Un an – salle de réveil

Après une césarienne, tu vas en salle de réveil, le temps que tes jambes retrouvent un semblant de mobilité et que les effets de la péridurale de cheval qu'on t'a faite disparaissent. Tu y restes environ trois heures. Une éternité quand on ne rêve que d'une chose, prendre dans ses bras ce bébé qu'on a eu tout juste le temps d'embrasser dans le bloc opératoire froid et hostile. Trois heures pendant lesquelles tu essaies de te rappeler le plus précisément possible ses trait, le son de ses pleurs ou l'odeur animale de ses cheveux.

Dans l'espoir qu'on me laisse sortir plus vite de ce sas de décompression, je tentais désespérément de faire bouger mes orteils et mentait effrontément à chaque fois que l'infirmière venait me demander si enfin, je sentais mes pieds. Oui oui, c'est bon, que je lui disais alors qu'on aurait pu je pense m'amputer sans que je m'en rende compte. Et toutes les cinq minutes, je répétais la même phrase: "c'est bientôt l'heure, là ?". Et toutes les cinq minutes la réponse était la même: "encore un peu de patience, madame, un peu de patience".

Et puis est arrivée dans la salle une femme, à qui on venait d'enlever un sein. Elle avait peut-être trois, quatre, cinq ans de plus que moi. Elle se réveillait difficilement, ouvrait un oeil, gémissait, puis se rendormait. 

Elle n'avait aucune raison de se dépêcher, elle. Son sein avait été enlevé, elle ne le retrouverait pas en sortant de la pièce, aucun bébé ne l'attendait de l'autre côté de la porte. Forcément, la voir là, si près, dans la solitude de la maladie, je me suis fait l'effet d'une enfant gâtée. Qu'étaient ces trois heures dans une vie après tout, hein ?

J'aimerais vous dire que je me suis alors calmée et que j'ai fini par me raisonner en attendant gentiment que ce soit l'heure de la délivrance.

Mais ce serait faux. La vérité, c'est que côtoyer cette belle femme au visage si triste m'a rendue encore plus impatiente. Parce que trois heures, ce n'est peut-être pas grand chose. Sauf que la vie est une roulette russe. Qu'aujourd'hui tu donnes la vie et demain, on t'enlève un sein. Parce que ce jour là, j'étais du bon côté de la route mais que rien ne dit que dans un an je ne serai pas celle dont on n'envie pas le destin.

Alors j'ai continué de bouger mes doigts de pied, de soulever mes jambes de plomb. J'ai harcelé l'aide-soignante, l'ai suppliée d'appeler le médecin pour qu'il signe mon bon de sortie. Et quand pour la énième fois elle m'a demandé d'être patiente, je lui ai répondu que non. Non je ne pouvais tout simplement pas. Parce que ces minutes là, ces trois premières heures de la vie de ma fille, on ne me les redonnerait pas.

 

 Aujourd'hui l'iroquoise a trois mois. Et hier, elle a eu un an. Une année s'est écoulée depuis cette étreinte alcoolisée à Trouville. Aujourd'hui, Rose sait rire quand on l'embrasse dans le cou, elle a peur dans l'eau et commence à attraper ce qu'on met devant elle. Elle a aussi appris à faire claquer sa langue et fait des bulles comme un escargot.

Son vocabulaire s'est enrichi de nouveaux mots, greuh, breuh et frout. Ses cheveux changent en fonction du climat. A Lyon par temps humide ils sont presque disciplinés bien qu'un peu bouclés. En revanche, dès qu'on passe le périph, la crête est de retour. C'est notre petite grenouille à nous, notre Joel Collado, notre baromètre un peu spécial.

Le soir elle aime s'endormir dans les bras et bien que ce soit le mal, ni son père ni moi ne trouvons à y redire. Même que les rares fois où elle trouve le sommeil toute seule on est à deux doigts d'être vexés.

Bref, la demoiselle grandit et je suis partagée entre le bonheur d'observer ses progrès jour après jour et la tristesse de la voir s'éloigner un peu plus chaque seconde de la minuscule petite boule de cheveux qu'elle était il y a trois mois.

