Catégorie : Coups de calcaire

Lettre à monsieur Dukan d’une fille qui tirait sur ses pulls

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J'avais prévu d'écrire une lettre ouverte à ce monsieur Dukan qui a réussi à se faire une pub d'enfer à pas cher en glissant une proposition bidon et dangereuse dans son livre à paraître. D'aucuns dénonceront l'instinct grégaire des médias qui ne mettent pas cinq minutes à se jeter comme la misère sur le bas clergé sur la première ineptie proférée par un homme dont on ne sait même pas vraiment d'où il tient son titre ronflant de nutritionniste. En même temps, difficile de se taire devant tant de bêtise et le panneau, je tombe dedans aussi, évidemment. Mais comme je ne souhaite même pas m'abaisser à expliquer pourquoi je trouve consternante cette proposition de donner des points supplémentaires au bac aux jeunes qui correspondraient aux canons de l'IMC politiquement correct, je vais plutôt vous raconter une histoire.

(un peu longue, je préviens ceux qui seraient pressés, ne cliquez pas sur lire la suite)

Celle d'une petite fille qui aux alentours de 13 ans s'est mise à grossir. Elle n'avait jamais été très mince, mais les hormones aidant et tout un autre tas de facteurs qu'elle a fini par identifier des années plus tard, les kilos se sont envolés à un âge où la dernière chose qu'on souhaite est de se faire appeler la grosse. A l'occasion d'une visite chez son pédiatre, ce dernier, très à cheval sur ces choses là – un précurseur probablement – l'a vertement sermonnée. Ça n'était pas possible, il fallait absolument prendre les choses en main, arrêter de manger autant, enfin madame, surveillez-la, et vous jeune fille, un peu de VOLONTE que diable.

En sortant, elle a pleuré, elle s'en souvient. Et le soir même, elle s'est mise à jeuner, appliquant à la lettre le régime qui à l'époque faisait rage et qui tenait son nom d'un chef cuisinier, monsieur Oliver. Avec le recul, elle aurait du se méfier. Il n'empêche qu'à force de manger scrupuleusement du fromage blanc sous l'oeil légèrement inquiet de sa maman, elle a commencé à maigrir. Beaucoup et vite. A 13 ans, il ne faut pas bien longtemps pour fondre. Problème: elle était fatiguée. Très. Tellement fatiguée qu'elle a été prise de vertiges en classe. Le pédiatre, en la voyant arriver amaigrie et chancelante, l'a à nouveau engueulée. On ne s'était pas compris, lui a-t-il expliqué, moins manger ne signifiait pas faire la grève de la faim, et puis ce régime était idiot, il fallait juste faire un peu attention. Comment, pourquoi, ça il préférait qu'elle le trouve toute seule, hein. Mais ça tenait en un mot la fameuse VOLONTÉ. En attendant, c'en était fini de ces imprudences, à la poubelle monsieur Oliver.

Sauf que c'était trop tard. Le ver avait été mis dans le fruit. La petite fille, avec la bénédiction pensait-elle de son censeur, s'est jetée sur tous les gâteaux dont elle s'était privée les semaines passées. Et même un peu plus, au cas où. C'est ce au cas où probablement dont elle n'a par la suite jamais su se débarrasser. Au cas où un autre médecin lui intimerait l'ordre de maigrir à nouveau, au cas où y'aurait la guerre, au cas où elle soit prise à nouveau de vertiges.

Au fil des ans, la petite fille a grandi, beaucoup grossi, parfois maigri. Elle ne s'est bien sûr pas arrêtée à ce premier régime, les enchainant avec enthousiasme et espoirs insensés. Certaines diètes ont marché, d'autres moins. Une année, alors qu'elle terminait ses études, elle a carrément arrêté de manger ou presque. Moins vingt kilos et l'impression étrange et euphorisante qu'elle allait disparaitre. Dix mois plus tard, elle en avait repris 25 et ainsi de suite. Dans les années 90, elle a découvert les sachets protéinés. Ahhh, les sachets. Ces pancakes en poudre au goût métallique, ces "pudding" à la vanille platreux et laxatifs. Et la phase de sta-bi-li-sa-tion. Qui ressemblait à s'y méprendre au régime Dukan, avec viande et protéines animales à tous les étages et gros contrôle sur les légumes sucrés type carottes et haricots verts. Le mal, les carottes. A nouveau, jackpot, moins 15 kilos. Et l'apparition de l'obsession. Du poids, des hanches qui saillent, de l'en-cas protéiné qu'on mangera dans deux heures, putain c'est long deux heures. Et non, je ne veux pas aller bouffer chez truc, elle va encore faire des lasagnes, tu sais bien que je déteste ça. Enfin, j'adore ça, mais ça revient au même, on se comprend. Oui, je fume deux paquets par jour, mais essaie, toi, de ne bouffer qu'un quart de pomme en dessert et dis-moi ce que ça te fait. Je suis heureuse, je mets du 38, mais je ne pense plus qu'à ça et j'ai l'haleine qui pue l'acétone à 20 kilomètres. Je suis géniale en même temps, non mais tu en connais des qui ont une volonté pareille ? Je suis une merde, oui, j'ai craqué, j'ai mangé une carotte. J'en pouvais plus des poivrons. Je ne suis pas folle tu sais ? Tu m'aimes encore ? Comment fais-tu ? Non je ne tire pas sur mon pull. C'est sur mon ventre, que je tire, en réalité, mais il est toujours là, ce con.

Et puis cette impression impossible à chasser que de toutes façons, il y aurait toujours des kilos à perdre, encore plus, encore mieux. Et les contrôles de ce médecin, pignon sur rue place de la Madeleine, des consultations à 120 euros pour monter sur la balance, prendre vaguement une tension et soupirer qu'elle aurait déjà du passer sous les 55, là. Tout juste s'il a cillé quand elle lui a annoncé son envie de faire un enfant.

