu résister à l'achat du tome 7, "Michael Tolliver est vivant". Grosse déception alors. Mais j'ai récidivé avec cet opus, "Mary Ann en automne". Et franchement, il est meilleur. Pas du niveau des premiers, non, mais avec malgré tout une véritable intrigue et surtout, un portrait de femme magnifique, une mélancolie qui prend aux tripes. Michael et Mary-Ann ont vieilli mais leur amitié est intacte. Frisco est toujours aussi merveilleuse et rassurante. Un jour, j'espère, je m'y rendrai. Avec le risque que la réalité n'arrive pas à la cheville de mon fantasme…

– Féroces, de Robert Goolrick: Alors là, c'est du lourd aussi. Un style impeccable, au couteau. Un héros bousillé, qui règle ses comptes avec ceux qui l'ont détruit, il y a longtemps de cela. On pressent tout le long que les révélations seront insupportables et on n'est pas démenti. Mais en même temps, les mots sur l'enfance sont doux, les personnages, jamais caricaturaux sont certes féroces mais si humains qu'on se surprend à leur pardonner leurs terribles offenses. Il y a du Mad Men dans ses souvenirs, du Jay Mc Inerney dans la façon de décrire certaines scènes new-yorkaises. Livre sombre, donc, mais essentiel et prometteur s'agissant de cet écrivain que je ne connaissais pas.

Edit: J'avais il y a longtemps donné une liste de livres pour l'été, je m'aperçois qu'elle est assez cohérente avec celle-ci

Le diable danse à Bleeding Heart Square (avec du mariage princier inside)

IMG_2385
En l'honneur d'un petit couple de jeunes gens très simples ayant décidé de s'unir dans la plus grande discretion à Londres aujourd'hui, un conseil lecture très… british.

Je l'ai assez écrit ici, il y a des bouquins sur lesquels je me rue comme Posh sur des Louboutins. Au premier rang de mes tocades: tout ce qui se passe à New-York et qui si possible implique une bande de socialites cyniques et dépravés mais cherchant malgré tout l'amour. Tout roman se déroulant dans une grande université américaine et mettant en scène des professeurs dépressifs peut également attirer mon regard. Juste après viennent les polars anglais, époque victorienne appréciée mais du moment où il est question des bas-fonds de Londres versus quartiers huppés, je prends aussi.

C'est le cas de ce délicieux policier d'Andrew Taylor, "Le Diable danse à Bleeding Heart Square". Il y est question d'une vieille fille un peu crédule qui se serait peut-être fait zigouiller par un sale type très louche l'ayant séduite pour son argent, d'une jeune aristocrate fuyant son mari apprenti nazi aux penchants tabasseurs et d'un journaliste débutant revenu des Indes et se remettant difficilement d'une rupture de fiançailles. Tout se passe à Bleeding Heart Square, dans un immeuble où se croisent des locataires qui à priori n'ont rien à voir les uns avec les autres mais qui bien sûr vont se découvrir moultes intérêts communs.

Je ne vous en dis pas plus, pas question de vous dévoiler la fin, même si très honnêtement, bien que parfaitement ficelée, l'intrigue n'est finalement pas ce qui compte le plus. Ce qui est passionnant, c'est l'atmosphère très particulière de l'avant seconde guerre mondiale avec la montée du parti fasciste anglais, la peur panique des anciens combattants de 14 – 18 que "ça" recommence, le début de l'émancipation des femmes, aussi. Surtout, d'ailleurs. L'héroïne s'émancipe au fil des pages et on a envie de la prendre par la main pour l'accompagner dans son cheminement.

Voilà, ce n'est pas du Dickens non plus, mais je l'ai dévoré sur ma chaise longue au soleil lors de mes vacances qui me semblent remonter à plus d'un siècle.

