Mois : février 2011

Kiss kiss bang bang

Redlancome2
Récemment, on m'a proposé de faire un billet sponsorisé pour une marque de maquillage. Venant de refuser pas mal de sollicitations et l'opération étant plutôt bien rémunérée, j'avais pour une fois dit oui.

Pour m'entendre répondre que finalement, mon blog n'était pas assez axé "beauté" pour l'annonceur.

Merde alors.

Je me suis sentie comme humiliée.

Je veux dire, ce n'est pas faute de glisser régulièrement quelques allusions subtiles à mes must en maquillage, quoi (la terracota, la terracota et… la terracota). On peut être apolitique de gauche, fanatique des bagels, MAMophobe ET maitriser l'art du smokey, merde ! Non aux préjugés, j'ai envie de dire.

Ok, l'art du smokey, on repassera.

Mais qui a écrit un papier sur le maquillage dans Psychologie magazine ? Hein ? Et qui collabore désormais avec Cosmétique Mag, LA bible des professionnels en la matière ?

Je demande une réhabilitation immédiate, vous l'aurez compris. Comme si ça n'avait pas suffi de me voir retoquée l'année dernière par La Halle aux chaussures en raison d'un manque de level fashion.

Je ne suis pas qu'un cerveau, ai-je envie de crier. Sous cette carapace d'intellectuelle, vibre une beauty-addict et cette dernière ne demande qu'à ce qu'on l'écoute aussi.

Bon, j'déconne, je m'en balance de Diadertruc. Mais je voulais trouver une accroche pour vous parler de mon coup de foudre pour un tube de rouge, une fois n'est pas coutume. Lipstick offert par une amie qui a la chance de recevoir des cosmétiques à la pelle (et non, ce n'est même pas une blogueuse, on hallucine) (cela dit, le fait qu'elle les reçoive gratos n'enlève rien à sa générosité).

A chaque fois qu'on se voit ou presque, elle me sort une petite merveille de son sac et je dois avouer que grâce à elle, je suis à deux doigts de rattraper 20 ans de retard en soin du visage et maquillage.

Dernier cadeau, donc, ce Lancôme, conçu parait-il pour celles qui n'assument pas le rouge pupute. A savoir qu'il est rouge, mais un peu transparent. Surtout, ce qui m'a conquise, c'est le fait qu'il ne "sèche" pas. Non parce que personnellement, quelle que soit la marque ou le modèle utilisé, je finis par ne plus rien avoir au centre de la bouche. Comme si tout le produit migrait sur le contour des lèvres. Effet assuré.

On me dit qu'il existe un terme exact pour décrire ce phénomène. Le rouge "file". Ok, je note.

Et bien ce rouge là, il ne "file" pas. Et même s'il déborde un peu, il donne cette impression de bouche mordue plutôt sexy (on me laisse rêver, merci).

La bouche mordue, c'est un de mes fantasmes, à égalité avec les pommettes un peu roses "comme si on revenait d'une ballade en forêt". Je n'arrive jamais à obtenir ce résultat, inutile de le préciser.

Bref, ceci était donc un billet beauté (dans ta face Diadermerde) pas du tout sponsorisé.

Je vous retrouve très vite, à l'heure où vous me lisez, je suis dans un avion pour une contrée où les filles ont les joues roses naturellement (les hyènes). Je ne peux pas en dire plus, c'est secret, mais si tout se passe bien, vous aurez des nouvelles très vite. Même que là je semble garder mon calme mais à l'intérieur de moi je suis excitée comme une pucelle. Je m'apprête en effet à rencontrer comme qui dirait une légende vivante, tout ça accompagnée de Will (grand ordonnateur de ces deux jours) (un indice: c'est pour tourner un "puzzle" pour Off TV, allez voir par là, celui qui fait se rencontrer Jenifer et Vinvin est très sympa).

See you very soon…

Redlancome

Edit: je sens que je tiens un concept avec ces autoportraits, non ?

Edit2: c'est le foulard H&M dont j'avais précédemment (pas) parlé.