Une envie qui lui a probablement sauvé, sinon la vie, au moins son couple et sa raison, réalise-t-elle aujourd'hui. Parce que dans ce corps qui ne lui semblait pourtant pouvoir accueillir personne tant elle s'était mise à le haïr année après année, deux bébés ont décidé un jour d'automne de s'installer et de grandir. Des bébés qui avaient besoin, lui assura sa gynéco merveilleuse, de carottes, de haricots verts, mais aussi de riz au lait, de chocolat et de tout aliment dont elle avait envie. Et l'envie, elle n'avait que ça. Tant et si bien qu'elle n'a jamais su combien de kilos elle avait amassés durant ces sept mois de grossesse. Elle s'est arrêtée de compter à 30. 

Après ça, la petite fille devenue maman n'a plus jamais cédé aux sirènes des sachets ou autres régimes vantés dans les magazines. Elle a malgré tout erré longtemps encore de nutritionnistes en nutritionnistes, espérant tomber un jour sur celui qui trouverait les mots et lui expliquerait comment en finir avec tout ça. Maigrir, elle n'y croyait plus vraiment, arrêter de grossir déjà serait bien. Mais hors de question de recommencer à se priver, hors de question de peser les aliments ou d'accepter ne serait-ce qu'une fois qu'une bonne femme hystérique mesure ses cuisses semaine après semaine pour voir si elles étaient ou non "gorgées de flotte". Ne plus jamais entendre qu'à Auschwitz il n'y avait pas de gros. 

Un beau jour, à l'aube de ses 40 ans, elle a fini par toquer à la porte de celui qui non seulement ne la pèserait jamais, ne lui promettrait jamais une quelconque perte et ne lui interdirait plus rien, mais qui, cerise sur le gâteau, parviendrait à lui faire perdre plus de poids que tous les régimes déjà essayés. En lui parlant de la faim, des émotions, de la satiété, de la nécessité d'être pleinement consciente de ce qu'elle mange, quand elle le mange. Deux ans plus tard, elle vient de passer une semaine entre amis à manger un peu plus que de raison. Prétendre qu'elle ne s'est pas dit deux ou trois fois qu'elle allait le payer cher serait mentir. Dire qu'elle n'a pas peur que tout ça recommence, que les kilos reviennent pendant la nuit serait là encore malhonnête. Mais jour après jour, mois après mois, elle se surprend à y croire. Peut-être est-elle sortie de ce cercle infernal. Peut-être n'aura-t-elle plus jamais à passer par là. 

Voilà, monsieur Dukan. Vous et vos disciples, vous et vos préceptes ineptes avez failli me faire basculer de l'autre côté. Celui dont on ne revient jamais parce qu'un jour le corps ne peut plus faire machine arrière. Parce que j'ai cru, très jeune, qu'être mince était l'alpha et l'omega du bonheur. Parce que croyant à vos chimères, j'ai fini par m'oublier. Tenter de corréler sveltesse et réussite au bac est la dernière étape d'un long travail de sape entrepris depuis des années consistant à faire penser que les gros ne sont que des larves sans volonté, indignes de notre société si performante. Et ce faisant, on fabrique, jour après jour, de plus en plus d'obèses, tellement angoissés à l'idée d'incarner justement ces valeurs contraires à la croissance qu'ils n'en finissent plus de manger pour se réconforter.

Je suis convaincue qu'il suffirait déjà de ne plus cultiver ce dégout des capitons pour que l'obésité cède du terrain. Mais ça ne fait pas vendre, cette théorie. C'est compliqué, un peu tiré par les cheveux, presque louche. Pourtant, ce que j'ai retenu du docteur Zermati, celui par qui l'équilibre, non pas alimentaire mais l'équilibre tout court est arrivé, c'est ce qu'il m'a dit lors d'une de mes dernières séances avec lui: "Vous irez vraiment bien lorsque vous poserez un regard bienveillant sur les personnes en surpoids que vous croisez tous les jours". Ce regard bienveillant je m'efforce de le poser désormais, parce que ces personnes là sont toutes un peu mes soeurs. Je suis elles pour toujours, je l'ai été et le serai peut-être à nouveau, parce que parfois, la vie fait que. Et cela n'enlèvera rien à ma qualité d'être humain. Je crois que c'est probablement cela qui devrait ajouter des points au bac. Mais ça n'est hélas, pas gagné.

Leave Kate Winslet alone

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Les magazines féminins n'aiment rien tant que de se trouver des "stars" qui entrent dans leurs cases. Au hasard, on a Charlotte Gainsbourg, l'actrice pas si fragile que ça, Vanessa Paradis l'icone secrète à la vie de rêve (vous saviez qu'elle vit avec Johnny Depp ?), Scarlett Johanson la rebelle arty et… et Kate Winslet, la fille qui s'assume.

Qui s'assume quoi, on se le demande un peu, au premier abord. N'ayez crainte on va vous l'expliquer, que ce soit dans le Elle ou le Glamour et à n'en pas douter dans une palanquée d'autres titres étant donné qu'elle est à l'affiche du dernier Polanski (= en promo et donc en couv de tout ce qui est en papier glacé).

Kate assume donc. Pas d'avoir divorcé, d'être anglaise aux Etats-Unis ou de s'afficher sur une pub pour montres très chères. Non, la meuf assume d'être grosse. Bien évidemment, il n'est pas question d'utiliser ce mot là, on est entre gens bien. On parlera donc plutôt de ses formes "généreuses" (non ça n'est pas un compliment, ça fait bien longtemps que la générosité, qu'elle soit au propre ou au figuré est à ranger avec ces "qualités" méprisables, comme la gentillesse ou la modestie), de sa silhouette pulpeuse, de sa poitrine opulente ou encore de ses tenues qu'elle ose porter moulantes (le courage) en faisant fi des canons du star system.