Bon mariage princier à ceux qui s'en soucient. Personnellement je m'en contrecarre, même si je n'exclue pas de jeter un oeil à la robe de Katie. Il faut dire que ça me rappelle l'union de Lady Di avec ce cornichon de Charles. J'étais, je m'en souviens, au châlet, justement. Et pour la première fois de notre vie, ma mère avait consenti à acheter Paris-Match pour qu'on puisse admirer les jeunes époux. Quel sentiment transgressif j'avais éprouvé en ouvrant les pages de ce que ma mère considérait – et considère encore – comme un achat honteux…

Edit: La photo date d'il y a un an et demi, c'était lors d'un mémorable week-end à Londres avec le churros, Zaz et son roi des Nachos (ouais on est assez branchés mexican food). Je donnerais cher pour me refaire un séjour london with friends. Sans gastro par contre si c'était possible…

Un long week-end

Photo(5)
Une mère et un fils qui vivent seuls sur la côte est des Etats-Unis, reclus depuis que le père est parti fonder une autre famille, avec une femme plus stable, moins inadaptée. Un long week-end du Labor day qui s'annonce sous une chaleur étouffante. Et puis l'apparition d'un repris de justice qui vient de s'échapper, vient chambouler ce huis-clos.

Franck, condamné pour un double meurtre, prend en otage Adèle et Henry chez eux. Mais contre toute attente, il est celui qui vient libérer ce drôle de couple de leur enfermement. Franck aime Adèle, Adèle reprend vie sous les attentions de Franck. Et pendant ce temps, Henri, 13 ans ne pense qu'à ça.

A ça ?

Au sexe. Celui auquel Adèle et Franck succombent dès la seconde nuit de cette fausse captivité. Le sexe des filles, surtout, qui semblent totalement inaccessibles à cet enfant pas comme les autres.

Il ne se passe presque rien durant ce long week-end et pourtant la tension est palpable. Tension érotique et sentimentale, imminence d'un dénouement dont on se doute qu'il ne peut pas être heureux. Tout est écrit avec une délicatesse et une subtilité qui décourageraient n'importe quel aspirant écrivain.

Ce petit livre est signé Joyce Maynard. Elle fut, alors qu'elle était à peine sortie de l'adolescence, la muse et presque la captive de JD Salinger. Certains ont voulu voir dans ce roman une métaphore de ce qu'elle vécut avec l'écrivain. Je ne sais pas si c'est la réalité, pour moi il s'agit surtout d'une allégorie de l'adolescence, de l'amour qui peut naitre quand on pense qu'il n'y a plus d'espoir. Une critique de la société américaine aussi, de l'individualisme des banlieues et du conformisme qui tue.

Voilà, je ne suis pas sûre de l'avoir bien vendu, mais j'ai vraiment adoré ce long week-end. Et comme on est à la veille de trois jours off, je me dis que c'est tout indiqué, non ?

Edit: La photo a été prise hier, à deux pas du panthéon. Je n'avais jamais vu cet immeuble qui abrite une cour luxuriante et dont l'une des fenêtres est prénommée "AMOUR". J'ai trouvé que ça collait bien à l'histoire…

 

« Osez l’amour des rondes »: le livre de trop

Cathy1
Je ne vais pas m'étendre sur le sujet pendant des heures d'autant que deux talentueuses nanas l'ont fait et très bien en plus. Mais je ne pouvais pas non plus me taire, parce que depuis que je sais que le livre existe, j'ai juste un peu envie de mordre.

Ça faisait longtemps, vous me direz.

Et j'ai un scoop, ce n'est même pas contre mes copines du Elle que j'en ai.

Non, mon grand cri est entièrement dirigé vers un petit bouquin qui d'ailleurs mériterait sans doute surtout qu'on n'en parle pas. Sauf qu'il est écrit par une des influentrices de la toile, régulièrement citée en exemple dans les articles success story du style "le blog a changé leur vie". Je veux parler de Marlène Schiappa, qui a créé le site "Maman travaille".

Et qui accessoirement, donc, écrit. Des livres jetables comme je les appelle – et j'en connais un rayon, je rappelle que je suis l'auteur de "90 façons de baiser en cachette", n'y voyez donc pas de mépris de ma part. Du moins pas à ce stade.