Césars et solidarités

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Salade d'avocats et champignons, saumon fumé, blinis et crème fraiche et bien sûr, champagne. Voilà le difficile sort que je nous réserve au churros et moi pour cette soirée des Césars.

On a des vies compliquées.

A part ça, je voulais vous remercier pour votre enthousiasme et vos si gentils compliments, je suis à la limite de tomber amoureuse de moi même donc je pense que vous pouvez désormais cesser.

Enfin, et ça n'a rien à voir, mais je viens de pleurer comme un bébé en entendant des Tunisiens à la radio accueillir les milliers de réfugiés libyens qui déferlent à la frontière tuniso-libyenne. Les uns emmenaient les autres dans leur maison, certains apportaient des vivres, d'autres opéraient dans l'urgence des blessés. Il n'y avait pas besoin d'images, on voyait la scène à la fois tragique et humaine.

Je me doute que passés ces premiers jours, la question du devenir de ces réfugiés ne va pas manquer de se poser. Je me doute aussi qu'à un moment où à un autre, elle va venir sur la table en France. Il est fort à parier que des déplacements sont en train de s'opérer et je tremble du débat nauséabond que cela provoquera chez nous. Je ne sais pas pourquoi mais je doute qu'il y ait ce même élan de solidarité spontanée par ici.

Bref, c'était un billet encore plus décousu qu'à l'accoutumée, place aux robes à paillettes, aux sourires hypocrites, aux vexations rentrées, aux espoirs comblés et déçus. Depuis ma désagréable expérience de trophées truqués chez Elle, je crois que je m'identifie un peu à tous ces illustres perdants.

Ben quoi ?

Voilà qu’elle parle, maintenant

Quand Blogbang m'a proposé cette interview, j'ai dit oui tout de suite parce que j'avais trouvé celles de Nadia et de Deedee très sympas. J'y suis allée le coeur léger, après tout, on serait seules la journaliste et moi et cette dernière, Sarah de son petit nom semblait charmante.

C'était sans compter mon petit problème.

A niveau de la gestion du stress.

A savoir que j'ai été fichue de me retrouver en panique dans les cinq secondes qui ont suivi la mise en route de la caméra. Sarah a été d'une patience inifinie et est parvenue je ne sais comment à enrayer la crise. Au visionnage, ça ne se voit donc pas trop mais j'avais comme une énorme boule dans la gorge. Parler de moi n'est pas chose aisée, ça se confirme.

Ensuite, quand il a fallu tirer au sort un questionnaire et qu'il s'est avéré que le sort était mon ami puisqu'il avait choisi le cinéma, je me suis sentie mieux. Néanmoins, on constatera que mes références cinématographiques en ont pris un coup depuis ma période "Cahiers du cinéma". Y'a du level, comme dirait Violette. Mais à ma décharge, répondre à brule pourpoint comme ça, ce n'est pas super évident. Je ne renie aucune réponse, j'imagine que la spontanéité est gage de sincérité, ce qui explique probablement l'absence totale d'allusion aux merveilleux films de ces illustres réalisateurs coréens vus durant ma jeunesse…

Voilà, je me suis dit que ça vous amuserait après ce billet pas léger léger.

Edit: on excusera les "ouais" et les ricanements en fin de phrase et on mettra ça sur le compte de ma panic attack. Merci.

 

 

Le mur du con

Gaddafi
J'avais envie d'écrire un up and down. Je vous aurais parlé de ce foulard merveilleux acheté pour trois francs six sous chez H&M (avec pour l'accompagner un blouson en skaï à capuche à mourir et un jean qui me fait un cul pas dégueu). J'aurais vanté les mérites de ce produit magique de chez Mavala qui fait sécher les ongles en moins de temps qu'il ne faut pour le dire. Je vous aurais confié mon addiction totale aux bagels avocat/turkey/saint moret en cette semaine child free. J'aurais mis un gros down à cette météo de merde qui m'enlève tout courage pour aller courir (j'déconne). J'aurais glosé sur ce pauvre Polnareff dont le message sur facebook annonçant que son fils n'était pas le sien était si pathétique que 98% des internautes étaient prêts à jurer que c'était un fake. Le message, pas le fils. J'aurais enfin mis sur la table un sujet de première importance: les bonbons Arlequins si déicieux mais qui niquent le palais et me collent des aphtes.