Alors je savoure encore et toujours tous ces instants passés ensemble avant le retour au boulot

Up and down, épisode 5

 

Allez, rions un peu parce que tu sais, parfois, c'est bon. De rire. Un peu. Que c'est bon. Un peu que c'est bon.

Up. Down. Up. Down. Oui, c'est le up and down !!!

Up: Les bons conseils d'Inès de la Fesse interrogée dans Fémina sur… tadaaam… comment faire plus jeune. Et donc, pour sa 101ème interview sur le sujet, – petite apparté: moi à sa place je commencerais à en avoir raz la choucroute qu'on me demande comment ne pas vieillir parce que je ne veux pas dire mais bon, si elle était jouvencelle on ne lui demanderait pas, hein – Inès nous livre quelques perles dont elle seule a le secret. Genre, il faut "s'astreindre à rire 15 minutes par jour", par exemple "avec ses enfants". Comment qu'elle doit être casse-kiri nènesse ! Allez mes enfants, faites moi rire, c'est bon pour les rides à maman ! Elle explique par ailleurs qu'avant de passer par la case chirurgie esthétique – que bien sûr elle jamais, que dalle même pas en rêve, mais elle ne condamne pas pour autant, trop aimable – il faut ab-so-lu-ment se faire un "petit point psycho avec soi même". Je te laisse je vais rire 15 minutes, ensuite j'ai rendez-vous avec mon moi pour parler de mon ça.

Down: Une femme est morte récemment après avoir ingurgité des pilules pour maigrir achetées sur Internet. Please les girls, n'avalez pas n'importe quoi. Le médoc qui nous rendra sylphides n'existe pas. Alors surtout, surtout, ne cédez pas aux sirènes des charlatans de tout poil.

Up: "Où on va papa". J'ai lu ce petit bijou dans le train pendant que l'iroquoise roupillait sur mon bras gauche. A l'arrivée, je n'avais plus de bras gauche et plus de larmes non plus. C'est moyennement "fressangien" comme ouvrage, mais Jean-Louis Fournier, ancien complice de Desproges parvient malgré tout à nous faire sourire en racontant l'enfance de ses deux fils handicapés mentaux. Pas de pathos mais une souffrance intense que l'auteur a l'élégance d'enrubanner d'un humour acide et noir. Saisissant. A l'heure où j'écris ces lignes il vient de recevoir le Femina. Je suis sûre que ses lutins sont fiers.

Up: Le nouvel opus de William Réjault, alias Ron l'infirmier. "Quel beau métier vous faites", que ça s'appelle. Parce que c'est lui, parce qu'il est un des rares dans la blogo avec lequel un lien de confiance s'est créé. Parce qu'il écrit vrai, qu'il raconte lui aussi sans pathos et sans complaisance sa vie d'infirmier et parle de la folie ordinaire, de la vieillesse ou de la maladie avec toute la finesse de celui qui sait. 

Down: La retraite à 70 ans. Ou comment inciter les plus démunis à travailler plus longtemps pour gonfler leurs minuscules revenus. Ensemble, tout est possible qu'il disait. Et ben voilà, ça aussi ça sera possible. Juste on m'explique comment on va faire pour bosser jusqu'à des âges très respectables alors qu'à partir de 45 ans on s'appelle un senior ? Et qu'on n'est pas à proprement parler bankable ?

Up: Stéphane Navarro. Parce que tous les lundis il continue à jouer la pièce "Dans la peau d'une grosse". Et que hier j'y suis allée après des mois à "sécher" pour cause de grossesse avancée et d'helmut affamée. Mes deux grands et moi on a adoré et voilà, faut y aller, vous ne regretterez pas !

Up enfin: La phrase d'une copine de ma fille qui habite à la campagne: "quand on est à Paris, on se sent tout serré". C'est vrai, ma biche. Mais parfois, c'est bon d'être les uns contre les autres, ça t'empêche de tomber.

Edit: bienvenue aux lectrices de "Femme actuelle" et merci à David Abiker pour ce petit clin d'oeil auquel je ne m'attendais pas…

Daniel, fais moi Bond

Etant partie ce week-end chez ma mère pour aller téter ma goutte moi aussi et tenter de a) bouter hors de mes nichons la mycose, b) redonner un rythme décent à l'iroquoise, c) tenter d'aller voir le dernier James bond sans que la sortie nous coûte le prix d'un Paris-New-York, je ne suis pour ainsi dire pas encore vraiment on line.

