Catégorie : Instants douloureux et petites humiliations

Au revoir l’enfance

Depuis hier on n'est pas très rock and roll à la maison, l'homme a perdu sa mamie. Alors bien sûr à 102 ans on ne peut pas parler de mort injuste.

Bien sûr elle était loin et déjà un peu partie.

Mais voilà, c'est l'enfance qui s'en va. Et c'est mon homme qui a du chagrin.

Alors pour la Nouvelle star, il faudra attendre la semaine prochaine, parce qu'hier la télévision est restée en berne.

De toutes façons, personnellement mercredi dernier, ce qui m'avait le plus plu finalement dans la NS, c'était de rencontrer le jury. Parce que le visionnage m'avait laissée un peu sur ma faim. Pas de gros coup de coeur mise à part Melissa, un peu agacée par les réflexions déplacées de Manoukian et légèrement peinée pour le gros coup de vieux de Lio.

Surtout, surtout, pas assez de musique, trop de télé-réalité. Mais parait qu'à Marseille, la semaine prochaine, y'aura du lourd.

On y reviendra, promis.

Edit: La photo n'a rien à voir et en même temps si. C'est la vie, c'est la relève, c'est l'enfance qui court. Et puis Rose s'appelle aussi Jeanne, comme cette petite mamie qui s'en est allée. Comme si la boucle était bouclée…

La vie en rose

 

Il y a deux jours, après une journée à courir après des
manifestants sous des trombes de pluie, à tenter d'interviewer ces
derniers avec un carnet tout mouillé et par conséquent un bic en grève
(va relire tes notes quand tu n'as que la trace du crayon sur le papier
sans une ombre d'encre) tout ça en comptabilisant une dizaine d'heures
de sommeil réparties sur trois jours (la série de nuits complètes
d'Helmut s'est arrêtée à l'épisode n°3) et sapée comme une merde en
raison d'un effondrement nocturne de ma penderie (si si, c'est
possible) qui rend toute fringue inatteignable tant que l'homme n'aura
pas résolu le problème ("Je ne ferai RIEN tant que tu n'auras pas fait
le tri, aucun mur digne de ce nom ne peut supporter 500 kilos de
pantalons", m'a-t-il averti avec son air que rien n'y fera), bref,
après une journée pleine de rebondissements qu'à côté Jack Bauer c'est
Valéry Giscard d'Estaing sous tranxène, je me suis allongée sur mon lit, mon helmut
au sein.

Et c'était bien.

Jusqu'à ce qu'elle vomisse en jet environ 5 litres de lait caillé. Sur mes seins donc. Et accessoirement sur mon lit. Mon édredon. Ma couette. Mes draps. Mes lunettes. Mon livre de chevet. Mes chaussettes. Mes cheveux.

Un ras-de-marée de faisselle.

Vraiment, la vie est belle.

Edit: Sur les 500 kilos de pantalons, deux seulement me vont et encore, dans les bons jours. Mais je ne vais quand même pas balancer tous ces 40, 42, 44 qui peut-être un jour m'iront, si ? Non.

Pantalon Monoprix, 9 euros en soldes / Bottes Minelli année 2006 garanties sans vomi / Chemise La redoute / T-Shirt American Vintage / protège-slip Always (non visible à l'écran) / Plaid Fly / Tapis Leroy Merlin / Meuble télé Fly / Sur le meuble télé, Otipax périmé /Enfant à vendre sur e-bay.

Edit2: Je déconne, jamais de protège-slip.

C’est quoi cette bouteille de lait ?

 

 

Hier, à table, petite chérie, rebaptisée pour l'occasion Mlle punaise:

– Maman, c'est quoi cette cicatrice, là ?

Moi, ne voyant pas tout de suite où l'adorable veut en venir:

– Hein, quoi, quelle cicatrice, où ça ?

– Ben là, entre tes yeux, t'as une cicatrice. Comment tu te l'es faite ?

L'homme, se tortillant sur sa chaise, conscient de la vilaine tournure qu'est en train de prendre la conversation et déjà assuré qu'à un moment ou à un autre il paiera pour les fautes qu'il n'a pas commises:

– Mais voyons, ma chérie, ce n'est pas une cicatrice, c'est… c'est… une fossette.