On aurait souri (un peu), pleuré (sûrement), fait des oooh et des aaaaah d'émerveillement et on se serait souhaité une bonne journée.

Sauf que je n'y suis pas arrivée, à le rédiger correctement, ce billet.

Parce que je ne parviens pas à caser au milieu de ces légèretés le seul énorme down qui me semble compter cette semaine.

Je veux parler bien évidemment des massacres affreux perpétrés en Libye. Par celui, qui, il y a trois ans encore était l'ami de notre président (attends, vous avez vu cette poignée de main chaleureuse ? On sent presque une tension sexuelle que c'en est gênant).

Cet étron qui appelle le mari de MAM, accessoirement ministre lui aussi, "mon frère". Ce malade mental dont le visage est plus tiré qu'un string, à qui notre grand homme d'Etat de président avait offert en 2007 une petite balade romantique sur la Seine en bâteau mouche, fermant pour ce faire tous les ponts de la capitale. Ce tyran qui soit-disant avait tourné la page du terrorisme ("ayé, je ne mets plus de bombes dans les avions, vous revenez jouer avec moi, mes potos ?") et qui allait permettre à la France de se relever de la crise grâce à tous les rafales qu'il allait nous acheter. Cet homme plus innocent que l'agneau qui vient de naitre auquel la France allait aussi vendre deux ou trois réacteurs nucléaires (civils, hein, bien sûr) (aie confiaaaaance).

Oui, Kadhafi, donc, qu'on a reçu en grande pompe chez nous quelques mois après la sauterie du Fouquets est aujourd'hui l'homme à abattre. Nicolas Sarkozy l'a annoncé hier: il veut que TOUTE L'EUROPE (pas que la France, hein sinon c'est pas du jeu, faut qu'on s'y mette tous, il a dit, le roi du G20) cesse immédiatement toute relation diplomatique et économique avec ce chien. Moi sur le principe, bien sûr, je ne suis pas contre. Voire je plussoie.

Mais franchement, ça ne passe pas.

Je veux dire, comment peut-on être à ce point cynique ? Comment peut-on continuer à affirmer sans ciller tout et son contraire de la sorte ? N'y a-t-il pas un moment où il faut rendre des comptes ? N'avons nous pas notre mot à dire dans la façon dont ce gouvernement et ses sbires souillent notre image à nous, citoyens, pas parfaits, pas toujours honnêtes, mais qui n'avons JAMAIS demandé à ce que cet être immonde vienne planter sa tente dans la cour de l'hôtel Marigny ? Ni voulu que notre bécassine de ministre des affaires étrangères propose ses bons services pour former dans l'urgence au maniement du taser les policiers de Ben Ali ?

A quel moment nos dirigeants devront se justifier et s'amender ? Aura-t-on la chance un jour d'en entendre un s'excuser ?

Jamais, je le crains.

Quand le temps sera venu, on nous démontrera qu'ils sont devenus vieux et séniles et qu'il faut laisser les personnes âgées tranquilles. Si ça se trouve, on sera 62% à les trouver sympathiques, maintenant qu'ils sont tout juste bons à boire une demi-corona au salon de l'agriculture en tapant le cul des vaches.

Ce n'est même pas un grand cri, aujourd'hui, que je pousse, c'est à peine un soupir. Mon souffle est court devant tant d'indécence.

Salam.

Le fils, de Michel Rostain

Rostain

Bon autant vous dire qu'après celui-ci, je fais une pause au niveau des bouquins qui racontent le deuil d'un enfant. Ce n'est pas que je n'aime pas, ne nous méprenons pas, mais on ne sort pas indemne de ces récits.