Si dans la journée, une fois sortie du TGV et mes pénates regagnées j'ai le courage, je vous livre un up and down de derrière les fagots.

Mais pour l'instant, je me contente de vous taper une bise.

Edit: pour le a) c'est en bonne voie, merci le Daktarin, le b) ça semble également s'arranger, par contre le c) on re-essaiera la prochaine fois mais là, aller jusqu'au cinéma sous la tempête et envisager de se coucher après 22h… no way. Pourtant tout de même Daniel Craig… Non ?

Edit2: Ce week-end j'ai mangé de la tarte aux pralines. Crois-moi, quand tu viens de passer, avec brio, le cap du pic de croissance des trois mois et que tu as bataillé ferme avec une chtouille du mamelon, je ne connais pas meilleur réconfort. Rien que pour ça et pour le Saint-Potin, tuerie à la crème au beurre et aux amandes, je suis fière, oui fière d'être lyonnaise.

Edit3: Je sais, la photo n'a rien à voir avec le titre mais au départ je pensais mettre en illustration le beau Daniel. Et puis finally je me suis dit que la praline aussi ça se mange.

Edit4: Quand on y pense, des up et des down se sont cachés à l'insu de mon plein gré dans ce billet… A toi de les retrouver !

Docteur Rose et mister Helmut

Alors je suis désolée mais aujourd'hui ce sera assez bref. Rapport
que je dois comptabiliser douze heures de sommeil depuis lundi.

Ben
oui, Rose fait les choses à l'envers, elle a commencé par faire
ses nuits et puis maintenant qu'elle approche des trois mois, elle se
réveille toutes les deux heures. Genre pas folle la guêpe, elle a
attendu la fin de la période d'essai, histoire qu'on soit bien ferrés,
total toqués de sa petite personne, pour nous montrer son vrai visage.

Celui d'Helmut. Un ogre échevelé. Et affamé.

En plus je crois que j'ai une mycose des seins.

Vas-y, va vomir, je t'attends.

Non mais en plus ça semble moche dit comme ça, alors qu'à l'oeil nu tu ne vois que dalle.

Le candida – comment un nom a pu être aussi mal trouvé – se planque à l'intérieur de tes canaux lactifères et te donne l'impression qu'on t'a collé du verre pilé dans le têton. En gros j'ai une cystite des nichons. Génial, je venais de mettre leur claque aux crevasses.

Non y'a pas, je suis d'excellente humeur et le bon gros kilos en plus qui s'est affiché sur ma balance ce matin a fini de me donner le sourire.

Donc voilà, je crois que je n'en dirai pas beaucoup plus aujourd'hui, d'autant que commenter l'actualité ne ferait qu'aggraver mon état chonchon. 

Entre les 7000 ménages très très fortunés qui ne paient pas l'impôt sur le revenu, la proposition de mister Saussez, le monsieur communication du gouvernement, de mettre en place une émission gouvernementale sur le service public – vive l'ORTF – ou la rumeur selon laquelle un bon copain neurochirurgien de Nanard Sac-de-riz serait en train de soigner le dictateur de la Corée du Nord, un des mecs les plus sanguinaires qui soit, non, je ne vois pas trop ce qui pourrait me rendre le sourire.

Alors voilà, puisque c'est ça je pars en week-end demain matin.

Allez mes crottes, je vous aime quand même !

 

Offerte…

 

 

Elle s'appelle Offerte. Et ce n'est pas sans raison.

Elle est
arrivée chez moi lundi matin, enrubannée de scotch et enfouie sous des
milliers de billes de polystyrène. Je l'ai déshabillée frénétiquement
et pour moi c'était une première, d'ôter les vêtements d'une femme nue.

Lorsqu'elle m'est apparue, j'ai pleuré devant tant de beauté. On peut penser que c'était exagéré, mais là point de justification hormonale ou autre, j'ai été saisie par sa grace et ça ne se discute pas.