Marlène Schiappa écrit, donc, et a commis récemment un… je ne sais pas comment qualifier cet objet à vrai dire. Va pour un essai.

Pas transformé, l'essai, en l'occurence. Hin hin hin.

Le titre: "Osez l'amour des rondes".

Je ne vais pas vous mentir, je ne l'ai pas lu entièrement, hors de question de claquer 8 euros pour ça. Mais je l'ai feuilleté en librairie et j'ai surtout consciencieusement lu le billet de Dariamarx qui le décortique de manière totalement jouissive.

Personnellement, je pense que la Licra ou que sais-je pourrait se saisir du sujet. Non parce que ce qui se veut au départ une sorte de plaidoyer pro-rondes sur le mode "c'est pas parce qu'on est grosse qu'on a pas le droit de baiser" (déconne !), est tout simplement une sorte de brûlot – sans aucun style – insultant et discriminant. Où l'on apprend que quand on est grosse, on "sent" et qu'on doit donc se laver. Les dents, aussi, d'ailleurs. Que par ailleurs, le mieux, c'est de proposer à son partenaire la levrette, parce que c'est un bon moyen de montrer ce qu'on a de mieux, à savoir son cul. Et de cacher par la même occasion son bide.

Des petits trucs comme ça, elle en a plein, Marlène Schiappa. Je vous fais grâce des poncifs à la con sur la sensualité des rondes évidemment plus exacerbée que celle des tas d'os (elles apprécieront) et je passe assez rapidement sur les conseils de bienséance distillés ça et là : "ne demandez pas un dessert si personne n'en prend", "mangez une sucette plutôt qu'un sandwich", "dansez seulement si vous avez pris des cours"…

Je m'arrête en revanche deux secondes sur le fait qu'à priori, les grosses sont de bonnes suceuses (rapport probablement à leur gourmandise invétérée) et le meilleur, ce qui je crois m'aurait fait rire si ça ne me faisait pas en réalité chialer: l'épilation, qui, si elle a la forme du ticket de metro donne l'impression que tu es plus mince. Mais attention, point trop n'en faut mesdames les girondes. Non parce que si vous le faites trop étroit, votre brésilien, c'est loupé. Voire votre gars, il va être dégouté en voyant votre grosse chatte bien grasse.

Bref, encore une fois, je ne l'ai pas lu scrupuleusement mais assez pour me faire une opinion.

Et plutôt que de continuer plus avant dans ma critique pas très élogieuse on en conviendra, je propose un prochain titre à la Musardine pour sa petite collection "Osez" :

"Osez l'amour des connes".

Non parce que je ne sais pas moi, mais à mon avis, y'a matière.

Edit: L'image, c'est une proposition de Bannière que m'avait faite Cathy, l'auteur de "mon gras et moi". J'avais finalement préféré une bannière "photo" que dessinée, mais j'adore ce dessin et j'aime l'insolence qui se dégage de cette nana qui semble penser "Je vous emmerde". ça me parait assez approprié.

Edit2: Ce billet, j'aurais pu l'écrire il y a deux ans avec les kilos que j'avais alors en plus. j'aurais aussi pu l'écrire même si je n'avais jamais eu ces kilos. Le débat n'est pas là, j'espère que vous le comprendrez. Pour moi, ce livre est aussi ignoble dans son principe que s'il avait été titré "Osez l'amour des noires", "des naines" ou "des rousses". A priori, quand on aime, on aime une personne, pas une caractéristique qui la définit. Ou alors c'est qu'on est fétichiste. Et ça n'est pas de l'amour.

 

Le chemin qui menait vers les livres

DSC_0178
William Réjault a écrit un livre. "Ce chemin qui venait vers vous". Ce n'est pas le premier, mais je crois que c'est celui qui lui tient le plus à coeur. Il me contredira s'il veut.

Je ne l'ai pas encore lu.

Pour la bonne raison qu'alléché par le titre, le churros s'en est emparé. Au début, j'ai fait mon mauvais esprit sur le mode "ok, d'ici que tu l'aies fini, il sera sorti en poche" (le churros lit trèèèès lentement).