Je ne l'aurais pas acheté, je crois.

Il s'est trouvé que par un hasard comme la vie aime à en offrir parfois, j'ai croisé l'auteur brièvement il y a quelques jours. J'avais rendez-vous avec son éditeur et il en sortait.

On ne s'excite pas, cette entrevue ne signifie rien pour l'instant, une porte qui s'entrouvre à peine, on va dire que j'y ai mis le bout de ma chaussure pour qu'elle ne se referme pas mais on est loin du compte.

Mais le sujet n'est pas là.

J'ai croisé Michel Rostain, donc, et il y a fort à parier que si vous le lui disiez – qu'on s'est vus – il ne saurait pas de quoi ou qui vous lui parlez. Moi oui, évidemment, c'est à cela d'ailleurs qu'on voit que lui a plus que le pied dans le chambranle de la porte. Je l'ai remarqué, lui, sûrement pas. Je ne l'ai pas vraiment reconnu et pour cause, ce n'est pas une célébrité, je crois que c'est son premier livre. Mais il est de ces hommes dont l'extrème douceur laisse comme une empreinte dans la pièce qu'ils quittent. Il a un physique d'alpiniste, j'ai pensé. Ensuite, j'ai vu la pile de bouquins sur le bureau de l'éditeur, dont un était retourné, et il y avait sa photo. A ce moment là, précisément, on peut dire que je l'ai reconnu.

C'est donc lui qui a écrit "Le fils". Dont j'avais lu une critique élogieuse je ne sais plus où.

A la fin de mon très bref entretien, l'éditeur m'en a tendu un exemplaire: "vous vous êtes croisés à l'instant (j'ai pas dit que je savais, je ne voulais pas couper son effet) lisez-le, c'est de l'autofiction, un genre qui apparemment vous parle" (oui bon ben je lui avais comme qui dirait vendu ma soupe).

Je l'ai glissé dans mon sac et lundi, en revenant de Lyon, me faisant la réflexion que mon Mulberry-darling était bien lourd, je me suis rappelé qu'il était lesté du Fils.

Alors je me suis plongée dedans et le temps d'un Perrache – Gare de Lyon, j'avais la confirmation que cet homme était en effet une belle personne ET un écrivain.

Le temps aussi de verser toutes les larmes de mon corps (elles ne sont pas chères en ce moment, je confesse avoir pleuré comme une collégienne devant un téléfilm avec Lorie – oui – il y a trois jours ET en écoutant à la radio dans la voiture de mon père la descente de Jean-Baptiste Grange).

Michel Rostain avait un fils, donc, mort il y a six ans d'une méningite foudroyante à l'âge de 21 ans. Il raconte cette histoire, mais en se mettant à la place de Lion, le fils. Lion, donc, parle de la façon dont son père découvre que désormais, il pleurera tous les jours ou presque, plusieurs fois. Lion se moque de son père et l'admoneste gentiment quand ce dernier fouille dans la mémoire de son téléphone pour y lire les SMS qu'il envoyait à son amoureuse. Comme si ces quelques mots pouvaient l'aider à supporter l'insupportable. Lion décrit son enterrement épique, organisé par ses parents metteurs en scène tous deux. Lion fait le récit rocambolesque de la dispersion de ses cendres en Islande, dans le cratère de ce volcan au nom imprononçable qui, cinq ans après, paralysera le traffic aérien du monde entier, pour la plus grande joie de ses parents, convaincus que c'est un peu de lui qui jaillit dans le ciel.

Il y a des passages abominables, des descriptions à la limite de l'insoutenable du corps de Lion criblé de taches noires (la méningite fait exploser les vaisseaux sanguins). Et il y a des moments de grace, ou l'on rit avec Lion des délires de son père, de son extravagance dans le deuil. Je vous invite à le lire parce qu'au même titre que l'ouvrage d'Anne-Marie Revol, l'auteur fait passer un message essentiel: on peut vivre avec ça. Même si "ça" est affreux.