Mes larmes étaient aussi pleines de reconnaissance pour ce présent brut, ce cadeau qui m'a été fait par Solange, plus connue de vous sous le pseudo de "Sous les mots". Oui, la bannière c'est elle aussi.

"Peu importe le reflet dans le miroir, en chaque femme il
existe une réalité que très peu de personnes peuvent percevoir, mais
nous, quand nous savons qu'elle existe… c'est elle qui nous fait
relever la tête et sourire au miroir, marcher droit dans la rue,
sourire et mordre la vie (…) Alors j'espère qu'elle trouvera une petite place dans ton chez toi, qu'en la voyant les jours où le miroir te fait la grimace, tu souriras !"
. En plus d'avoir de la terre en vie dans les mains, Solange a les mots qui vont avec.

Je n'ai pour ma part que cela, des mots, et un seul me vient à l'esprit… Merci.

Edit: J'ai pour habitude de refuser qu'on m'offre quoi que ce soit, parce que je ne trouve pas ça juste, je ne mérite pas de telles attentions, je ne saurais les rendre, je crois que ça pourrait à terme se retourner même contre moi, parce que je sais qu'on finit souvent par détester ce qu'on a adoré.

Mais voilà, on est faible parfois…

 

 

 

 

 Edit 2: Souslesmots tient aussi un blog: http://souslesmots.canalblog.com

Un air de famille

 Le week-end dernier, lors d'un repas en famille, on devisait sur la crise. Sur le mode évidemment café du commerce. De gauche, bien sûr le café, on ne se refait pas.

Et ça y'allait sur ces enfoirés de patrons, sur les golden parachutes de mon cul – ah ben oui, nous on est du genre café vulgaire aussi – sur les copains du président, sur les 25 000 milliards de dollars qui ont fait pshiiiiiiit, sur l'argent de la bourse qu'on pourrait croire que c'est des billets du monopoly. Et que moi aussi, je vais avoir un incident à 600 patates puisque c'est ça, et mon banquier, je peux te dire que là, il fait moins son malin, non parce qu'avec mon découvert de 500 euros, on avait l'impression la dernière fois au téléphone que je mettais en danger la balance du commerce. Franchement, je t'en foutrais moi de la prise de risque mal calculée, et voilà, nos trois sous d'économie, pan, dans ta face qu'on les a, et tu vas voir que ça va rejaillir sur l'économie réelle ces conneries, pour l'instant on nous fait croire qu'il suffit d'injecter des milliards dans les banques pour que la confiance elle revienne comme par enchantement, ben moi figures-toi que je suis bien sceptique, en même temps on n'a que ce qu'on mérite, et je te fiche mon billet – que je n'ai plus – que ces crétins ils voteront pareil en 2012, parce que qu'est-ce que tu veux, on est dans un pays de veaux, en même temps à gauche, tu les entends toi ? Non, tu peux pas dire ça, t'exagère, ok elle était ridicule dans sa blouse qui lui arrivait aux genoux, mais c'est super sexiste de parler de sa coupe de cheveux, tu ferais pareil pour un homme toi ? De toutes façons, j'ai toujours eu un doute, allez, vas-y, crache le, t'as voté sarko, hein, c'est ça ? T'es vraiment qu'un con. Mais toi aussi, arrête de la ramener avec tes grands mots, qu'est-ce que c'est hein, "l'économie réelle", tu sais même pas, tu fais genre, tu t'inquiètes pour rien, moi je te dis que ça va aller, tout ça c'est que du virtuel, alors calme toi un peu, hein.

Bref, la vie de famille.

Et puis à un moment, je demande à mon frère qui était plutôt resté silencieux dans ce grand n'importe quoi dominical.

– "Et toi ça va ? Ton nouveau boulot ?"

-"Ah ben non, ça ne va pas du tout", me répond-il avec un sourire crispé. "ça ne va tellement pas d'ailleurs que je suis licencié économique. C'est tombé hier, voilà, la boîte était trop jeune, les commandes ont toutes été annulées ces dernières semaines et le patron n'a plus d'argent pour nous payer. Il s'est mis en faillite. Terminé".

D'un coup d'un seul, le concept de l'économie réelle, on avait tous compris.