 Mlle punaise, ne lachant pas le morceau:

 – Ah bon ? C'est une drôle de fossette. On dirait comme une rivière, un peu. Tu es sûre que c'est pas une cicatrice maman ? Peut-être qu'on peut la reboucher ?

– Non mon ange, ce n'est pas une cicatrice, c'est une ride. Très vilaine. Je la tiens de ma maman qui elle même la tenait de sa maman. Il y en a qui se transmettent des bagues de génération en génération, nous c'est la ride du lion. J'aimerais te dire que tu y échappera mais franchement, je ne vois vraiment pas pourquoi tu passerais au travers, mon coeur. Encore un peu de compote ?

Sérieusement, quand je pense que trois annnées durant je me suis levée la nuit pour cette chipie sans JAMAIS ne lui faire subir de sévices corporels alors que n'importe quel jury m'aurait trouvé une palanquée de circonstances atténuantes, tout ça pour entendre que j'ai une RIVIERE entre les deux yeux. Franchement, Helmut, tu as intérêt à te tenir à carreaux, on ne m'aura pas deux fois.

Edit: On oublie tout ce que j'ai pu dire un jour ou l'autre sur le botox et toutes ces fadaises sur la beauté intérieure. Je veux TOUT savoir sur l'acide hyalurotruc et ses miracles sur les rides en forme de tranchées à même pas 27 ans. Presque 38.

 

Les enfants sont merveilleux

Le jour où l'enfant parait, tu te dis, plus jamais je ne serai seule.

Erreur.

Quand
l'enfant parait, tu entres dans une période de ta vie où certes tu n'es
plus seule – que même tu donnerais cher pour trois minutes d'isolement
– mais où t'attendent de grands, grands, grands moments de solitude.

Je pense bien sûr à ce jour, inévitable, où poupinou sachant enfin parler, te demande de sa voix cristalline et haut perchée pourquoi le monsieur là, sent mauvais. Oui, celui assis juste en face de toi dans le métro. Tu penses bien que sinon ce ne serait pas drôle. Je passe très vite sur toutes les variantes, hein, à savoir "pourquoi le monsieur ressemble à une dame" – alors que c'est une dame -, "pourquoi la dame est noire", "regarde maman, à l'intérieur de ses mains, elle est blanche" pour finir sur le pire qui soit, "pourquoi la dame sent mauvais" qui tombe forcément un jour ou l'autre sur une personne noire et qui te classe définitivement dans la catégorie des parentx xénophobes puisque pour le commun des mortels l'enfant ne fait rien qu'à répéter ce qu'il entend chez lui.

Sauf que toi depuis que poupinette est née tu lui as acheté trois barbies noires, tu la fais garder par Lowette, nigérianne de son état et tu bourres le mou de ta progéniture de principes altruistes et anti-racistes. Probablement trop d'ailleurs vu le résultat contre productif.

Tout ça pour rien, donc.

Bref, l'enfant semble né pour te coller la grosse honte.

Mais ce que j'ai cité plus haut n'est RIEN comparé à MON moment de solitude.

Le mien à moi, MA honte intersidérale que tu ne pourras pas lutter tellement que c'est la pire.

C'était il y a cinq ans environ.

Grand machin n'était encore qu'un tout petit garçon. Angélique. 

Ce jour là, je l'emmène chez le médecin. Un homme d'une cinquantaine d'années bien comme il faut. Et passé l'examen des oreilles, je demande, gênée et balbutiante, si le docteur il pourrait pas regarder un peu plus bas, au niveau du zizi.

Déjà, je fais un gros effort, parce que parler du zizi de son enfant à un médecin c'est, je t'assure, compliqué. Moins que de dire que ta fille a une mycose, tu me diras, parce que là, trouver le vocable qui ne te fait pas passer pour une vieille perverse ("elle se gratte la vulve") ou pour une coincée catholique ("elle a mal à son petit endroit"), voire pour une nunuche immature ("sa zézette la pique"), c'est un sacré challenge.

Bref, je demande au monsieur de jetter un oeil au cui-cui qui, je le crains, ne décalotte pas comme il faut.