Aimez la vie, la vie est monstrueuse, dit Anne-Marie Revol. "Vive la vie", hurle Michel Rostain en sortant de la morgue.

Bonne journée.

La bohême

Papamaman
J'aime l'idée d'être la fille de ce couple de gamins qui rient dans un resto après probablement quelques verres en trop.

J'ai toujours vu cette photo dans la chambre de mes parents. Elle a été prise je crois lors d'une randonnée qu'ils avaient faite avec leurs copains entre Gap et Nice. Ça je peux vous assurer qu'on en a entendu parler, de ce périple, des squats dans les églises pour dormir et des soirées arrosées. A tel point que je rêvais moi aussi un jour de faire un "Gap-Nice".

Après j'ai expérimenté UNE fois une nuit en refuge et le calvaire pour y grimper et j'ai laissé tomber l'idée. Mes copains également. Enfin, eux ils n'ont pas laissé tomber l'idée de la ballade, ils m'ont laissée tomber moi. Vous voyez Karine Viard dans les randonneurs ? Et bien vous êtes loin du compte.

Bref.

J'ai toujours vu cette photo, donc, et l'ai toujours adorée. Même si petite, je ne pouvais pas croire qu'elle ait été prise AVANT moi.

Je veux dire, donc, mon papa et ma maman existaient AVANT moi ?

J'étais déjà très autocentrée, en somme.

Depuis, bien sûr, mes parents ont changé.

Ma mère est blonde, par exemple.

Je ne vous la montrerai pas, elle était déjà limite d'accord pour que j'expose cette preuve manifeste qu'à 20 ans ils ne buvaient pas que du schweppes. "A la place tu n'as qu'à mettre la photo de ma pièce montée de meringues de nos 40 ans de mariage avec les vieux santons dessus", m'a-t-elle dit. Alors la voilà. Mais franchement en vrai ils sont toujours aussi beaux.

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Et ils ne boivent toujours pas que du Schweppes.

La lettre aux petits pois

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En deuxième année de SciencesPo, à Grenoble, j'avais envoyé une candidature pour un stage aux "Cahiers du cinéma". A l'époque, j'étais amoureuse d'un garçon très cinéphile. Avec lui j'écumais les CNP lyonnais, salles de cinoches subventionnées qui ne passaient que des films coréens sous-titrés en japonais. Quand il y avait un Godard, on trouvait ça d'un commercial.

A la vérité, parfois j'allais mater en cachette "l'Arme fatale" au Pathé mais j'aurais préféré me faire lapider en place publique plutôt que d'avouer que j'avais aimé un film américain en VF (honte). Il faut dire que notre blague favorite, à ce garçon et moi, était de lancer en public à de pauvres innocents – dont les 3/4 ne percevaient pas la dimension sarcastique de l'allusion - "tiens je t'ai vu, mercredi, dans la file d'attente du Lelouch." L'insulte. On était vraiment sympas.

Sauf qu'une fois il m'avait VRAIMENT choppée devant l'UGC avec mon ticket pour "Itinéraire d'un enfant gâté". Il avait mis trois jours à me reparler et je pense qu'encore aujourd'hui il me méprise un peu.

Tout ça pour dire que ce stage aux Cahiers du cinéma, c'était probablement pour l'impressionner. Mais pas que. Même si je ne comprenais pas toujours les critiques de Serge Toubiana et ses copains, j'avais cette sensation de toucher du doigt l'érudition en les lisant. Les photos, en plus, étaient tellement belles, leurs couvertures, surtout, que je découpais pour les afficher dans ma chambre d'étudiante.

Et puis avoir pour travail de regarder des films pour écrire ensuite dessus, sans rire, est-ce que ça existait vraiment ?

J'avais donc envoyé début janvier cette lettre très naïve dans laquelle je confiais ma vénération pour "All about Eve" et l'adoration que je vouais à Jacques Demy. Ma colocataire l'avait relue, m'assurant qu'elle était parfaite. Je lui avais fait confiance, elle était sur pas mal de point bien plus mure que moi (elle se tapait un architecte de 40 ans aux cheveux poivre et sels) (ce qui n'avait pas grand chose à voir avec la recherche d'un stage mais qui la propulsait directement au summum de la coolitude).