Le grand cri du lundi, ouiiiiiiiiiiii !

Alors alors alors.

Je vous vois bien, là, depuis une semaine.
Vous trépignez, les gens. Vous vous dites que j'ai perdu ma niaque, que
je me suis assoupie sur mon féminisme, voire que je me suis assise
dessus, hein ?

Ben oui, quelle autre explication à ce silence à propos de cet article délirant du Elle: "Les superwoman rentrent à la maison" ?

Et bien, heu…

En fait en ce moment le Elle j'en viens à bout le vendredi.

Pas
qu'il soit si touffu que j'aie besoin d'une semaine pour le terminer.
Non, que nenni ma mie. C'est juste que miss crampon n'apprécie guère
que je lise. Ou que je regarde la télévision. Ou que j'écrive. Ou que
je téléphone. Ou que je fasse caca.

Tu es en train de te dire que
je digresse, et qu'on s'en tape de miss greffon, ce qu'on veut c'est du
sang, de la castagne, du grand cri, quoi.

Et tu as raison. Et tort à la fois.

Parce qu'en réalité, ça a son importance, ce que je viens d'écrire plus haut. 

En effet, j'ai lu cet article avec les yeux d'une jeune maman fraichement moulue. 

Et je n'en ai été que plus ahurie.

Mais stop, avant de développer mon argumentaire, encore faut-il expliquer de quoi s'agissasse-t-il pour ceusses et celles qui ne lisent point le Elle.

En gros – tu me connais, je suis moyennement du genre à caricaturer donc crois moi sur parole – l'enquête uuuuuuultra documentée explique qu'on assiste à une tendance: le retour à la kasbah des cadres sup qui n'en peuvent plus de courir à droite à gauche et qui surtout ont envie de se "réapproprier la maternité". Avec quelques perles, du genre Charlotte, 44 ans, qui aime bien donner le sein en nuisette noire à dentelles, donc, et qui accessoirement estime qu'on devrait payer les femmes pour qu'elles restent à la maison, que pour la société ce serait un vrai plus vu que ça fait des enfants beaucoup plus épanouis. Ou Stéphanie, 34 ans, qui en plus de "constamment garder" son petit à ses côtés a décidé de ne pas l'inscrire à l'école: "j'aime l'idée de le laisser libre dans ses apprentissages", qu'elle explique, l'illuminée de la maternité réappropriée.

Attends, t'énerve pas, c'est vrai, je me moque un peu. Seulement moi la photo qui illustre l'article, elle me choque un peu. Désolée mais à quatre ou cinq ans – l'âge que semble avoir l'enfant -, je ne suis pas sûre qu'il soit sain de pouvoir disposer du sein de sa mère comme ça. Même si tout ceci est pratiqué sans la moindre ambiguité sexuelle – espérons-le -, la poitrine maternelle reste une poitrine. Et il arrive un âge où le petit garçon va bien devoir comprendre que non non non, les enfants n'épousent pas leurs parents.

Mais je m'égare encore, le sujet de l'article n'est pas celui de l'allaitement, même s'il est évidemment évoqué par quasi toutes les femmes interrogées et qu'une des personnes interrogées prônant ce retour à la maison n'est personne d'autre que… la présidente de la… Leche league. Bingo.

Mais bon, c'est pas comme si je n'avais pas déjà un peu épuisé le filon du nichon et de ses afficionados.

Et puis, le coeur du papier c'est donc le raz-de marée des mamans qui ne veulent plus bosser.

Et ce qui me rend hystérique – et le mot est faible – c'est qu'en gros à part une pauvre tribune accordée à cette brave Elizabeth Badinter qui va finir par collapser à force de voir à quel point la nouvelle génération prend un malin plaisir à piétiner des acquis arrachés dans la douleur par leurs mères, on n'a droit à aucun témoignage qui viendrait contrer l'idée sous-jacente de l'article à savoir: on ne peut pas être une bonne mère ET occuper un poste à responsabilité. Voire, on ne peut pas prétendre éduquer correctement un enfant ET travailler.