Autant dire qu'elle force l'admiration, surtout avec ses rides. Ah oui parce que je ne vous ai pas dit ? Elle ne se contente pas d'être une truie. Elle milite contre la chirurgie esthétique. Si. Kate Winslet est à Hollywood ce que Aung san su kii est à la Birmanie. Deux minutes de silence s'il vous plait.

Sans même vous rejouer le couplet – déjà suffisamment chanté sur ce blog à maintes reprises – de la dangerosité d'un tel discours sur les filles pas super sûres de leur popotin et qui se regarderont d'un autre oeil quand elles auront fini par intégrer que Kate Winslet est obèse, je suis surtout affligée par le degré zéro de perspicacité de ces articles. Je veux dire, on est d'accord que par rapport à pas mal d'autres, Kate a probablement un IMC à peu près normal et pas de 10 points en deça du seuil d'extrême maigreur. Mais nom d'un chien, quelle pauvreté dans ce traitement !

A croire que les rédactrices de ces canards pour meufs sont dotées d'autant de personnalité qu'un champ de trèfles. Depuis qu'une de leurs congénères a décidé un jour que dans la case "actrice qui dit non aux diktats" (= sympa mais… sympa, quoi) on y collerait Kate Winslet, pas un papier sur elle n'a changé d'angle. Dommage parce que cette comédienne est blindée d'atouts qui n'ont rien à voir avec son tour de hanches. A propos de ce tour de hanches, je trouve personnellement qu'il varie d'ailleurs au gré des photos et des rôles (en gros elle passe régulièrement de très mince à normalement constituée (= énorme pour Lauren Bastide et ses copines)), preuve s'il en est que la demoiselle est probablement soumise bien plus qu'on ne le dit aux impératifs esthétiques du milieu. Attention, je ne juge pas, c'est juste que ça met un peu à mal le discours sur sa croisade anti-conformisme. Et que si ça se trouve, la fille saine et rebelle qu'on nous décrit sans cesse est une nana qui peut à ses heures s'infliger des régimes draconiens ou descendre son placard les soirs d'angoisse. On n'en sait rien. Et peut-être qu'on s'en fout.

Plein d'atouts, disais-je. Pour commencer, c'est une actrice formidable. Qui mène sa carrière de manière plutôt très intelligente, choisissant ses rôles avec flair (j'ai beau chercher, je ne trouve pas un seul vrai navet dans lequel elle ait joué, à part peut-être holidays mais j'avais quand même aimé). Qui semble avoir un peu de jugeotte (mais hélas ça ne joue certainement pas en sa faveur, outre l'adjectif "généreux", il en est un qui veut souvent dire "moche", c'est le terme "intelligente") et qui donne l'impression de mener une vie plutôt à la marge du star system (ce qui ne l'empêche pas d'être de beaucoup de red carpets vêtue de robes de créateurs, donc je veux bien qu'elle roule ses clopes mais Kate n'est pas à proprement parler non plus la Mélanchon de Los Angeles, qu'on ne s'y méprenne pas).

Bref, à condition de bosser un peu le sujet, de refuser de ré-écrire une énième fois le même papier sur le mode "Kate, toutes les femmes l'adorent parce qu'elle a plein de défauts comme nous", il serait à mon avis possible de parler d'elle différemment. Oui mais là ça poserait un problème: on y mettrait qui à la place ? Non parce que Laetitia Casta a vachement maigri, c'est chiant.

Edit: sur la photo, Kate Winslet dans Mildred Pierce, une mini série qui m'a personnellement enchantée cet été. Je ne sais pas s'il est possible de la regarder légalement mais je vous la conseille…

Vermines en tous genres

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Hier je me posais la question: avant, je veux dire, il y a dix ans, ça existait les agences de notation ? Non, juste comme ça, quoi. Si ça se trouve, c'est comme les serre-tête. Jusqu'à ce que ça s'appelle des head-band, on n'en parlait pas et puis là, pof, si tu n'en as pas t'as raté ta vie. Si ça se trouve, avant les agences de notation avaient un autre nom, genre "attachées de presse du ministère de l'économie" ?

Je ne sais pas pourquoi mais quelque chose me dit qu'on se fait balader. Que peut-être, si ça se trouve, les critères d'évaluation des agences de notation sont définis d'une telle façon qu'en gros, en dehors de la soumission aux lois du marché, point de salut.

Enfin je dis ça mais d'une manière générale, je n'y connais rien à la mode. A l'économie non plus mais ce n'est pas le sujet. Si ?

Voilà, à part ça, j'aime écouter France inter le dimanche matin. Je commence avec Rebecca Manzoni et son Eclectique – la semaine dernière c'était Jean-Pierre Bacri et c'était passionnant, ce qu'il racontait sur la façon dont lui et Agnès Jaoui écrivent leurs scénarios et surtout leurs dialogues, podcastez ! Ensuite, c'est le "on va déguster" qui remplace très avantageusement l'émission de Jean-Pierre Coffe que j'aimais aussi – l'émission, pas l'insupportable Coffe – mais moins que celle-ci. Dimanche c'était sur les bonbons. A la fin j'avais limite du diabète. Et je finis sur l'émission de Stéphane Paoli qui ne cesse de m'étonner alors qu'avant je le détestais. Là il était question de la Syrie, avec Manon Loiseau, reporter de France Télé qui en revenait. Ces gens canardent sciemment les enfants dans la rue. C'est moi, ou en plus de Kadhafi qui avait planté sa tente à deux pas de l'Elysée, Sarkozy avait aussi accueilli Bachar El Assad ? Ah si, c'est bien ce qui me semblait. Ça doit être ce qu'on appelle la realpolitik. Cela dit je pinaille. Parce qu'à l'époque, notre président l'avait assuré. Lui et son nouveau potos avaient parlé "de manière très franche des droits de l'homme". Alors bon.