Là encore, bonjour comment tu te sens à la limite de la déviance sexuelle. Parce que forcément, si tu SAIS que ça décalotte pas, c'est que tu as regardé. En même temps, tu es sa mère, non ?

Si.

Et d'ailleurs, le médecin ne te regarde pas comme une délinquante.

En revanche, tu sens qu'en tant qu'homme, il a déjà mal pour l'enfant chéri.

Mais il n'oublie pas que son serment d'hypocrate, il l'a prêté. Et que voilà, parfois, être docteur c'est coton. Donc, avec toute la délicatesse dont il semble pouvoir faire preuve et en s'entourant des précautions d'usage, le généraliste dévoué tente de faire sortir le petit oiseau. Tu le vois qui serre les jambes comme si c'était le sien qu'on essayait de décoller de son emballage.

Pendant ce temps, ton petit garçon adorable devient tout rouge mais serre les dents. Un héros, déjà, tu te dis. Mon bouchon, c'est pour ton bien, un jour, tu verras, tu comprendras, que tu te dis, pétrie de culpabilité.

Au bout de deux ou trois essais infructueux, le médecin renonce et t'explique qu'il ne peut pas aller plus loin, trop d'adhérences, il va falloir attendre un peu et peut-être même pratiquer une petite intervention. Bénine. Et sous anesthésie. Parce que là, le bonhomme, il a été courageux mais quand même.

D'accord que tu dis, soulagée que le calvaire de ton chouchou ait pris fin.

Le médecin, libéré de sa tache ingrate, tourne les talons et se dirige vers son bureau pour remplir la feuille de soin.

Et c'est là que ça se passe.

Alors que tu t'apprêtes à rhabiller ton bébé et qu'un silence parfait envahit la pièce, une petite voix – oui, la même haut perchée que dans le métro avec la grosse dame qui sent mauvais – retentit.

"Encore". Et, au cas où on n'ait pas vraiment compris: "Encore le zizi".

T'en as un pire, toi ?

J'en étais sûre.

 

Apte.

Bon alors mardi, je suis allée à ma visite médicale de reprise.

La bonne nouvelle: je suis apte.

La mauvaise nouvelle: je suis apte.

A
part ça, pour une fois la dame ne m'a pas trouvé de jambe plus courte
que l'autre et ça c'est déjà un progrès. Depuis que la médecine
scolaire et du travail existe, ce serait intéressant de recenser le
nombre de personnes dépistées pour une jambe plus courte que l'autre.

Sans rire à l'école c'était neuf élèves sur dix au bas mot.

Et d'une année sur l'autre ce n'était pas la même jambe.

Sinon, on m'a contrôlé les yeux mais AVEC mes lunettes, ce qui, tu en conviendras, ne sert à rien.

Je passe sur l'épisode de la balance.

Que ça fait des années que je me jure de refuser de monter dessus et qu'à chaque fois je me dégonfle.

Non sans rire, je trouve ça génial qu'il existe une médecine du travail. Mais à moins de présenter une obésité morbide ou de montrer des signes flagrants d'amaigrissement, à quoi ça leur sert de m'humilier publiquement tous les deux ans ?

Oui, parfaitement, publiquement.

Du moment où il y a une autre personne que moi même lorsque je me pèse, c'est un peu comme si j'étais Johnny au Stade de France.

Mais à poil sur une balance.

Avec 30 kilos de trop.

Même que j'avais sèché les trois dernières visites pour cette raison. Pour ne pas avoir à passer l'épreuve ultime. Et qu'à l'école, quand y'avait le médecin scolaire qui arrivait, j'en avais des suées toute la journée. D'ailleurs ça loupait jamais, sur le papier qu'il me rendait c'était écrit en gros: SURPOIDS.

J'aurais dû m'habituer. Et bien non, année après année, j'allais chouiner dans les toilettes avec mon papier rose. Pourquoi moi j'avais pas juste une jambe plus courte que l'autre, hein ?

Bon, en même temps, mardi, ça été un electrochoc, je peux te dire.

A croire que cette balance là n'était pas au courant que j'avais accouché.

Truie.

Après, le docteur m'a palpé le ventre et m'a annoncé que ma "petite sangle abdominale", il allait falloir la re-muscler.