Alors déjà, moi ça me fait marrer parce que bien sûr, les femmes qui témoignent sont du genre pas trop défavorisées. Et surtout du genre qui ont des maris qui gagnent assez pour faire bouillir la marmite. Non parce que la plupart du temps tout de même, on n'a pas trop le choix. On est rarement caissière ou standardiste par plaisir. Et je parle de ces métiers parce qu'ils sont représentatifs des emplois très féminisés et souvent précaires, pas par mépris. Parce que moi par exemple je suis journaliste dans ma vraie vie et même si j'adore mon travail,  c'est aussi une nécessité pour ma famille que j'aille au turbin. Vu que le loyer ne se paiera pas tout seul et que l'homme n'est pas le descendant de François Pinault. Et confidence pour confidence, après six mois de congé maternité (j'ai fait du rab), ça me fait bien flipper de retourner travailler. Ben oui, j'aimerais être rentière, comme 98% de la population. Les 2% qui restent le sont. Rentiers.

Ce qu'on oublie de dire aussi c'est que souvent, les femmes qui restent à la maison elles ne choisissent pas non plus. Rapport qu'il existe un truc de fou en France, le chômage. Et que bon nombre d'entre elles sauteraient sur le premier boulot venu si on leur en proposait un.

Donc le coup des femmes qui plaquent un boulot d'enfer pour s'occuper de leurs enfants "parce qu'elles le veulent bien", c'est moyennement généralisé.

Par ailleurs, le fait que l'homme soit par conséquent le seul à gagner de l'argent n'est pas trop abordé. Encore une fois, chacun vit son couple comme il l'entend. Je comprends qu'on puisse considérer qu'une femme qui s'occupe de la maison et des enfants fasse sa part du boulot. Il n'empêche qu'on peut appeler ça comme on veut, moi je ne connais qu'un mot pour décrire cette situation: la dépendance. A titre personnel, rien que l'idée de demander des sous à mon mari m'est insupportable. Il me semble que contribuer financièrement à la vie commune est indispensable à notre équilibre.

Mais admettons qu'on puisse très bien vivre en étant tributaire de son homme, encore une fois, je ne juge pas, chacun vit comme il veut, au risque de me répéter. Seulement voilà. Parfois, la vie réserve des surprises. Des bonnes mais aussi des mauvaises. Souvent des mauvaises d'ailleurs.

Du genre une jolie assistante qui n'aurait pas du yahourt sur l'épaule un jour sur deux, quand d'ailleurs ce n'est pas du vomi et qui finirait par devenir beaucoup plus qu'une assistante. Ou un vilain cancer qui serait récalcitrant. Ou un accident de la route. Ou tout simplement un licenciement. Voire, improbable mais sait-on jamais, une CRISE.

Bref, ce genre d'aléas qu'on redoute mais qui n'arrive pas qu'aux autres et qui fait que tout d'un coup, le choix, on ne l'a plus du tout, il faut se lever à nouveau le matin, prendre les transports en commun ou la bagnole et aller bosser.

Et quand on n'a pas travaillé pendant des années, même si c'était pour de bonnes raisons, vous savez combien on vaut sur le marché du travail ?

Rien. Ou pas grand chose. 

Mais il y a autre chose qui me choque dans les témoignages. C'est d'ailleurs aussi ce qui défrise Elizabeth Badinter. Ce qui me chatouille aux entournures, c'est ce courant de pensée selon lequel la biologie justifierait la différenciation des sexes. En gros, la femme est conçue pour fabriquer des enfants et par conséquent pour les élever. Elle a du lait, donc il faut allaiter. Elle ne doit pas prendre la pilule parce que la pilule c'est mal, c'est pas bio.

On peut aussi bouffer son placenta, comme le disait l'une d'entre vous dans les commentaires récemment. On peut également faire caca dans un trou au fond du jardin et manger des racines histoire d'être total en phase avec la nature.

On peut supprimer le droit de vote aux femmes. Et exiger qu'elles demandent l'autorisation à leurs maris pour avoir un emploi. Et évidemment, interdire l'avortement, moyennement "naturel" également.

Ben oui, après tout, tout ça ce sont des victoires des féministes. Les mêmes qu'il est de bon ton de railler aujourd'hui.