Voilà, sinon hier soir en couchant leur soeur, le machin et la chérie sont formels: ils ont vu un pou. Ou même deux. C'est assez amusant, faites le test chez vous si vous avez des enfants. Le simple fait d'évoquer l'éventualité d'une contamination d'un des nains déclenche dans la seconde le même réflexe chez chaque membre de la famille. Le grattage compulsif. Au geste tout le monde joint en outre la parole:  "ça y'est ça me gratte". Absolument superflu mais c'est de l'ordre du réflexe primitif à ce niveau là. Dans la foulée, la mère de famille – jamais le père, évidemment – annonce avec la détermination d'un Nicolas Sarkozy qui en aurait plein son béret de tous ces connards de dictateurs qui y'a peu étaient ses amis: "Demain j'achète du pouxit. Et tout le monde y passe. C'est ça ou la boule à zéro".

Si seulement tout était si simple. Un coup de pouxit et la vermine est exterminée. Enfin, ça c'est la version optimiste. Parce qu'en réalité il est probablement plus facile de zigouiller un tyran que d'anéantir ces sons of a bitch de poux.

Surtout que comment dire ? Mère nature sur ce coup ne l'a pas oubliée, number three. Raiponce, qu'on l'appelle.

Danielle Mitterrand: souvenir d’une brève rencontre

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Parfois l'évidence se niche dans les détails. Hier, pour moi, ces détails révélateurs de la médiocrité ambiante furent ces cinq énormes fautes d'orthographe dans un communiqué de quatre lignes sur la mort de Danielle Mitterrand.

De l'Elysée, le communiqué.

A tous ceux qui se posaient la question, il semblerait que Nicolas Sarkozy écrive donc bien lui même ses lettres de condoléances.

Danielle Mitterrand, je me souviens l'avoir rencontrée à 24 ans, alors que je commençais tout juste ma vie professionnelle. Alors stagiaire dans un centre de documentation, je l'avais accueillie avec ma directrice qui était une de ses amies. Sans réellement être capable de l'analyser, je nourrissais une admiration particulière pour elle à l'époque. Elle était tout de même la femme de François (le devoir d'inventaire cher à Jospin n'était pas encore en vogue). Une figure de la gauche, surtout. Parfois presque un peu trop, les amitiés avec Fidel me sont toujours restées un peu en travers de la gorge.

Il n'empêche qu'elle avait été très douce et très aimable, ce qui, j'ai pu le vérifier par la suite, est loin d'être le lot de tous les grands et moyens de ce monde.

Le soir, j'avais appelé mes parents pour le leur raconter, je crois. Je m'étais dit que ça y'était, j'étais en train de commencer quelque chose, j'étais là ou "ça" se passait. Je devenais une femme active parisienne. Dit comme ça c'est un peu ridicule, mais sans venir de la cambrousse ni d'un milieu ultra modeste, serrer la main de Danielle Mitterrand pour la petite provinciale débarquée à la capitale que j'étais, incarnait, je crois, une porte qui s'entrouvrait.

Bonne journée.

Life guard

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Donc la débacle du triple A, c'est à cause des fraudeurs à la sécu. Tous ces cancrelats qui passent leurs journées à s'inventer des maladies qui n'existent pas. Sans compter les feignasses qui bouffent de l'arrêt maladie comme d'autres des sachets protéinés. Et ces petits malins qui ont deux cartes vitales, hein ? On les connait les combines, il ne faut pas croire. Un cancer pour la société, je vous dis. Heureusement, dieu merci, nous avons à la tête de notre beau pays des gens qui n'y sont pas arrivés par effraction, eux, et qui savent appeler un chat un chat et un précaire… un salaud. 

Bref le gouvernement ne va pas se laisser faire. Enfin plus exactement il ne va pas NOUS laisser faire. Parce que le fraudeur c'est lui, c'est elle, c'est toi et c'est sûrement moi. 20 milliards qu'on coûte chaque année à notre belle patrie.

Mais fini de rigoler, on a mangé notre pain blanc. J'espère que vous en avez bien profité de vos arrêts de complaisance. Parce que désormais la princesse va arrêter de payer.

En plus des mutuelles qui augmentent, du coca light qui va coûter une blinde et de la douloureuse au restaurant qui va monter en flèche (bizarrement les prix n'avaient pas baissé avec la diminution de la TVA mais là je sens le café à 4 euros à Paris), voilà qu'on va donc en plus se prendre un jour de carence en plus en cas de grippe.

Ce qu'il y a de bien avec ce plan de rigueur qui n'en est pas un (le mot ne fait pas partie du référentiel sémantique distribué au dernier conseil des ministres) c'est qu'à chaque fois que tu penses que ça peut pas être pire, tu apprends qu'en fait, si.

Pendant ce temps, notre président qui se démène comme pas permis pour nous montrer à quel point il a enfin pris la mesure du poste (il a beaucoup changé, vous savez ?), a d'autres sujets de préoccupation le pauvre.

C'est à cause de Carla.

Elle a des angoisses au niveau de son lait. Si ce n'est pas une preuve qu'ils sont comme nous, hein. Première dame ou pas, ce n'est finalement qu'une maman qui se demande si manger du fenouil stimule la lactation et qui est probablement obligée de tirer son lait pour éviter les engorgements.

Heureusement que cet heureux événement est un grand bonheur privé qu'ils ne veulent surtout pas nous imposer. Imaginez que cette immense mais intime joie personnelle soit survenue au début du quinquennat, avant que Nicolas ait changé. On avait droit au bouchon muqueux.

