Catégorie : La ronde et l’homme

Larmes de ronde

La ronde voudrait parfois être une toute petite chose…

 

Elle envie depuis toujours ses copines – pour la plupart belles et minces – qui, lorsqu'elles pleurent, attirent les garçons comme des abeilles sur un pot de miel. Une fille qui pleure est si "touchante", confient-ils, se transformant en guimauves ridicules.

 

La ronde, quand elle pleure, a le sentiment pour sa part d'être juste pathétique. Contrairement à ses copines, ses yeux ne se contentent pas de se remplir de larmes, ils gonflent instantanément et deviennent aussi rouges que ceux des lapins albinos. D'étranges plaques roses et urticantes apparaissent ensuite ça et là sur son visage. Ne parlons pas de son nez qui bien sûr se met à couler abondamment. Les reniflements bruyants ainsi provoqués finissent d'anéantir l'aspect soit-disant romantique d'un chagrin de fille.

 

Les rares fois où la ronde s'est effondrée, ses amis garçons se sont donc en général contentés d'une grande claque dans le dos – la même qu'ils auraient probablement réservée à leur meilleur ami – ou pire, de lui tendre un verre d'alcool, sur le mode "bois un coup ça va passer tout ça". Passons sur les "pleure tu pisseras moins" censés la consoler. Rien à voir donc avec les cajoleries exaspérantes dont bénéficient les belles désespérées dès leur premier sanglot.

 

Condamnée à avoir le sens de l'humour – une grosse qui en est dépourvue est tout bonnement infréquentable – la ronde a donc pris le parti d'en rire un peu plus que les autres, les dents serrées parfois.

Des lettres d’amour

Le parcours amoureux désastreux des jeunes années de la ronde est jonché de lettres d'amour, envoyées comme des bouteilles à la mer aux garçons secrètement convoités.

 

Ces missives n'eurent évidemment jamais l'effet escompté… Outre le fait que la ronde les rédigeait dans un style maladroit et pathétique, elle s'arrangeait de surcroit pour les envoyer juste avant que l'élu de son coeur ne s'absente pour de longues semaines. On ne sait jamais, imaginez qu'il ait eu envie de répondre favorablement à sa requête ?

 

Au cours de cette période, la ronde a donc essuyé pas mal de refus. A la décharge des destinataires de ses déclarations écrites, l'absence de spontanéité de sa démarche avait de quoi freiner un quelconque et très éventuel enthousiasme.

 

Surtout, les pauvres hommes n'avaient rien vu venir. Oui, bien sûr, la disponibilité sans limite de leur chère amie leur avait parfois semblé un peu too much. Bien sûr, ils l'avaient sentie à fleur de peau ces derniers jours. Mais elle avait une telle capacité à masquer ses sentiments que vraiment, non, vraiment, ils étaient loin de se douter qu'elle fût capable de tels emportements amoureux…

 

Ne sachant pas bien comment s'y prendre, les garçons repoussaient donc les avances de la ronde, toujours gentîment, parfois maladroitement "ça n'a rien à voir avec ton physique tu sais…". Et pensaient qu'après cette petite mise au point, leur relation d'antan pouvait repartir de plus belle. Mais la ronde, elle, ne l'entendait pas de cette oreille. Blessée, désespérée, elle se sentait flouée. Elle leur avait tant donné… Et puis honnêtement, comment pouvaient-ils croire que toute l'affection qu'elle leur portait était à ce point désintéressée ?

 

En prenant un peu d'âge, la ronde dût toutefois se rendre à l'évidence… Si dans ces histoires amicales ambigües l'un des protagonistes avait trompé l'autre, c'était bien elle. Elle aurait en outre été bien incapable de mener à bien une quelconque relation physique avec ces garçons. Il eut fallu pour cela s'exposer un peu plus que dans une lettre d'amour vouée à l'échec…

Une ronde qui drague..

Pour repérer une ronde qui drague, il vous suffit de chercher celle qui regarde ses chaussures, planquée dans un coin.

 

Oui, la ronde a une technique d'approche très particulière. Disons, pour être indulgente, qu'elle en a deux. La première consiste donc à se faire la plus petite possible et à ignorer ostensiblement l'élu de son coeur. Mais attention, elle ne fait pas cela dans un esprit conquérant, genre "plus je vais l'ignorer, plus je vais l'intriguer". Non, le risque pour une ronde serait plutôt que le garçon la regarde… Elle ne conçoit en effet pas du tout pouvoir séduire qui que ce soit. Si le garçon convoité se met à la mater, sûr que ce sera pour se moquer, pense-t-elle.