Et puis en fait, non, il l'a boulotté.

Du coup, je lui ai demandé de m'en faire un billet. Parce que quelque part, étant donné que Will et moi on se fréquente (pas bibliquement, on vient de Vénus tous les deux, parait que du coup, ça ne peut pas marcher), c'est difficile de faire une critique de son oeuvre. Si j'aime, je vais être un peu soupçonnée de copinage. Si je n'aime pas, je ne vais pas avoir envie de le dire, j'ai trop de respect pour l'acte même consistant à suer sang et eau sur une histoire et je crois qu'en amitié toutes les vérités ne sont pas bonnes à dire. Le churros ne connaissant de Will que son penchant à me faire chanter du Abba en français devant Björn, il ne s'est pas embarrassé de mes scrupules. D'autant plus qu'il a aimé. Ce qui lui a facilité la tâche.

En plus je crois que ça lui manquait, de faire des interventions sur ce blog. Ça va aussi redorer son blason, rapport que paraitrait que dans un certain milieu parisien journaleux, il se murmure que la femme du churros tient un blog pornographique. Y'a des gens dont la vie doit être d'un triste tout de même…

Allez, place à la critique littéraire, je laisse la parole au churros…

Le chemin qui menait vers les livres…

La lecture de romans a toujours été fastidieuse pour moi. Est-ce parce que je n'ai jamais vu un livre sur la table de chevet de mes parents ? Est-ce parce que la littérature a longtemps été synonyme pour moi de corvée scolaire avant qu'elle ne devienne (sur le tard) un plaisir ? Est-ce parce que je lis lentement (ma blogueuse de femme est capable d'avaler un bouquin en deux jours là où il me faut… deux mois) ? Est-ce parce que je suis, à l'inverse, un grand consommateur de presse et que, comme tous les hommes, j'ai du mal à faire deux choses à la fois ? Je ne sais pas. Mais une chose est sûre, c'est que lorsque j'ai rencontré celle qui tient ce carnet de bord en ligne, j'ai été frappé par la place fondamentale qu'occupait la littérature dans sa vie.

Ce besoin journalier de s'isoler pour se plonger dans un livre. Cette capacité à s'évader par les mots. De la littérature japonaise aux polars américains, de la « chick-lit » la plus superficielle aux romans les plus sombres. Bref, une vraie lectrice. Ce plaisir solitaire, totalement assumé et même revendiqué de la part de mon amoureuse, m'a d'abord fasciné, très vite séduit, pour ensuite m'énerver (des kilos de bouquins dans les valises des vacances), voire m'a rendu jaloux. Jusqu'au jour où j'y ai vu un avantage : mieux que « Le masque & la plume », plus efficace que les rayons de la Fnac, j'avais à disposition mon « book coach », ma propre conseillère en littérature, capable de me sélectionner le livre qu'il me fallait au moment adéquat.

C'est ainsi que votre chère Caroline de Pensées de ronde m'a mis entre les mains « Le chemin qui menait vers vous ». Certes, le fait qu'il soit coécrit par William Réjault m'a quelque peu irrité sur le moment (pour mémoire c'est le Will qui l'a emmenée – sans moi – à Stockholm rencontrer une légende vivante). Et puis, je l'ai ouvert. Pour le refermer trois jours après (ce qui constitue un record, dans mon cas). Ce qui m'a plu ? En premier lieu que les auteurs avouent dès le départ que l'intrigue de ce roman futuriste d'une société dépourvue d'énergies leur soit venue à la lecture d'un livre (en l'occurrence « La fin du pétrole », de James Howard Kunstler). Ensuite, qu'ils se soient attachés, avec des mots très simples, au travers d'exemples presque banals, à montrer comment l'être humain est capable de s'adapter à toutes les situations… mais jamais tout à fait (à l'exemple de Laure, la compagne du héros qui, alors qu'Internet n'existe plus, continue tous les jours à écrire des billets, dans un carnet qu'elle s'obstine à appeler « blog »). J'ai un peu moins accroché à la deuxième partie sur le périple du héros et de ses compagnons à travers la France. J'ai adoré la fin qui, elle, résonne d'autant plus juste au regard de la période que nous vivons…