Voilà, à part ça je pense que le parti socialiste pourrait à minima élever une statue en l'honneur de Nafissatou Diallo, la Jeanne Darc de Solferino. Non parce que je ne peux pas croire que quiconque place Beauvau ignorait quoi que ce soit des petits voyages de Dodo la Saumure et de ses copines au FMI. M'est avis que ce serait sorti. Mais de préférence en janvier 2012. A un moment où là on aurait été bien marrons et obligés de voter Mélanchon. La fête. En attendant, je ne veux pas tirer sur une ambulance mais quand même, les partouzes à l'Aventure. On se croirait dans un roman de Guy Des Cars. Glauque.

Pour oublier tout ça, aujourd'hui je vais aller voir Les neiges du kilimandjaro. Un film de mon idole Guédiguian. Avec plein de gens dedans qui sont de gauche, des bons sentiments à la pelle, de la solidarité en veux tu en voilà. Avec des acteurs un peu vieux, pas très beaux mais qui me remuent les tripes à chaque fois, même que Gérard Meylan, avec ses cheveux un peu grassouilles, sa bedaine et son air de pitbull, c'est quand il veut. Darroussin aussi d'ailleurs, tout dégarni qu'il est. Quand à Ariane Ascaride, je voudrais lui dire tellement de choses. Je ne saurais pas par quoi commencer.

Edit:  Je me doute que ce billet ne manquera pas de faire réagir les pour/contre allaitement, les experts en fraude aux allocs, ou encore tous ceux qui détestent Babar. Ecoutez, franchement, amusez-vous. Personne ne me fera croire que la déroute actuelle est imputable aux petits arrangements avec la sécu que font forcément beaucoup de gens. Je ne trouve pas ça bien et je suis du style à gonfler mes revenus sur ma feuille d'impôts tellement j'ai peur d'en avoir oublié. Mais enfin, ce serait comme nous faire gober que si la planète se réchauffe c'est à cause de la veilleuse allumée toute la nuit pour le petit dernier. La fraude sociale, il ne faut pas perdre de l'esprit qu'elle est due majoritairement aux entreprises, pas aux particuliers…

« J’ai pas dit ça »

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Bon j'ai donc bien compris que nombre d'entre vous avaient poliment pouffé en lisant mon billet d'hier dans lequel je vous faisais part de ma "joie" de voir ma fille grandir. Voire même que certaines d'entre vous m'avaient probablement regardée avec la même condescendance qu'une multipare multi-épisiotomisée face à une future maman lui expliquant que son vagin ne souffrira pas durant l'accouchement étant donné qu'elle se le masse à l'huile d'olive depuis huit mois.

Ok, ok, ok.

Rétablissons donc la vérité.

Samedi soir, j'ai éprouvé ce sentiment fugace de joie en regardant mon bébé chéri piapiater gaiement avec sa copine.

Ce qui n'empêche évidemment pas qu'il se passe rarement un jour sans que j'essaie de me rappeler pour quelle raison exactement il y a un peu plus de onze ans on a eu le churros et moi cette idée saugrenue d'avoir un rapport sexuel. Si ça se trouve, on aurait baisé le lendemain, on aurait peut-être tiré un numéro qui ne lève pas les yeux au ciel à toute heure.

Parce que ce sur quoi j'ai jeté un voile pudique hier, c'est qu'à la distribution de la mauvaise foi, ma chérie – qui reste ma préférée, c'est dans l'adversité que se mesure l'amour véritable – a été bien servie.

Euphémisme. 

Et dieu m'est témoin, la mauvaise foi est LE TRUC qui me fait partir au quart de tour. Je préfère une porte qui claque, une engueulade en bonne et due forme, voire même découvrir un paquet de capotes au fond de son cartable plutôt que  ÇA.

EXEMPLE ?

La scène se passe un soir, un lundi, un mardi ou un mercredi, on s'en tape. Ma fille arrive avec sa tête d'enterrement (celle qui annonce un drama mauvaise foi):

– Haaaaan, ENCORE DES PÂTES. (soupir).

Moi, crevée, consciente qu'en effet c'est la douzième fois en trois jours, mais pas d'humeur:

– Charmant, merci, la prochaine fois tu sais quoi ? Je ne ferai RIEN. Au moins, ce sera un truc que tu n'auras pas mangé la veille.

Là, attention, tadaaaaam, LA PHRASE SYMPTOMATIQUE DE LA MAUVAISE FOI, que je sens venir comme les vieux le mauvais temps:

– Oh ça va, j'ai rien dit.

Palpitations, fourmillements au bout des doigts, tous les signaux sont au vert, je commence ma mutation ANTI-MAUVAISE FOI.

– Si, tu viens de soupirer bruyamment et de dire TEXTO:  "haaaaaan, encore des pates". (dernière phrase prononcée en la singeant, ce qui, je sais ne va faire qu'aggraver le SYNDROME DE LA MAUVAISE FOI).

Tadaaaaam…

– Mais non, j'ai pas dit ça.

– Heu… SI TU AS DIT ÇA.

– (soupir). De toutes façons, je ne peux rien dire, ça ne va jamais, je sais pas ce que je t'ai fait.

– N'ESSAIE PAS DE DETOURNER LA CONVERSATION, TU AS FAIT UNE REFLEXION DESAGREABLE, ADMETS-LE. TU AS DIT "haaaaaaaaan, encore des paaaaaaates"

– Non, j'ai pas dit ça et en plus je l'ai pas dit comme ça.

– HA ! TU L'AS DIT !  TU VIENS D'ADMETTRE QUE TU L'AS DIT ! HA HA HA HA ! (légère perte de contrôle)

– Non. Je l'ai pas dit que je l'ai dit.