 

La ronde a donc passé de longues soirées à rêver qu'un prince pas comme les autres l'inviterait à danser, tout en frémissant d'horreur à l'idée que cela puisse arriver.

 

La deuxième façon de draguer de la ronde est totalement différente mais tout aussi inefficace. Elle devient amie avec l'être secrètement aimé. Il n'y a pas de meilleure amie pour un garçon qu'une ronde amoureuse de lui. Compréhensive comme aucune autre, elle s'intéresse au moindre de ses faits et gestes tout en prenant garde de n'être jamais envahissante. Elle l'accompagne dans ses pires virées alcoolisées, ne recule devant aucune plaisanterie paillarde. C'est simple, elle devient le pote dont l'homme a toujours rêvé, avec ce petit truc en plus de féminité, bien pratique lorsque le garçon en question a besoin d'une épaule pour pleurer. Parce que ce qu'elle fait de mieux, la ronde amoureuse, c'est consoler son protégé après qu'une autre qu'elle, la folle, l'ait jeté. Oui, la ronde amoureuse est mieux qu'une amie, elle est la mère, la soeur, la femme sans les mauvais côtés. Elle ne se vexe pas, est toujours là. On peut même à l'occasion poser sa tête sur son sein généreux.

 

Ce que l'homme convoité ne semble pas voir durant cette lune de miel platonique, c'est que sous ce sein généreux un coeur palpite… Bientôt, la ronde n'y tiendra plus, il lui faudra lui avouer, que tout cela, et bien non, ce n'était pas vraiment de l'amitié.

 

Mais c'est une autre histoire…

Un été en Italie

Cet été là, l'homme l'emmena en Italie. Elle se souvient d'avoir traversé affamée ce pays de cocagne interdit. Elle sent encore les effluves savoureux des pizze, des tomates confites, du pesto et de l'origan grillé. Elle passa trois semaines à humer ces parfums sans céder une fois à la tentation, avec pour seule consolation, cette impression d'être plus légère jour après jour.

 

L'homme la regardait, impuissant, devenir l'ombre d'elle même.

Sur le dos

Longtemps, la ronde ne s'est montrée aux hommes qu'allongée sur le dos. Ses amants ne lui pas connu de profil. Elle est aussi passée maître, au fil des années, dans l'art de se vêtir et se dévêtir sous les draps, en quelques secondes. Il était inimaginable pour la ronde qu'un homme – ou une femme, d'ailleurs – puisse la contempler nue, tout simplement. Il n'était pas né non plus celui qui aurait le droit de toucher son ventre honni. Alors les amants se sont vite découragés, interprêtant ces bizarreries comme l'expression d'une pudeur exagérée, d'inhibitions définitives, ou même d'un manque total de désir.

Et puis un jour, un homme qui aimait le ventre des rondes est entré dans sa vie…

Lui et Moi, dialogue dans un magasin…

 

– j’ai grossi, hein ?
Non, je ne trouve pas
– Tu ne trouves pas que j’ai grossi ?
Non, je t’assure, tu es très bien.
– ce pantalon, il ne me grossit pas un peu ?
Non, il te va très bien.
– Cette couleur, ça me grossit, je trouve. Je devrais m’habiller tout le temps en noir. Le noir, ça mincit.
non, le rose te va bien, vraiment.
– Je ne sais pas pourquoi je suis entrée dans ce magasin, rien ne me va, de toutes façons, je suis énorme.
Mais non, regarde, ce petit haut, je suis sûr qu’il te va.
– Putain, tu comprends rien ou quoi ? je n’ai pas besoin d’un tee-shirt, j’en ai des dizaines. C’est un pantalon que je veux.
– Ne t’énerves pas, moi je disais ça pour t’aider.
– je ne m’énerve pas. C’est juste que je suis affreuse. Obèse. Je ne sais pas comment tu fais pour rester avec moi.
Arrêtes.
– Tu trouves que j’ai grossi, hein ?
Non, je te dis.
– Menteur. J’ai besoin que tu me dises la vérité. Si tu ne dis rien uniquement pour ne pas me blesser, saches que ça me blesse encore plus. Alors. Dis-le.
Quoi !
– Que j’ai grossi.
– Peut-être un tout petit peu, mais à peine.
– Ah ! Tu vois ! Comme ça, au moins, c’est clair.
– ça y est
– ça y est quoi ? Je ne vais pas te dire que ça me fait plaisir tout de même. En plus, c’est peut-être pas le moment le plus approprié, là, dans ce magasin, pour me le dire. Je te remercie, j’avais le moral à zéro, on peut dire que là, je suis carrément désespérée