Enfin ce qui me gêne, c'est qu'on insinue que la seule façon de bien élever son enfant est d'arrêter séance tenante de bosser, alors que je maintiens qu'on peut être très présente tout en travaillant et que surtout, un enfant n'a pas nécessairement besoin que sa mère soit derrière lui en permanence, qu'il peut s'épanouir en compagnie d'autres personnes que sa môman, qu'il DOIT même avoir l'occasion de cotoyer d'autres référents que celle ci.

J'ajoute qu'une femme qui s'épanouit dans son activité professionnelle est plus à même je pense d'être heureuse avec son enfant qu'une femme qui n'en peut plus d'avoir le nez dans les couches.

Pour conclure, ce qui me fait froid dans le dos, c'est cette mouvance actuelle qui marque un repli sur soi, un retour de la valeur "famille", valeur que je reconnais et apprécie mais qui lorsqu'elle est érigée en refuge absolu marque une peur de l'extérieur, une peur de "l'autre" qui ne présage rien de bon.

Voilà, en gros.

Je sais, c'était long et un peu confus.

Et pourtant ça fait des jours que je phosphore là dessus.

Putain ils avaient raison les britons. Avec la grossesse, mon cerveau a fondu.

Ou alors il est parti dans mon cul.

Amis de la poésie, bon lundi.

Edit: J'avais déjà parlé du féminisme tel que je le conçois ici, si tu veux

Edit2: J'aimerais vraiment que les femmes au foyer qui liront cet article ne se sentent pas attaquées. Parce qu'il n'est pas question ici de dire qu'on est une mauvaise mère quand on reste à la maison. Il est question de dire qu'on est pas une mauvaise mère quand on ne reste pas à la maison.

Hiiiiiiii j’ai un scanner !

 Yep, j'ai un scanner/imprimante/photocopieuse !

En fait je l'ai depuis deux mois, c'est mon cadeau de naissance de ma maman.

Mais forcément, je ne sais pas, je trouvais que ça faisait bien la boîte au milieu de mon salon.

Bref, 60 jours pour ouvrir l'engin et l'installer, un record ma foi. 

Quoi qu'il en soit, après une matinée à me tirer les cheveux pour configurer la bête tout en berçant l'iroquoise qui me pète un peu les couilles aujourd'hui, je vais enfin pouvoir mettre en ligne les articles que certains brillants journalistes ont écrit à propos de ze place to be on the net, j'ai nommé "Pensées de ronde" ! Yes !

Et oui, au risque de te décevoir, ce n'est pas par modestie outrancière que je passais sous silence ces incroyables retombées presse mais seulement par manque de matériel adéquat.

C'est moche un mythe qui s'effondre, hein…

En même temps, Soeur Emmanuelle se masturbait.

Cela dit, ça me la rend encore plus sympathique.

Allez, si tu veux voir en plus grand format ce merveilleux article de Psychologie du mois d'octobre, clique sur "Lire la suite" !

Edit: Je précise que la photo est de Fée chocolat et que malheureusement la rédaction du magazine n'a pas jugé utile de le mentionner, malgré mes injonctions répétées… M'enfin malgré tout, ouah, la fée, t'es dans la grande presse !

En rentrant de l’école…

Sur le chemin du retour de l'école…

 