Les semaines passèrent et la boîte aux lettres restait définitivement vide. Je finis par faire mon deuil de cette carrière avortée, n'imaginant même pas deux secondes les appeler pour tenter de les convaincre (tout ce qui est vélléités ET timidité…).

Je n'y pensais presque plus, quand, un jour de juin et de disette dans le frigo, j'entrepris de me faire cuire une boite de petits-pois rescapée au fond du placard.

C'est là que je la vis. L'enveloppe était apparemment cachetée mais en y regardant de plus près, il était probable qu'elle ait été ouverte. Ou pas. Le cachet de la poste indiquait qu'elle avait été envoyée en février. Expéditeur: "Les cahiers du cinéma". A l'intérieur, une lettre de quelques mots, qui, s'ils avaient été lus trois mois plus tôt auraient sinon changé ma vie, au moins l'été qui s'annonçait:

"Mademoiselle, nous avons reçu votre candidature et bien que ne prenant que rarement des stagiaires, nous ne pouvons imaginer passer à côté d'une fan de Mankiewicz. Nous vous proposons par conséquent de démarrer le 1er juillet pour une durée de deux mois".

Difficile encore aujourd'hui d'exprimer tous les sentiments par lesquels je suis passée en quelques secondes. La joie, tout d'abord, de constater que j'avais touché juste. L'étonnement, ensuite, de ce drôle d'endroit dans lequel sommeillait cette lettre depuis… douze semaines. La prise de conscience, enfin, (je suis longue à la détente et l'étais déjà) que douze semaines justement c'était long et que depuis, ils avaient du prendre une autre cinéphile en herbe dont les missives ne se planquaient pas sous les boites de petits pois.

La colère est venue plus tard. Quand il est apparu évident que cette enveloppe n'avait pas pu se retrouver là par hasard et que malveillance il y avait sans doute eu. Colère transformée en rancoeur à vie quand, après avoir passé un coup de fil sans trop d'espoir, l'assistante du redacteur en chef me confirma qu'en l'absence de réponse de ma part, ils avaient finalement choisi un autre candidat.

Ma colocataire n'a jamais voulu admettre son méfait. Ses dénégations étaient d'ailleurs empreintes d'une telle indignation que je finis par la croire, dirigeant mes soupçons sur son mec (pas l'architecte, le régulier, qui me haissait cordialement, probablement parce qu'il avait fini par comprendre que je couvrais son infidèle de copine dès que cette dernière retrouvait Richard Gere).

Sans surprise, il nia lui aussi et je finis par lâcher l'affaire.

Pas ma mère qui, je le sus bien plus tard, fit le siège du standard des "Cahiers" pour les supplier de me prendre. L'injustice de la situation la rendait dingue (faut pas la chercher). Mais même l'énergie du désespoir qu'elle déploya n'y changea rien (ou peut-être que si, à savoir que mon nom fut probablement mis sur la liste noire des personnes à éviter à tout prix).

Cet été là, j'ai fait mon stage à feu TV5 Europe, pistonnée par un vague cousin de mon père. Je n'avais absolument rien à faire sinon trier les archives dudit cousin. Il faut dire que la chaine à l'époque ne produisait qu'un pauvre bulletin météo, le reste de ses programmes consistant à rediffuser les émissions de France 2 et France 3.

Parfois, je me demande si ma vie aurait été différente si ce jour de mars j'étais allée chercher le courrier. Peut-être que oui, peut-être que non. Sans doute aurais-je trouvé tous ces cinéphiles bien barbants, sans doute aurais-je fait des photocopies comme n'importe quelle stagiaire en 2ème année d'IEP.

Ou pas…

Big up pour BigBeauty

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Quand je pense que j'avais imaginé avoir plus de temps pour ce blog une fois libérée de mes obligations. C'était sans compter toutes ces séries, aussi.