Qué "re" ? Que je lui ai répondu.

Enfin, j'y ai fait deux trois exercices de souplesse, à la dame.

C'est à ce moment là que c'est arrivé. Au moment où il a fallu que je m'accroupisse, puis que je me relève avec la seule force de mes jambes.

J'ai piqué du nez.

Tout ça en culotte et soutien gorge.

Cul par dessus tête.

Décédée de honte.

A cet instant précis j'ai compris. J'ai compris que toute ma vie les visites médicales seraient de longs moments de solitude.

A moins de parvenir à en rire.

Mais sur le moment, comment te dire ?

Tu vois, quoi.

Edit: Je crois que je vais rappeler un nutritionniste.

Edit2: Je sais, j'ai toujours dit que non, que c'était fini.

Edit3: Mais la vie n'est qu'une succession de renoncements.

Edit4: "Dans la peau d'une grosse" reprend tous les lundi à 20h au Lie. Pour réserver c'est ICI

Rends moi mes affaires


Je vous ai déjà parlé du troll qui sévit chez moi ? Non, pas ici, les
trolls, moi, j'ai une veine du tonnerre, je suis quasi tout le temps
épargnée.

Non, je veux parler du troll qui a pris possession de mon habitat.

Oui, le même qui change systématiquement de place mes clés dans mon sac et ce, quel que soit le sac en question. Et qui d'ailleurs ne s'arrête pas là et dépiaute l'emballage de mon tampax compact, tire le fil et le noue consciencieusement au trousseau de façon à ce qu'une fois que j'ai retrouvé ce dernier, je perde instantanément ma dignité.

Parce que forcément, cet esprit malin opère exclusivement les jours où j'ouvre ma boîte aux lettres en présence de mon gardien couperosé et libidineux.
Que la simple vue d'une protection périodique parvient à mettre en
érection, on peut être concierge, on en reste pas moins homme.

Bref, donc, le troll aime mes clés.

Mais pas seulement.

Il a manifestement aussi élu domicile dans mon armoire à pharmacie.

Sinon, comment tu m'expliques qu'alors que je donne exclusivement du doliprane à mon bébé, je sois en possession d'une dizaine de pipettes d'Advil et d'aucune du-dit doliprane ?

HEIN ?

Comment tu m'expliques ?

Tu m'expliques pas.

Ai-je
besoin de te préciser qu'à 3h du matin, quand chouchoute est brûlante
de fièvre et qu'il faut tenter d'évaluer quelle quantité de paracétamol
donner dans une pipette qui bien sûr n'a pas les mêmes graduations que
celle du doliprane, les premiers jours du passage à l'euro te semblent
un souvenir plaisant ?

Que dire des heures qui suivent, une fois que tu as donné à vue
de nez le médoc – t'as jamais su convertir des mililitres en
décigrammes alors l'advil en doliprane, ça t'as aucune chance – et que
le silence suspect de chouchoute te fait redouter d'avoir légèrement
surdosé le machin ?

Tu me diras, problème de pipettes ou pas, une
fois que l'enfant parait, ton sommeil, tu te le cares dans le
fondement. Parce que soit le lardon ne dort pas et donc toi non plus,
soit il roupille et toi tu passes ton temps à te réveiller en trouvant
inquiétant tout de même qu'il soit aussi calme.

N'empêche que le
troll, là, j'aimerais bien qu'un jour il me rende: les pipettes de
doliprane, la bonne télécommande de la télé – celle du magnétoscope il
peut la reprendre, on ne s'en sert plus depuis 1995 -, les tubes de
colle UHU achetés par dix, la patafix commandée trois fois chez Hourra
sans que jamais on en trouve quand il faut accrocher au mur un
des innombrables dessins de grande chérie, les douze couteaux à huitres
systématiquement aux abonnés absents le 31 décembre – mais tous au
garde à vue dans le tiroir aux alentours du 8 août – ainsi qu'une
vingtaine de chaussettes évidemment dépareillées. 

Merci le troll, tu seras bien gentil.

Edit:
Non, je ne te parlerai pas de ma reprise, je préfère rester digne,
rappelle toi, Marie Ingals, c'est Florence Foresti, à côté de ce que je
vis.

