Lundi, j'étais tellement détendue du panty à l'idée de prendre l'avion que pour la première fois de ma vie, je suis partie sans avoir deux heures d'avance sur mon timing. En plus j'avais enregistré en ligne, du coup je me sentais super Barbara Gould, genre la fille qui a des kilomètres au compteur au niveau du check-in. Sans compter que j'avais mis mes bottes camel Chloé-like qui sans me vanter me donnent un côté assez irrésistible.
En un mot, j'avais la confiance des grands jours. La baraka.
Résultat, quand je suis arrivée dans ma salle d'embarquement, un poil étonnée de ne pas voir beaucoup de monde en train d'attendre, je me suis pointée comme une fleur devant l'hôtesse pour demander si l'avion avait du retard ou quoi.
– Pour Bologne ?
– Heu, oui, Bologna, quoi.
– Mais madame, pour Bologne, c'est fini.
– C'est fini, comment ça c'est fini ? L'av, l'av… vous voulez dire mon av… il est… il est… ? (inutile de préciser qu'en une nanoseconde Barbara Gould venait de se ratatiner comme une vieille merde dans ses bottes camel de chez La Redoute)
– Oui, l'AVION, madame (ton légèrement condescendant qu'on aime bien dans ces circonstances), l'avion pour Bologne dont l'embarquement a pris fin il y a plus de dix minutes, est prêt à partir, plus personne ne monte à bord.
"Ah mais non, ça n'est pas possible, il faut que je monte dans cet avion (mon dieu, si un jour on m'avait dit que je prononcerais ces mots), appelez-les, s'il vous plait", ai-je fini par articuler dans un effort surhumain. Je n'étais que supplique.
Il faut dire que j'étais déjà en train de calculer mes assedics, rapport que j'avais un poil sur-vendu mon déplacement à ma hiérarchie et que le billet, acheté au dernier moment n'avait pas non plus coûté que la moitié d'un bras.
J'étais, autrement dit, prête à m'humilier en me trainant aux pieds de la pimbêche d'Air France, pour qu'elle trouve une solution. Problème, cette dernière n'en avait rien à foutre et semblait déjà passée à autre chose, concentrée sur son fond d'écran histoire de bien me montrer à quel point MON problème n'était plus SON problème.
Je dois mon salut au fait qu'à côté de Miss pimbêche, il y avait un homme que j'ai de suite supputé stratégique vu qu'il était équipé d'un tawkie waukie. Et dans un aéroport ça te pose là, d'avoir un tawkie.
Limite ça m'excite.
Bref, je peux vous dire que ça m'a bien servi, qu'il soit en wifi avec l'équipage de l'A318 en partance pour Bologne. En effet, après que je lui ai fait mon regard de cocker éploré avec ce petit truc en plus qui signifiait que je pourrais éventuellement lui montrer mes seins s'il me faisait entrer dans ce fucking plane, il a intimé l'ordre au pilote – ou au steward mais je préfère l'idée que ce soit au pilote, ça en jette plus et ça colle mieux dans mon fantasme – "d'attendre la petite dame".
Je sais, "la petite dame" ne laisse pas vraiment présager d'un rapport sexuel bref mais torride avant de pénétrer dans le cockpit.
D'autant qu'après, lorsqu'il m'a escortée jusqu'à l'avion, il m'a lancé un plutôt sec "il n'est pas interdit de courir" qui m'a fait me demander si je n'avais pas un peu sur-interprété son attirance pour moi.
C'est quand il est reparti repêcher une autre retardataire aussi sexy qu'Eva Joly, qu'il a elle aussi appelée "la petite dame" que j'ai du me rendre à l'évidence, le gars au tawkie n'était que gentil.
Un peu déçue mais malgré tout reconnaissante, je lui ai quand même montré mes seins. Ensuite il a donc fait rouvrir les portes du coucou. Je ne vous dis pas la tronche des PNC.
Aux portes.
PNC aux portes. Mouahahaha.
Tout ça pour dire quoi ? Ah si. Tout ça pour dire qu'avant, un truc pareil, d'être rattrapée par la peau du cou pour prendre un avion aurait immédiatement provoqué un mauvais délire dans mon cerveau malade sur le mode "c'est un signe du destin, si tu montes dans ce cercueil volant, tu ne seras pas LA miraculée qui confiera son histoire au Parisien le lendemain d'un crash terrible au dessus du Val d'Aoste".
Avant, donc, j'aurais bien yoyotté. Et ben cette fois-ci aussi.
Comme quoi hein.
Le lendemain, bien échaudée quand même, je suis partie à 10h de la conférence pour un avion à 12h30. Suis arrivée à 10h15 à l'aéroport (j'étais pas loin faut dire).
Et mon avion n'a finalement décollé qu'à 14h, avec près d'une heure et demi de retard (ce billet est décidément haletant).
Après qu'on nous ait expliqué qu'on venait de le faire voler à vide pour vérifier deux trois trucs qui avaient semblé déconner à l'aller, au niveau du freinage.
Il faudrait voir à se demander si là haut y'a pas un plaisantin qui se fout ouvertement de ma bobine. Ou qui cherche à me faire perdre mon sens commun. Ce qui, on en convient, est, lorsque je me trouve dans un aéroport, à la portée du premier crétin.
J'ai dans un premier temps étudié la possibilité d'attendre le prochain vol. Et puis comme je mourrais de faim et d'envie de rentrer chez moi, j'ai foutu une grosse beigne à la cinglée qui squatte mon cerveau et je suis montée la tête haute dans l'appareil endommagé, non sans me livrer à quelques prières au cas où le crétin sus-mentionné ait quelques pouvoirs autres que celui de me faire des blagues pas drôles.
Au final tout c'est bien passé, si ce n'est qu'Air France c'est plus ce que c'était et qu'à l'heure du déjeuner on t'offre royalement un paquet renfermant 8 faux curly.
La morale de tout ça, ben c'est que y'en a pas, en gros.
Edit: au cas où certaines auraient imaginé que j'allais faire la dolce vita à l'ombre des vieilles pierres italiennes autour d'un bon verre de chianti, je tiens à rétablir la vérité, au risque d'endommager ma réputation glamour: je n'ai vu de Bologne d'un Holiday Inn en banlieue, choisi parce qu'il était à cinq minutes d'un centre de conférences sordide. J'ai mangé dans la cafète de l'hôtel et bu en guise de café un nespresso bien de chez nous. On n'est pas chez Garance Doré ici, ça se confirme.