
Il y a ces pensées obsédantes, incessantes, qu’il est difficile d’arrêter lorsque l’horizon s’arrête désormais à la fenêtre du salon. Il y a ces moments de calme, lorsque chacun des occupants du foyer confiné s’attelle à sa tâche. Il y a la promiscuité quotidienne, l’obligation de temporiser chaque départ de feu parce que l’on sait qu’il n’y a pas de repli possible, qu’il faut immédiatement s’excuser, accepter le compromis, tolérer l’agacement. Il y a, presque, lors des repas, l’impression que finalement, ça n’est pas si grave, pas si différent des jours d’avant. Et puis tu sors, pour la première fois depuis cinq jours, pour acheter ces oranges que tu presses avec l’énergie du désespoir tous les matins en te persuadant qu’après tout, elles ont bien vaincu le scorbut, pourquoi pas le Corona. Tu sors dans cette rue déserte habituellement empruntée par les voitures, tu t’approches du supermarché et tu les vois, les gens comme toi, qui se sont extirpés de leur tanière, par nécessité et peut-être, aussi, comme toi, pour vérifier que l’on est pas non plus complètement incarcérés. Ils sont silencieux, se tiennent à deux mètres les uns des autres et attendent le droit d’entrer. Alors que tu approches, un homme vient en face de toi et vous avez tous les deux ce réflexe quasi animal de changer de trottoir. C’est lui qui fait le premier pas, tu lui souris, petit signe de tête, tu as compris et lui aussi, rien de personnel. En lire plus »