Edit2: Oui ben quoi la photo ! Je n'avais pas de troll sous la main.

Tu bouffes

Aujourd'hui, pour illustrer cette photo qui n'est qu'un prétexte, c'est un billet déjà publié mais il y a longtemps. Pas de panique, il ne faut pas forcément y voir de message ou d'appel à l'aide. C'est juste que parfois, les vieux démons ne sont pas loin, l'envie d'aller ouvrir le réfrigérateur un peu trop fréquente, les achats de tablettes de chocolat trop rapprochés.

Ces jours là, on tire souvent sur son pull faute de pouvoir tirer sur son ventre, on passe sa journée à regretter ce qui a été avalé sans parvenir à résister à l'appel de la cuisine.

Et pourtant, tout va bien, juste ce besoin de se remplir qui vient de si loin qu'on ne sait plus d'ailleurs s'il fut un temps où il n'était pas là…

 

"Parfois, tu manges. Souvent, tu bouffes. La première part, tu la manges. La deuxième, tu la bouffes. Pour certains, ce n'est qu'une question de vocabulaire, pour toi, c'est un état d'esprit.

Quand tu es entourée, tu manges. Au restaurant, tu fais attention, tu choisis les plats diététiquement corrects, ceux qui ne feront pas lever les yeux au ciel de tes convives, étonnés qu'avec tous ces kilos tu te permettes un confit-patates sautées. Au dessert, tu attends, fébrile, le choix de tes acolytes. S'ils prennent un café, alors toi aussi, tu sautes le sucré, osant même un "je n'ai plus faim, moi non plus".

Menteuse.

En revanche, s'ils demandent la carte des douceurs, tu fais mine d'hésiter, mais au dedans de toi, tu jubiles. S'ils en croquent, alors pourquoi pas toi ? Dans ta tête, tu te répêtes "salade de fruits, salade de fruits", comme une incantation. Pourtant, lorsque le serveur se tourne vers toi, c'est "Fondant au chocolat" qui sort de ta bouche. Mais là encore, tu manges, sagement. Il y a même des soirs où tu ne finis pas. Tu t'appuies alors sur ton dossier, la main sur le ventre et tu soupires que tu n'en peux plus, tu as bien trop mangé.

Menteuse.

Seulement, quand tu rentres chez toi, dans ta cuisine à peine éclairée par le halo du néon de ton réfrigérateur et que personne ne peut plus lever les yeux au ciel, tu bouffes."

Edit: La photo a été prise dans une aire d'autoroute il y a un moment. C'était la plus mauvaise part de flan jamais goûtée…

Cataloguée

Non mais tu sais pas que la Redoute vient de m'envoyer un prospectus pour sa marque Taillissime ?

D'accord,
ça peut m'intéresser. Mais d'où qu'ils se permettent de me stigmatiser
PUBLIQUEMENT vis à vis de mon facteur en envoyant sans banaliser
l'enveloppe un catalogue pour grandes tailles ?

Et d'abord, d'où qu'ils savent que je suis grosse, chez la Redoute ?

Genre ils auraient noté que mes culottes de grossesse je les ai pas prises en taille 38 et du coup, pan, ils me mettent dans la liste des clientes potentiellement visées par la collection de Marianne James ?

Ou alors ils l'envoient à tout le monde, remarque.

Ou pas.

Répertoriée chez Taillissime. Je crois que c'est la cerise qui fait déborder le gâteau là.

Je te laisse, il faut que j'aille jeter ma dernière tablette de chocolat à la fleur de sel.

Edit: Sont pas choupinoux les chaussons ? Si. Et ça explique le pourquoi du comment du taillissime, d'abord.

Ma vie est merveilleuse…

Je sais ce que tu te dis depuis quelques jours. Tu te dis que j'ai de la chance. Que tu m'aimes alors ça va, mais que limite on pourrait finir par me détester d'avoir la gloire, l'amour et la beauté. Voire l'amour, la gloire et la beauté, je ne sais pas pourquoi mais dans cet ordre là, ce sont des mots qui font rêver.

 

Bref, en un mot comme en cent, tu es jalouse.

 

Et je te comprends.