– Alors tu vois maman, en fait, ben tu vois, y'avait Sofiane en fait il avait oublié son cahier de géographie et tu vois, en fait, parce que tu vois, la maitresse et ben elle était vraiment furieuse parce que bon, en fait, la maitresse, ben elle déteste qu'on oublie nos affaires surtout que Sofiane il avait demandé trois fois dans la matinée d'aller aux toilettes alors qu'en fait on y va à la récré normalement aux toilettes mais à la récré, évidemment, Sofiane il n'avait pas envie et à peine on est remontés il demande à la maitresse. Alors la maitresse elle a dit oui tu vois ? Et après, dès qu'il était rassis il a relevé le doigt et il a redemandé  s'il pouvait y aller parce qu'en fait il n'avait pas fini. A la troisième fois la maitresse elle était folle de rage et en même temps elle était bien tranquille pendant qu'il était aux toilettes, sauf qu'après c'est Lina qui a encore posé une question idiote et la maitresse elle a dit qu'elle allait la renvoyer en maternelle tu vois. Et puis après elle nous a expliqué pendant toute la matinée ce que c'était une conjonction de… de… de crodination. Et à la fin de la matinée quand elle nous a demander de souligner les conjonction de crodination dans le texte, et ben en fait Sofiane il a levé le doigt et il a demandé: "C'est quoi maitresse une conjonction de crodination ?". Là, la maitresse elle est devenue toute rouge. En plus après Jade elle m'a dit qu'elle serait plus ma copine parce que tu vois à la récré j'avais joué avec Adélie, alors que la pauvre Adélie elle m'avait gardé une place à la cantine et qu'en fait Téo, Léo et Lounès ils se sont mis à côté d'elle avant que j'arrive et qu'ils ont balancé des betteraves partout, même qu'Adélie elle en avait plein son tee-shirt, alors bon, j'étais quand même obligée de jouer avec elle tu vois ? Et… heu, qu'est-ce que je voulais te dire, encore… Ah, oui ! Qu'est-ce qu'on mange ce soir?

– Euh… Oui.

Edit: En vrai c'est pire. J'ai conçu une fille capable de parler sans reprendre sa respiration pendant au bas mot 45 minutes. Et j'avoue, je mets environ 12 secondes à décrocher, d'autant que de l'autre côté, mon fils, pas moins bavard, me raconte également les péripéties de Maxime, son cancre à lui ou me décrit par le menu détail l'évolution de son Pokemon qui est en train de gagner 12000 points de vie (même qu'on dit "pv" si on est branchés) et j'en passe. Pendant ce temps, la petite dernière prend un malin plaisir à hurler, histoire qu'on n'oublie pas totalement sa présence. J'adore les retours d'école. Vraiment.

Edit2: En même temps c'est probablement grace à ces instants nutella que je finirai par me résoudre à retourner au boulot.

Iroquoise…

Hier, j'ai fait la connaissance d'une toute petite petite fille, à
côté de laquelle ma Rose fait figure de madame Schreck. Lorsque je suis
sortie de la maternité où j'étais allée visiter l'heureuse maman et la
nouvelle née, j'ai réalisé que le temps avait déjà passé.

Certes
elle est encore assez petite pour dormir sur le bras de son père,
certes son front est encore duveteux, certes les seuls mots qui
franchissent ses lèvres sont areuh et greuh.

Mais elle n'est plus ce nourisson qui se calait sur mon épaule et dont je ne sentais pas le poids. Elle n'est plus cette petite boule de cheveux que j'ai veillée collée à elle toutes ces nuits à la maternité, ignorant les consignes de sécurité qui interdisent aux mamans de dormir avec leur enfant.

Elle rit désormais quand on lui caresse le ventre, elle appelle son frère pour qu'il vienne faire l'idiot au dessus de son berceau et accueille mon sein avec des cris qui ont tout des hurlements victorieux du sioux qui vient de capturer un bison avant un hiver qui s'annonce rigoureux.

Ma petite grandit…

Alors ce matin, j'ai savouré un peu plus encore ces minutes peau contre peau dans mon lit, j'ai trainé avec elle sur le canapé, je l'ai gardée dans mes bras lorsqu'elle s'est rendormie, captivée par ses oreilles étranges au sommet desquelles pointent une minuscule touffe de cheveux.

Et cette bizarrerie m'a fait fondre encore plus peut-être que sa bouche vermillon en chapeau de gendarme ou ses yeux qui semblent manger un peu plus son visage chaque jour.

Je crois que c'est là le véritable amour. Celui qui nous fait adorer le petit défaut, l'anomalie plus encore que le reste.

J'aime mon fils pour son nombril qui sort et ma fille aînée pour son téton surnuméraire. Et je me consume pour cette petite dernière aux oreilles chevelues, aux auriculaires tordus et à la crête iroquoise…

Edit: Bienvenue à Gabrielle, cette petite liliputienne fraichement débarquée sur la planète terre…

Edit2: Pardon pour ce billet à haute teneur en mièvrerie, mais voilà, ce matin j'ai le coeur qui déborde…