– RAAAAAAHHHHHHH. (tentative rapidement avortée de respiration abdominale qui ne marche pas dans le cas d'un épisode caractérisé de MAUVAISE FOI, pas plus d'ailleurs que mon "je suis un parcmètre, rien ne peut m'atteindre") Okayyyyyy, tu n'as rien dit, c'est moi qui suis dingue, j'entends des voix, houhou, c'est peut-être la sainte vierge, appelle moi Bernadette et sortez les camisoles ! (voix de folle)

– … (silence affligé et haussement des yeux, ce qui à ce moment là de la conversation est plus irritant qu'une fissure anale).

– OUUUUUUUUHHHH . Ecoute moi BIEN ma petite fille. Toi et moi on SAIT ce que tu as dit. C'est entre TOI et TOI que ça se joue, là, après tout. Laisse moi te dire que je te prédis une vie bien compliquée si tu persistes à ne jamais admettre tes torts et à nier les évidences. Ce sont des années de souffrance que tu te prépares. Et ne viens pas te plaindre quand tout le monde t'aura tourné le dos – oui TOUT LE MONDE MA PETITE –  à cause de ta MAUVAISE FOI CONGENITALE.

A ce stade de la conversation personne ne se risque en général à glisser que congénital est à peu de choses près synonyme d'héréditaire et que les chiens ne font sûrement pas des chats.

De toutes façons, tout le monde a le nez dans ses pâtes et on entendrait une mite péter.

C'est en général à ce moment là que je réalise que certes je n'ai pas frappé ma fille mais que quelque part il n'y a pas non plus de quoi être fière étant donné que je lui ai balancé qu'elle mourrait seule bouffée par ses chiens.

Sentant que je flanche, la pauvre enfant condamnée à trente ans de malheur par sa maratre pour avoir osé soupirer devant un plat de pâtes – trop cuites qui plus est – en profite pour nous faire SA sortie de table, drapée dans une dignité offensée digne des plus grandes.

Aung Su Ki a la souffrance tapageuse, à côté.

Et comme de bien entendu, la famille entière me regarde comme s'il était évident que j'étais à l'origine du génocide rwandais.

ALORS QUE PUTAIN ELLE L'AVAIT DIT, MERDE.

Bref, ça craint.

 

 

Je suis contre

Troy davis
Il parait que quelques secondes avant l'injection, il a redit à la famille de ce policier mort il y a vingt ans, qu'il n'avait pas tiré. Il parait qu'il a demandé à ses proches qui s'apprêtaient à le regarder mourir, de continuer à enquêter pour défendre sa vérité.

Il parait qu'alors que ses bourreaux libéraient le poison, il a imploré Dieu d'avoir pitié d'eux pour ce qu'ils allaient faire.

Il parait que ses derniers mots ont été "Dieu vous bénisse".

Je crois qu'au delà de l'horreur de cette exécution, de l'invraisemblable doute qui entoure cette affaire (7 témoins clés sur 9 se sont rétractés) et de mon opposition viscérale à la peine de mort, c'est ce qui me met le plus en colère ce matin. Cette idée qu'il n'ait pas, à quelques secondes de mourir, alors qu'il n'avait plus le moindre espoir d'être gracié, exprimé sa haine pour ce qui allait lui arriver. J'ai beau me dire que pour lui, c'était sans doute mieux d'avoir fait la paix avec ce putain de destin et que sa foi a sacrément du l'aider, je me demande si ces salades bigotes ne sont finalement que des outils au service de cette morale américaine à deux balles. Après tout, puisque là haut Dieu reconnaitra les siens, pas si grave qu'on ait fait une boulette avec celui-ci, hein ?

J'ai hésité avant d'écrire ce billet. Pas par peur de voir débarquer les hordes de défenseurs de la peine de mort – pitié épargnez nous le sempiternel "oui mais si on tuait ton enfant ?" – (j'ai quinze ans de débats sur la peine de mort au compteur, je vous attends, je pourrais demander une validation des acquis de mon expérience en la matière).

Pas par peur non plus de vous ennuyer avec un post pas glam.

Juste parce que je me demande bien à quoi ça sert.

Un peu comme Pénélope qui dans son très beau billet s'interroge sur le bien fondé ou non de parler de ces choses là sur un blog. Et puis je me dis que si j'ai pu inciter certaines d'entre vous à choisir un livre plutôt qu'un autre ou un top en dentelles à Monoprix, j'ai peut-être une minuscule fenêtre de tir. Je peux peut-être faire vaciller une certitude chez un ou une âme égarée sur ces pages. Ça ne serait alors pas perdu. Et puis je me dis aussi que des mots sur Troy Davis, il va y en avoir des milliards sur le web aujourd'hui. Et que c'est peut-être le seul hommage que nous puissions lui rendre: prouver aux autorités américaines que nous sommes infiniment nombreux à nous opposer à la barbarie qui consiste à oter la vie d'un homme, plus de 20 ans après sa condamnation.

Je précise enfin que même s'il était coupable de ce meurtre, Troy Davis n'aurait selon mes convictions, jamais du être assassiné à son tour.

 

Brèves de comptoir

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Hier, une bombe a explosé aux actualités télévisées: Jeannie Longo se serait DOPÉE.

Je ne pouvais pas y croire. Jeannie, NOTRE Jeannie ? Alors ses performances de jeune fille à un âge canonique (87 ans, non ?) ne seraient pas le fruit d'une constitution exceptionnelle et d'un entrainement sportif intensif ?

C'est tout un monde qui s'est effondré sous mes pieds. Et sous ceux des commentateurs sportifs et présentateurs de journaux. Il fallait voir leur mine sidérée et leur visage de circonstance pour annoncer la triste nouvelle. A prendre néanmoins avec des pincettes, merci de respecter la présomption d'innocence.

Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy jouait le tout pour le tout en annonçant des mesures encore plus répressives pour les jeunes délinquants, récupérant par la même occasion une pauvre proposition de Ségolène Pardon (l'encadrement militaire des voyous). La veille, c'était Claude Guéant, celui qui voyait des roumains partout, qui nous promettait qu'on allait leur faire la peau à ces salauds de voleurs d'I-phone. Tout ça sur fond de révélations abracadabrantesques d'un avocat qui vient de voir la vierge, laquelle lui ayant intimé l'ordre d'ouvrir les vannes de sa vérité. A priori, le gars, avant de se prendre pour Bernadette Soubirou, il jouait les porte-serviette pour les dictateurs africains désireux de graisser la patte de Chirac (l'anosognose) (se dit de quelqu'un qui ne veut pas aller à son procès) et de son pote brushé.

De quoi faire trembler la République.

Ou pas.

Non parce qu'en même temps, il y a une semaine, une juge assermentée a révélé dans un ouvrage de deux journalistes du Monde (un torchon comme chacun sait) que des témoins lui avaient confié avoir vu Sarkozy recevoir des liasses de billets de la mère Bettencourt.

Un coup de tonnerre qui eut les conséquences que l'on sait.

A savoir… aucune.

Ah, si. La juge en question a été écartée du procès Servier (grosse fiesta du coup chez l'apothicaire).

Et on parle des "repérages téléphoniques" (ce qu'on appelait du temps de Mitterrand des écoutes) effectués aux dépens d'un journaliste du Monde (ce torche-cul), co-signataire du bouquin avec la juge ? Non, on ne va pas en parler. Guéant (également appelé "touche pas à mon G4") a dit que c'était complètement normal.

Heureusement, la presse tout entière s'est révoltée et on a vu des milliers de journalistes manifester pour leurs libertés.

Ah non. On me dit que j'ai rêvé.

Servier, Bettencourt, emplois fictifs à la mairie de Paris, mallettes de fric d'Omar Bongo, Karachi, Clearstream… Au royaume des affaires, rien ne se perd, tout se tranforme. La question que je me pose en fait c'est celle-ci: qu'est-ce qu'il faudrait pour qu'il puisse devenir envisageable que le pouvoir soit ébranlé ? C'est comme si cette succession de scandales n'avaient qu'un écho de circonstance dans les journaux du jour pour disparaitre des radars le lendemain.

En attendant, hier, ce qui semblait vraiment inquiéter les présentateurs, c'était de savoir pour QUI le mec à Jeannie avait-il diable acheté de l'EPO. Certainement pas pour not' championne. On ne peut pas y croire.

Ah et aussi, on nous a bien rassurés, maintes et maintes fois: non non non, nous n'avons AUCUN souci à nous faire, rapport à la branlée que sont en train de se prendre certaines banques françaises. Surtout on vous en prie, ne retirez pas vos économies.

Bref, tout va bien. A moins que pas du tout. Ce qui revient exactement au même.

 

Les manuels scolaires auraient donc mauvais genre ?

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Faut-il parler aux enfants de l'homosexualité ? Le débat sur l'identité de genre, sur ce que signifie être un homme ou une femme, socialement, affectivement, ou sexuellement parlant a-t-il sa place dans les manuels scolaires ? Peut-on continuer à supporter que tant d'adolescents attentent à leur vie parce qu'ils se sentent "différents" et que cette différence leur est présentée comme étant monstrueuse leurs petits camarades, leur famille ou même leurs gouvernants ?

A ces questions, je réponds personnellement: OUI, OUI et NON.

OUI je veux que mes enfants sachent le plus tôt possible qu'un couple peut être composé de deux femmes ou de deux hommes.

OUI je souhaite que lors de leurs cours de SVT mes enfants se voient expliquer, à l'aide de manuels spécialement conçus pour eux, qu'on nait sexué, certes, mais qu'être homme ou femme ne se borne pas au port d'une grosse paire de couilles ou d'un vagin prêt à recevoir la semence divine.

NON, je ne veux pas que mes filles ou mon fils puissent préférer mettre fin à leur vie si précieuse plutôt que d'assumer une éventuelle homosexualité.

Oui, je pense comme la brave Simone de Beauvoir, qu'on ne nait pas femme, qu'on le devient. Et pareil pour les hommes.

Partant de là, j'avoue, je ne comprends pas pourquoi 80 députés, dont certains ont manifestement sauté quelques marches lors de l'évolution de l'espèce humaine, – je pense notamment aux inénarables Christian Vanneste et Lionel Luca, figures hautes en couleur d'une droite décomplexée et résolument anti-tantouses – consacrent une énergie démesurée à faire interdire quelques manuels scolaires coupables d'un crime manifestement sacrilège, à savoir parler de tous ces sujets, conformément aux directives des programmes scolaires. A les entendre éructer contre ces brûlots on pourrait penser qu'on y trouve un guide des meilleures back-rooms de Paris, un mode d'emploi pour fister son chéri ou quelques conseils spécifiquements adressés aux filles qui aiment bouffer des chattes, du genre "tournez votre langue dans le sens des aiguilles d'une montre".

Qu'on se rassure – ou pas – les passages incriminés sont autrement moins funs. Ils rappellent des choses qui vont mieux en le disant, comme le fait par exemple qu'on peut se sentir ultra viril tout en aimant les garçons, que la façon dont on élève les filles et les garçons influent sur leur comportement, que se considérer à 100% homme ou femme n'est pas évident pour tout le monde, etc. De quoi filer une grosse jaunisse à Yves Jego, chef de file des pourfendeurs de la "théorie du genre" (terminologie qui n'apparait pas dans les livres, soit dit en passant).

Et parce que sans alcool la fête est moins folle, l'un de ces députés, le très élégant Lionel Lucca, a même cru bon d'amalgamer sans trembler pédophilie, homosexualité et… zoophilie.

Si ce n'était pas aussi triste, ce serait drôle.

Sauf que c'est triste.