 

Alors comme en plus d'être bientôt pétée de thunes rapport au rachat de la pièce par Christian Clavier qui ne sait plus quoi faire de son argent, je suis aussi une fille au grand coeur, je vais te remonter le moral en te montrant que malgré cette période de gagne incroyable, il m'arrive à mes heures de vivre des moments de grande solitude.

 

Quand ?

 

Pas plus tard que lundi matin, par exemple.

 

Alors que je me préparais pour un rendez-vous au boulot assez important et qui avait accessoirement lieu dans une ambassade, j'ai demandé à l'homme – après avoir foutu en l'air toute mon armoire et constaté que tout de même, là, j'avais peut-être un peu trop dédramatisé mon rapport à la nourriture – si la tenue choisie était "chic", ma fille a fait irruption dans la chambre.

 

"Chic ? Pourquoi tu demandes ça maman ?", m'interroge-t-elle intriguée.

 

"Et bien, mon petit amour, parce que je voudrais avoir l'air un peu chic tu vois, bien habillée, quoi !".

 

Mine interloquée de ma fille: "Ah boooooooon ?".

 

Puis, avant que je puisse réagir, appelant à grand renfort de cris son frère: "Hey, tu sais quoi ? Maman veut être chic !!! Si, je te juuuuure !". Et que le frère se mette à s'esbaudir lui aussi à l'idée d'une telle incongruité, devant l'homme hilare.

 

Tu vois la pub pour Volkswagen où le père tente lamentablement de doubler une pauvre voiture de merde et où ses rejetons se mettent à crier: "papa va doubler, papa va doubler !!! ", comme si le père s'apprêtait à marquer un but décisif en finale de la ChampionsLeague ?

 

Ben là c'était ça en pire.

 

Autre moment Nutella ?

 

Samedi dernier, chez H&M, alors que je venais de dévaliser le rayon femmes enceintes, la caissière, voulant probablement être aimable – mais comme chacun sait, l'enfer est pavé de bonnes intentions – me lance l'air attendri: "Dernières courses avant l'arrivée du bébé ?".

 

Moi, sourire figé: "Oh, non, il me reste un peu de temps (six mois, connasse)"

 

Elle, toujours amène et pas déstabilisée pour un sou: "Ah bon, c'est pour quand ? Mars ?"

 

Dans une telle situation, deux solutions. La première, avouer que je finissais tout juste le premier trimestre, mettre mon interlocutrice dans un terrible embarras et repartir moi même humiliée. La seconde, mentir.

 

Tu ne seras pas étonnée, j'ai donc répondu les yeux dans les yeux que j'attaquais en effet le neuvième mois.

 

Et je suis partie en pleurant.

 

Tu en as assez ? Tu veux toujours vivre ma vie ? Alors une petite dernière pour la route. Hier j'avais mon premier rendez-vous à la maternité. Je passe sur le côté "service militaire" du truc, le gobelet en plastique que la sage-femme te tend en t'aboyant: "allez, elle fait pipi, et ensuite la pesée". Je passe aussi sur l'humiliation de ressortir avec ton gobelet rempli à ras bord, de le ramener au comptoir de la cerbère pour t'entendre dire qu'enfin, "madame, le gobelet, on le laisse sur le petit rebord des toilettes prévu à cet effet, on ne le ramène pas à l'accueil, quand même !".

 

Oui, je te passe toutes ces petites réjouissances pendant lesquelles tu es réduite à un appareil génital et encore.

 

Mais je ne résiste pas à l'envie de te compter l'épisode de la pesée, dans le couloir, exposée aux regards malfaisants , sur une salope de balance qui a eu le culot d'afficher SIX KILOS de plus que la mienne.

 

SIX KILOS, PUTAIN.

 

Ok, je n'ai jamais vu une seule balance de médecin être plus généreuse que ma bonne vieille guimbarde à aiguille trafiquée par mes soins. Mais SIX KILOS !

 

Je ne m'en remets pas. C'est simple, si je n'étais pas enceinte, à l'heure qu'il est j'en serais à mon deuxième paquet de clopes de la journée. Et à mon quatrième Mojito.

 

Tu vois la vie en rose, là, hein ? Allez, me dis pas merci.

 

Edit: Le dessin, que j'adore, est de Bubble Cannelle.