Non, sans blague, c'est vrai que ces deux dernières semaines ont été finalement bien chargées, j'avais définitivement dit oui à trop de gens en même temps.

Du coup, je suis crevée.

Et non, il ne faut voir ici aucune suggestion salace sur une quelconque partouze qui m'aurait laissée sur le carreau.

Bref, ce rythme à trouver, je le cherche, il y a des jours avec et des jours sans et je commence petit à petit à m'habituer à l'idée que tant que je resterai indépendante, c'est le mieux que je puisse espérer (le pire étant qu'il n'y ait que des jours sans, je veux dire).

Voilà, ce n'est donc pas pour aujourd'hui, ce long billet hilarant et/ou poignant. Mais je voulais malgré tout vous faire partager cette réflexion.

Il y a deux jours, Stéphanie, de BigBeauty, a écrit un très bel article, très juste, très sincère, qui m'a pris aux tripes. J'ai toujours beaucoup apprécié le positionnement de Stéphanie, sa façon d'être simplement elle, sans revendication particulière, sans faux-semblant non plus (dans une interview qu'elle m'avait livrée, elle le disait sans ambages: "je suis grosse, c'est tout"). J'ai toujours apprécié donc, que tout en n'étant pas "fat power", elle appelle systématiquement un chat un chat, donnant sa taille de soutien-gorge ou de pantalon avec le naturel dont elle sait faire preuve. Pour l'avoir rencontrée deux ou trois fois, je peux vous assurer sans mentir moi non plus que la première chose qu'on voit chez elle, ce n'est ni son poids ni son look incroyable mais son sourire ultrabrite (je VEUX les dents de Stéphanie) et son regard qui se plante directement dans le votre. Après on réalise qu'elle est super bien sapée, la hyène.

Bref, Stéphanie ne parle pas d'ordinaire de son passif avec les régimes, les kilos et la bouffe. Et puis dernièrement, elle a participé à un concours sur Arte du meilleur look et s'est pris des insultes à pas piquer des hannetons. Des insultes qui dit-elle, lui passent au dessus du cigare mais qui lui ont donné envie de rappeler quelques évidences dont celle-ci: non, ce n'est pas tous les jours faciles, en 2011, d'être "plus size". Tout simplement parce que la discrimination est partout, des rayons de Zara aux entretiens d'embauche en passant par les fauteuils d'Air France que d'aucuns aimeraient bien faire compter double en fonction de la taille de votre fessier.

Je ne vais pas la paraphraser, allez la lire, ça vaut mieux. Mais je tenais à dire ici que je m'associais entièrement à son propos. Et aussi que je l'admire. Pour son parcours fulgurant de ces derniers mois, bien sûr, mais surtout pour ce qu'elle raconte sur son corps. Un corps qu'elle a haï et qu'un jour, elle a regardé, touché, carressé, en décidant, ce beau matin, de cesser la guerre.

Ça m'émeut d'autant plus que c'est quelque chose que j'ai été tout bonnement incapable d'accomplir pour l'instant. Je veux dire par là que je me réveille tous les matins, heureuse de sentir les os de mes hanches. Et je sens, au plus profond de moi, que je ne devrais pas.

Edit: ah et pour voter pour BigBeauty sur le concours d'Arte c'est ici: http://fashion.arte.tv/retro-chic-6/?p=1229

De tout, de rien, mais surtout de rien

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Hier dans le cadre d'un article que je prépare, j'ai interviewé une "vlogeuse". Une quoi ? Mais si vous savez, ces filles qui font des tutoriels make-up sur youtube. Ni vraiment blogueuses, ni vraiment vidéastes. Complètement vlogeuses, en somme. Elle m'a confié que pour tourner puis monter une vidéo, il fallait compter plus d'une demi-journée.

Respect. Je n'ironiserai plus jamais sur le sujet.

Ah et non, ce billet n'est pas une façon subtile bien que maladroite de vous annoncer que je me lance dans le business du smokey eyes. On ne serait pas rendues, avec mes paupières auto-tachantes.