Mais chut, je ne vous en dis pas plus. Je vous laisse, ma femme m'a prêté un livre…

Le fils, de Michel Rostain

Rostain

Bon autant vous dire qu'après celui-ci, je fais une pause au niveau des bouquins qui racontent le deuil d'un enfant. Ce n'est pas que je n'aime pas, ne nous méprenons pas, mais on ne sort pas indemne de ces récits.

Je ne l'aurais pas acheté, je crois.

Il s'est trouvé que par un hasard comme la vie aime à en offrir parfois, j'ai croisé l'auteur brièvement il y a quelques jours. J'avais rendez-vous avec son éditeur et il en sortait.

On ne s'excite pas, cette entrevue ne signifie rien pour l'instant, une porte qui s'entrouvre à peine, on va dire que j'y ai mis le bout de ma chaussure pour qu'elle ne se referme pas mais on est loin du compte.

Mais le sujet n'est pas là.

J'ai croisé Michel Rostain, donc, et il y a fort à parier que si vous le lui disiez – qu'on s'est vus – il ne saurait pas de quoi ou qui vous lui parlez. Moi oui, évidemment, c'est à cela d'ailleurs qu'on voit que lui a plus que le pied dans le chambranle de la porte. Je l'ai remarqué, lui, sûrement pas. Je ne l'ai pas vraiment reconnu et pour cause, ce n'est pas une célébrité, je crois que c'est son premier livre. Mais il est de ces hommes dont l'extrème douceur laisse comme une empreinte dans la pièce qu'ils quittent. Il a un physique d'alpiniste, j'ai pensé. Ensuite, j'ai vu la pile de bouquins sur le bureau de l'éditeur, dont un était retourné, et il y avait sa photo. A ce moment là, précisément, on peut dire que je l'ai reconnu.

C'est donc lui qui a écrit "Le fils". Dont j'avais lu une critique élogieuse je ne sais plus où.

A la fin de mon très bref entretien, l'éditeur m'en a tendu un exemplaire: "vous vous êtes croisés à l'instant (j'ai pas dit que je savais, je ne voulais pas couper son effet) lisez-le, c'est de l'autofiction, un genre qui apparemment vous parle" (oui bon ben je lui avais comme qui dirait vendu ma soupe).

Je l'ai glissé dans mon sac et lundi, en revenant de Lyon, me faisant la réflexion que mon Mulberry-darling était bien lourd, je me suis rappelé qu'il était lesté du Fils.

Alors je me suis plongée dedans et le temps d'un Perrache – Gare de Lyon, j'avais la confirmation que cet homme était en effet une belle personne ET un écrivain.

Le temps aussi de verser toutes les larmes de mon corps (elles ne sont pas chères en ce moment, je confesse avoir pleuré comme une collégienne devant un téléfilm avec Lorie – oui – il y a trois jours ET en écoutant à la radio dans la voiture de mon père la descente de Jean-Baptiste Grange).

Michel Rostain avait un fils, donc, mort il y a six ans d'une méningite foudroyante à l'âge de 21 ans. Il raconte cette histoire, mais en se mettant à la place de Lion, le fils. Lion, donc, parle de la façon dont son père découvre que désormais, il pleurera tous les jours ou presque, plusieurs fois. Lion se moque de son père et l'admoneste gentiment quand ce dernier fouille dans la mémoire de son téléphone pour y lire les SMS qu'il envoyait à son amoureuse. Comme si ces quelques mots pouvaient l'aider à supporter l'insupportable. Lion décrit son enterrement épique, organisé par ses parents metteurs en scène tous deux. Lion fait le récit rocambolesque de la dispersion de ses cendres en Islande, dans le cratère de ce volcan au nom imprononçable qui, cinq ans après, paralysera le traffic aérien du monde entier, pour la plus grande joie de ses parents, convaincus que c'est un peu de lui qui jaillit dans le ciel.