Même pas peur

Parmi mes plus grandes terreurs, après celle de l'avion bien sûr qui est toujours en pôle position même si je travaille beaucoup sur moi même, il y a celle de parler en public.

 

Dire que ça me terrorise est bien en deça de la réalité.

 

Tu me diras, on est jamais OBLIGE de parler en public. C'est vrai. Sauf que souviens-toi, je suis aussi celle qui ne sait pas dire non. Alors, lorsque mon chef me demande au pied levé: "Dis, tu me prépares une intervention sur xxxx, c'est pour dans trois jours et ce sera devant une centaine de personnes". Et bien je réponds niaisement: "Bien sûr, pas de problème, c'est comme si c'était fait".

 

Ensuite je file aux toilettes et après avoir mangé au moins deux ongles – en entier hein -, m'être arraché quelques cheveux et chouiné en me mouchant bruyamment dans du papier toilette, je ressors avec la sensation qu'une enclume vient de m'être directement greffée au niveau de l'estomac.

 

Je passe sur les soirées à me morfondre en imaginant le pire – et quand je dis le pire tu n'as pas idée de ce qui peut me venir à l'esprit: colique intempestive, vomissement en direct, bégayement soudain, et bien sûr, le trou noir qui tue sa mère – et à torturer psychologiquement l'homme. Ben oui, faut bien que quelqu'un paye.

 

Le jour même, je manque rarement l'occasion de scratcher mon collant à l'instant où je me dirige derrière mon pupître et j'ai beau avoir recours à toutes les techniques comportementalistes à la con, rien n'y fait, je suis en panique.

De quelles techniques je parle ? Genre d'imaginer tout ton auditoire en train de faire caca, histoire de le désacraliser. Personnellement ça aurait tendance à me faire encore plus peur. Et puis un homme d'affaires revêche, et bien crois-moi, son air sévère il le garde même aux cabinets. Autre "truc", chopper le regard d'une personne dans l'assistance, ne plus le lacher et faire comme si en vrai ton intervention tu ne la faisais que pour elle ou lui. Sauf que la personne en question, au départ elle est flattée que tu la regardes. Et puis au bout de deux minutes, elle est gênée. Ensuite elle a peur. Et elle tourne la tête ou fait semblant de chercher un truc par terre. D'autant que tu es tellement mauvaise qu'il n'y a vraiment aucune fierté à tirer de passer pour ta copine.

 

Y'a aussi le plan de la respiration abdominale. Mouais. Je dirais pourquoi pas, mais il y a quand même un gros risque de se retrouver en hyperventilation, avec toute la salle qui se met à tourner et ton powerpoint qui danse la salsa.

 

Bon, moi le meilleur truc que j'ai trouvé c'est de me droguer. Ok, ce n'est pas super correct de faire l'apologie de la drogue. Il n'empêche que depuis que j'ai découvert les bêta-bloquants, je suis un poil plus rassurée à l'idée d'aller faire ma Sharon Stone au micro. Parce que cette came, c'est fou l'effet qu'elle te fait. Même pas t'es dans les vappes. Juste ton coeur, il peut pas battre plus vite que celui d'un serpent en pleine mue. Genre dans ta tête t'es en plein nervous breakdown, ton cerveau il envoie plein de signaux à ton corps pour qu'il se mette en mode "panique" avec mains moites, coeur à 200 à l'heure, gorge serrée, voix de fausset étranglée et jambes flageolantes. Sauf que les signaux, ils sont carrément stoppés par la pilule que t'as pris. Et ton coeur, il continue à la jouer Laure Manaudou. Tranquille. Hyper bizarre comme sensation. A l'intérieur de toi tu es vraiment borderline mais à l'extérieur, tu es trop maître de toi même.

 

Bon, après en général tu dors le reste de la journée parce que tout de même, ton organisme, il est grave au ralenti. N'empêche que pendant un instant, un instant seulement, tu as fait illusion: même pas peur.

 

Edit: Il va de soi que ce genre de drogue est prescrite sur ordonnance par un médecin, qu'elle a probablement des contre indications et que c'est très mal d'utiliser des béquilles comme celles-ci. N'empêche que ça m'a récemment sauvé la mise.