Ça l'est d'autant plus que cela sape le boulot d'une association comme SOS homophobie, qui travaille depuis des années à l'information des enfants et adolescents dans les écoles. Les membres de cette organisation partent en effet chaque année avec leur bâton de pélerin, porter la bonne parole dans les établissements scolaires. "C'est en sensibilisant aujourd'hui les jeunes Français-es que l'on évite les victimes de demain", rappelle SOS Homophobie dans un communiqué de presse publié aujourd'hui.

Malheureusement, je crains que ça ne soit pas l'avis du gouvernement ni de l'UMP. En témoigne le soutien apporté par Jean-François Copé(tte) à cette fronde (c'est vrai en plus que c'est réellement un sujet de première importance, ce n'est pas comme si le chômage, la précarité, la crise et compagnie étaient en train d'exploser) ou la très molle défense par Luc Chatel de la nécessaire prévention de l'homophobie (tout en précisant que c'est pas lui qui a écrit les manuels, hein, siouplait, mes électeurs, j'vous jure, mon nanus à moi c'est chasse gardée et si ça ne tenait qu'à moi, je les brûlerais, ces livres de tarlouses).

Voilà, ces derniers jours, je ne vous dis pas, j'ai la rate qui se dilate et des remontées acides tous les matins, tant le nombre d'atrocités proférées par cette meute paniquée à l'idée de perdre les futures élections me fait horreur. Mais ce sujet là méritait plus qu'un petit down au milieu d'un long billet.

"On est tous des Berlinois", avait déclaré en d'autres circonstances Kennedy. Sans me prendre pour ce brave JFK (j'ai le melon mais tout de même), j'ai envie de le paraphraser et de conclure ainsi: on est tous des pédés.

Edit: le seul point positif de cette histoire c'est que désormais tout le monde connait la signification du sigle SVT.

Edit2: Sur la photo, deux bénévoles de SOS Homophobie lors d'une intervention au collège.

 

Non aux grossesses allégées !

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J'ai autour de moi quelques amies enceintes. Je passe sur l'envie parfois qui me prend de planquer un coussin sous mon ventre pour rejoindre leur club, je crois qu'on a tous compris qu'à 75 ans je me poserai encore la question du 4ème.

Mais là n'est pas le propos pour aujourd'hui, je ne voudrais pas qu'on puisse penser que je ramène toujours tout à moi.

Non, ce qui me met hors de moi et me donne envie de bouffer du gynéco, c'est la terreur que leurs médecins ou sage-femme semblent exercer sur mes amies et beaucoup d'autres quant au quotas de kilos autorisés.

Attention, je parle là de femmes ayant débuté leur grossesse avec un IMC à faire pâlir Kate Moss. Et qui, à 6 ou 7 mois affichent une prise de poids d'une bonne dizaine de kilos, ce qui ne les rend pas vraiment obèses. (je pense peser plus lourd qu'elles trois, même aujourd'hui).

L'une d'entre elles, brindille au ventre joliment rond et qui lorsqu'elle est de dos ressemble à une lycéenne, s'est entendu dire hier par son médecin – un gentleman – qu'il allait falloir sérieusement se calmer, si elle voulait "qu'on la reconnaisse à la fin".

Résultat: alors qu'elle aurait du ressortir avec la banane parce que son petit mec présente toutes les caractéristiques du bébé en pleine forme, je l'ai croisée les yeux qui piquaient et méga stressée à la perspective de la prochaine visite. Elle avait peur de se faire engueuler.

J'avoue, ça me rend hystérique. Ah c'est sûr, terroriser et culpabiliser les femmes pour une tablette de chocolat ou deux trois religieuses en trop, c'est hyper facile. Prendre du temps pour leur parler de leur moral, de leurs angoisses, de la façon dont elles appréhendent l'arrivée de leur enfant, c'est déjà un peu plus compliqué. Sans compter que l'anxiété, ça ne se pèse pas, c'est emmerdant.

Je ne nie pas que pour certaines, une prise inconsidérée de kilos peut représenter un danger, pour elles ou le bébé. Je n'ignore pas – ô combien pas – que retrouver sa ligne ensuite c'est difficile et déprimant. Je suis d'accord pour qu'on rappelle doucement aux femmes que l'adage de manger pour deux est un poil surestimé.

Mais je trouve d'une tristesse absolue que ces neuf mois soient dominés pour une grande majorité par la peur de grossir. Ce qui est tout de même un combat perdu d'avance parce qu'à moins d'être une ancienne Spice Girl maquée à un footeux tatoué, pondre un mastard de trois kilos implique nécessairement de s'enrober un peu.

Mais non, désormais, les femmes sont donc priées de procréer light. Je serais curieuse de connaitre les chiffres réels qui prouveraient qu'une prise de 20 kilos pendant la grossesse nuit à la santé, de la mère ou du nourrisson. Je voudrais bien qu'on compare ces risques à ceux du stress induit par les incantations diététiques des gynécos.

Dans ces moments là, je réalise que mon obstétricienne était réellement merveilleuse. Non seulement elle ne m'a jamais fait le début d'un sermon mais surtout, la seule fois où la question fut abordée – aux alentours du 28e kilos pris pour mes jumeaux – elle le fut sous cette forme: "Vous avez une idée de ce qui vous a fait grossir ces dernières semaines ? Est-ce que vous avez plus mangé parce que vous êtes tendue ?".

Ce qui avait déclenché des torrents de larmes salvatrices. Et qui avait réduit le nombre de casseroles de riz au lait ingérées quotidiennement.

J'avais du passer de 4 à 2. Grosse fierté.

C'est amusant, en y pensant, je crois que ma gynéco est la madame Jourdain du zermatage.

Voilà, c'était mon coup de gueule du vendredi. Leave les femmes enceintes alone, merde. Quoi.