A part ça, j'aurais bien des choses à vous raconter mais Rose m'a comme qui dirait siphoné le cerveau hier.

Je crois que rien n'a échappé à son jugement lapidaire favori du moment:

"c'est nul".

Si ça se trouve elle fait une dépression.

Etait donc nul hier: faire un dessin, lire une histoire, jouer avec son bébé, manger ses coquillettes (ce qui confirmerait l'hypothèse de la dépression), faire pipi, prendre son bain, sortir de son bain, me donner la main pour traverser, le ketchup pas exactement à l'endroit voulu sur les coquillettes craignos, s'essuyer les fesses, n'avoir qu'un carambar et pas deux et pour finir, prendre la température (geste ayant précédé l'envoi au coin) (je prends toujours la température quand mes enfants sont casse-burnes AVANT de les punir, on ne sait jamais) (on a l'air con sinon).

J'avoue avoir éprouvé une certaine déception lorsque le thermomètre s'est arrêté à 36,8°.

C'est à dire que ça entérinait un fait déjà maintes fois avéré: non, elle n'est pas malade. Juste super chiante. Et pour ça, le doliprane est totalement inefficace. Pas de bol.

Moi qui pensais avoir finalement traversé sans trop de casse le terrible two, j'avais un poil vendu la peau d'Helmut avant de l'avoir tuée.

Non mais à part ça c'est un vrai bonheur de pouvoir profiter à fond de mes enfants.

Je vous laisse, je vais aller leur mitonner leur gâteau préféré pour quand ils rentreront du centre de loisirs.

J'déconne.

La Virevolte, de Nancy Huston

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Avant de me plonger dans les Harry Potter – non je ne les ai pas encore lus, je sais, je suis une vraie followeuse -, j'ai lu un autre livre offert également pour mon départ du boulot. La Virevolte, de Nancy Huston. C'était bon de relire, à vrai dire. En effet, depuis quelques semaines, ma tête était tellement pleine de questions, de pensées parasitantes et d'émotions contradictoires qu'il m'était strictement impossible de terminer la moindre page.

Le fait d'être arrivé au bout de ce bouquin en une soirée m'a rassurée finalement sur mon état. Je dois commencer à digérer doucement ce grand chambardement, puisque j'ai été capable de me concentrer sur autre chose. C'est là que je vois d'ailleurs la grande différence entre la lecture, pendant laquelle je suis d'une certaine manière active, et le visionnage de séries qui je le crains peut vite devenir pour moi une fuite en avant dans un monde fictif. A petite dose, je me dis que ce n'est pas si grave. Mais ce samedi qui a suivi mon pot de départ et pendant lequel j'ai enchaîné une dizaine d'épisodes de The good wife, je crois que ça revenait à peu près au même que d'avaler un tube de tranxène.

Mais ce n'était pas le sujet.

Le sujet, c'est ce magnifique livre de Nancy Huston, dont j'avais commencé il y a quelques années l'Empreinte de l'ange sans le finir. Je vais, je crois, le reprendre tellement j'ai apprécié le style de la Virevolte. J'y ai retrouvé la sobriété et l'épure de Claudie Gallay, la Claudie Gallay de Seule Venise, surtout.

Et puis cette histoire, cette femme habitée par sa danse, qui ne parvient pas à être mère ET artiste, m'a profondément bouleversée. Non que j'aie fait un quelconque transfert, je ne me vois absolument pas comme une artiste, mais je dois avouer que tout en étant incapable d'imaginer devoir un jour faire ce choix aux dépens de mes enfants, cette femme, par la grâce d'une écriture qui ne juge jamais, je l'ai comprise. Comme j'ai ressenti physiquement le manque éprouvé par ses filles.

Vous l'aurez compris, La Virevolte n'est pas le plus gai des livres et il peut rebuter quelques âmes trop sensibles. Mais c'est une de ces réflexions sur la création et la maternité qui ne pouvait que me passionner. Merci Julie et Nico…