La semaine dernière, j’avais un rendez-vous professionnel proche de la Défense. Difficile de dire si cela débouchera sur quelque chose ou non, mais quand j’ai vu, non loin de là, la grande Arche sous laquelle (oui, sous, vraiment DESSOUS) j’ai travaillé durant huit ans comme documentalo-journaliste, j’ai mesuré le chemin parcouru depuis que je suis arrivée à Paris. Je n’aurais jamais cru alors qu’un jour je me rendrais dans une maison de production discuter de projets scénaristiques. Je crois que je ne me serais même pas autorisée à y croire, ni même à l’espérer. Sans compter qu’à l’époque, ce boulot qui consistait pour une grande part à faire des photocopies et à numériser des documents officiels de la Commission européenne m’apparaissait comme le graal. J’avais si peur, à cet âge là. Si peur de ne pas y arriver, de ne pas savoir être adulte, de ne pas trouver l’amour. Dans le RER qui me menait à la Défense, il n’était pas rare que je me tétanise, étouffée d’angoisse, convaincue de vivre mes dernières secondes d’existence. J’éclusais les médecins de garde, je me diagnostiquais des tumeurs diverses et variées. Je bossais pour bosser, avoir un travail était une fin en soi, seul rempart alors, je pense, contre une dépression latente. Lorsque je me souviens de cette jeune femme que j’étais, je la vois comme entre parenthèse, « in progress ». Je crois que j’aimerais pouvoir lui dire que ça ira, qu’il y aura des moments compliqués, mais qu’elle sera surprise et que cette audace dont elle pense être démunie existe quelque part au fond d’elle.
Je serais malgré tout obligée d’être sincère avec elle. Vingt ans plus tard, elle aurait encore parfois ce poids au creux du ventre, elle suffoquerait entre deux stations, étourdie par la force de sa peur. Elle aurait encore aussi cette crainte de ne pas y arriver et la gorge serrée avant d’entrer dans l’immeuble de cette grande avenue parisienne, non loin de la Défense.
Tout change et rien ne change, en somme. En lire plus »