Il y a des passages abominables, des descriptions à la limite de l'insoutenable du corps de Lion criblé de taches noires (la méningite fait exploser les vaisseaux sanguins). Et il y a des moments de grace, ou l'on rit avec Lion des délires de son père, de son extravagance dans le deuil. Je vous invite à le lire parce qu'au même titre que l'ouvrage d'Anne-Marie Revol, l'auteur fait passer un message essentiel: on peut vivre avec ça. Même si "ça" est affreux.

Aimez la vie, la vie est monstrueuse, dit Anne-Marie Revol. "Vive la vie", hurle Michel Rostain en sortant de la morgue.

Bonne journée.

Nos étoiles ont filé, d’Anne-Marie Revol

  Book_cover_nos_etoiles_ont_file_96077_250_400 Il y a deux ans, Anne-Marie Revol, journaliste à France 2, a perdu ses deux petites filles, Paloma et Pénélope, 2 et 3 ans, dans un incendie. Elle et son mari revenaient de Grèce où ils avaient passé une semaine en amoureux pendant que les parents d'Anne-Marie gardaient les filles.

Parce qu'elle ne pouvait se résoudre à cette mort inadmissible, Anne-Marie Revol s'est mise à écrire tous les jours des lettres à ses deux enfants. Pour leur dire l'horreur, les larmes qui ne se tarissent pas, l'absurdité des magazines Abricot qui arrivent dans la boîte aux lettres alors qu'il n'y a plus de petites filles pour les lire. De ces dizaines de lettres, un livre est né, "Nos étoiles ont filé".

Je ne saurais expliquer ce qui a pu me pousser à l'acheter, encore moins à le lire. La critique lue dans Psychologie Mag m'avait donné envie, elle parlait d'un message d'espoir, de résilience, enfin je crois. J'imagine aussi qu'il y a comme un besoin de se faire mal, de tutoyer l'horreur pour ensuite se rassurer immédiatement en passant ma main dans les cheveux de mes trois enfants si vivants. Il y a la curiosité, peut-être un peu malsaine: comment se relève-t-on après "ça" ?

Je ne sais pas vraiment, donc, pourquoi j'ai ouvert ce livre. Je sais en revanche pourquoi je l'ai aimé. Malgré les larmes qui n'ont cessé de couler à chaque page ou presque, m'empêchant de le lire dans le métro. Le style est sans fioriture, l'auteur ne cherche pas à plaire ou à recevoir les louanges du masque et la plume. Mais il n'y a jamais un mot de trop, d'apitoiement ou de complaisance dans la description de cette souffrance infinie. Ligne après ligne, par petites touches, sans s'épargner et sans ménager le lecteur, elle met des mots d'une précision infinie sur le deuil. Sur la colère, la culpabilité, la rage. Mais aussi les rires qui reviennent, les instants de bonheur, fugaces mais réels, qui réapparaissent sans crier gare.

"Nos étoiles ont filé", c'est aussi un roman d'amour incroyable, Anne-Marie et Luc avançant l'un contre l'autre, l'un relevant l'une quand elle trébuche, l'une acceptant les silences et les envies de solitude de l'un quand la douleur est si vive qu'elle occupe tout l'espace.

Je crois qu'Anne-Marie Revol a écrit ce livre pour "faire son deuil", mais surtout, enfin c'est ce que j'imagine, pour que Pénélope et Paloma existent encore. Pour qu'à force de lire ces prénoms, les lecteurs ne les oublient jamais. Je ne crois pas en Dieu, au Paradis ou à l'Au-delà mais en revanche à la vie éternelle, oui. Elle porte simplement pour moi un autre nom: le souvenir.

Alors voilà, je n'ai pas connu Pénélope et Paloma, mais d'une certaine façon, je me souviens d'elles et j'aime à croire que ça les fait vivre un peu.

Je ne saurais que vous conseiller cette lecture, âmes sensibles ne pas s'abstenir, surtout pas…