Depuis mercredi je suis donc à Lyon. J’ai embarqué Rose dans mes valises, cette semaine étant comme qui dirait minée à l’école, avec grèves reconduites au dernier moment, qui par les animateurs qui par les enseignants. Ne comptez pas sur moi pour m’exprimer sur le sujet, pas tellement envie que les commentaires deviennent des tranchées où les pour et les contres cette réforme s’affrontent, d’autant que j’ai personnellement beaucoup de mal à me positionner, Rose n’étant en tous cas nullement traumatisée par son nouvel emploi du temps et nous non plus, mais ce n’est que notre cas particulier.
Je suis à Lyon, donc, et j’ai l’impression d’avoir à nouveau 16 ans. Mon père me trimballe matin et soir, étant comme vous le savez sans doute à force, une handicapée du volant – je n’en ai pas touché depuis près de dix ans. Quand je rentre le soir à la maison, seule la présence de Rose me rappelle que les années ont passé depuis le lycée. Hier soir, j’ai diné chez mes plus vieux amis Paul et Béa, ma presque soeur, copine de primaire, complice de toutes mes premières fois, l’inverse étant également vrai. Nous ne nous étions pas vues depuis presque trois ans je crois mais comme à chaque fois, on a repris la conversation là où on l’avait laissée ou presque. Leurs enfants ont grandi eux aussi, quasiment alignés sur les miens. Leur nouvelle maison est la plus belle je crois jamais vue, à leur image. On a bu du prosecco avec un peu d’Aperol, et soudain nous étions à Venise, un Spritz à la main. On s’est dit qu’on était idiots de laisser passer tout ce temps, on s’est dit qu’il faudrait partir ensemble en Grèce à Kiffos chez notre amie commune – si tu nous lis, M. – on s’est dit qu’on avait changé mais finalement pas tant que ça. On s’est rappelé nos soirées alcoolisées, les « tas » que nous finissions toujours par faire, ce besoin de contacts charnels dont notre bande alors si soudée avait tant besoin. On s’est dit que c’était étrange, que nos enfants ne semblaient pas si demandeurs, eux, de ces mélanges pas toujours très catholiques, on s’est demandé si ça n’était pas parce qu’aujourd’hui ils se font virtuellement, que l’on peut faire une fête depuis son lit en s’envoyant des snapschats et des MP sur Facebook. On ne s’est pas dit qu’avant c’était mieux, peut-être un peu plus roots.
Je n’aurais jamais pensé ce jour d’entrée en CM1, quand cette petite brune bouclée, mon exact contraire, mince comme un fil, peau mate et yeux d’ébène, était venue m’aborder, m’assurant m’avoir croisé quelques semaines auparavant dans les montagnes, que nous ne perdrions plus jamais le contact. Je n’aurais jamais imaginé que trente ans plus tard nous continuerions à nous appeler deux fois par an, le 24 octobre et le 20 mars, pour célébrer les années qui passent. Je suis riche aussi de ça, me suis-je dit hier soir. Je suis riche aussi de mes parents, toujours si prompts à rendre tout plus facile. Il est bon parfois de s’en rappeler. Voilà, sinon, un tout petit « J’aime », emploi du temps surchargé oblige… En lire plus »