Affaires courantes et hypocondrie par procuration

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 Hier Rose était malade, pas grand chose, l'éternel combo rhino/trachéo/broncho/truc, avec toux qui va bien et enfant chonchon qui vous appelle toutes les deux secondes pour vous annoncer qu'il "coule mon nez". En temps normal elle a un minimum d'autonomie, mais à plus de 37,8°, il n'y a plus personne, limite il faudrait l'allaiter à nouveau. La nuit, elle s'est glissée dans mon lit, envoyant son père dans le sien. Passées les trois premières minutes délicieuses où son petit corps chaud est venu se lover contre le mien, autant vous dire que j'ai rapidement élaboré des stratégies d'expulsion. Et vas-y que je me mette à l'horizontale, et vas-y que je fais l'étoile de mer, et vas-y que je te tousse dans la figure. Et maman j'ai soif, et maman mon nez il coule, et maman j'ai chaud (pas moi mais bon, ok, on enlève la couette) et maman j'ai froid (et ben on la REMET) (NON JE NE M'ENERVE PAS ALORS S'IL TE PLAIT NE PLEURE PAS), etc.

N'étant plus une prime jeunesse, (c'est fou comme dès 28 ans on récupère moins), je me traine depuis hier avec une liste longue comme le bras de trucs à faire et un entrain en dessous du niveau de la mer.

Corrolaire de cette fatigue, ma légère tendance à imaginer le pire est au top. Ce matin, la chérie est venue me montrer une plaque rouge qu'elle a sur le thorax, qui, après examination très scrupuleuse m'a rappelé les taches qu'elle avait après une séance de kiné respiratoire, sorte de têtes d'épingles rouges, résultant de l'éclatement sous la peau de petites veines.

Comme toujours dans ces cas là, j'ai d'abord paniqué, regardé sur Internet (et donc ouvert la boite de pandore, N'ALLEZ PAS VOIR LA PAGE WIKIPEDIA DU PURPURA RHUMATOIDE) puis envoyé un texto à mon frère médecin (bien qu'il n'ait que 13 ans et que je lui fasse par conséquent une confiance limitée).

"Hello, Lou a des boutons sur le thorax, ça ressemble à des pétéchies est-ce que je dois m'inquiéter ?"

Réponse laconique de mon frère: "Ce qui est inquiétant c'est que tu connaisses le mot".

Je ne suis pas folle tu sais. 

Voilà, sinon la tarte aux framboises s'est révélée un bon traitement pour Rose. Ou tout du moins les framboises. 

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A demain…

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Hier je sortais du métro place de la Bastille vers 19h et je l'ai sentie. L'imminence de l'heure d'été et avec elle la promesse de soirées plus douces et de verres en terrasse qu'on prend en général trop peu souvent, mais dont on se dit que c'est possible. Chaque année, c'est le même émerveillement, les mêmes illusions que je caresse. C'est d'une banalité désolante, je le sais, mais j'aime d'amour cet instant où soudain, je me sens basculer dans le printemps. Toute à ma joie, j'ai pris ces deux photos, en sachant pertinemment qu'elles ne retranscriraient pas exactement cette lumière mais peut-être un peu et finalement, je n'en suis pas totalement mécontente, c'était tout de même presque ça, ce rose poudré.

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Et comme pour célébrer ce passage, j'ai eu le plaisir d'assister au premier concert parisien de La Grande Sophie, au Café de la danse. Il y avait toute l'émotion du début de tournée et une joie manifeste d'être là. A la fin, elle est descendue de la scène et a chanté son dernier morceau au milieu du public, à quelques centimètres de nous. C'était poétique et ça m'a presque donné envie de pleurer.

Après, on a bu un verre avec Coralie et j'ai échangé quelques mots avec L., une lectrice qui était de l'ombre jusqu'alors et sur laquelle je mets désormais un visage. Je ne sais pas si j'ai su le lui dire mais ses mots m'ont touchée, beaucoup. 

Un court billet, donc, écrit un peu pour elle parce que lorsque je suis partie, elle m'a dit "à demain", et que j'ai répondu "à demain", tout en me disant que merde, je n'avais justement rien écrit, pour demain. Un billet pour tous ces visages que je ne connais pas mais dont je sais qu'ils sont là tous les matins, presque à portée de main et ça aussi, c'est poétique, au point de me donner envie de pleurer, un peu.

Bonne journée et merci d'être ces visages.

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Tu as maigri ?

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Il y a le "tu as maigri ?" pour faire plaisir. Le "tu as maigri?" soupçonneux, presque inquisiteur, qui sous-entend "tu t'affames". Il y a le "tu as maigri" surpris qui pourrait vous laisser penser qu'avant vous étiez un gros tas. 

Il y a le "tu as maigri" hypocrite, qu'on prononce alors même qu'il est évident que c'est le contraire qui est arrivé. Le "tu as maigri" contrarié, parce que soudain vous avez changé de camp.

Il y a le "tu as maigri" inquiet, qui signifie "est-ce que ça va ?". Il y a le "tu as maigri" qui semble vouloir dire "tu es belle", et celui qui est suivi d'un avertissement "arrête-toi là".

Dix-mille façons de le dire et autant de le recevoir. 

Je continue, j'avoue, d'être surprise par la récurrence de ces mots me concernant alors même que je ne perds plus de poids depuis plus d'un an maintenant. Encore récemment, ce repas avec quelques anciens collègues et ces exclamations: "on te reconnait à peine, tu as fait quoi, Dukan ?". Lorsque je les ai quittés en février dernier, je pesais deux kilos de moins qu'aujourd'hui. Bien sûr, il y a cette distance qui fait qu'on ne se souvient pas, il y a aussi cette évidence, durant mes huit ans là bas, j'étais, dernière année mise à part, très enveloppée. C'est cette image qui reste, persistance rétinienne. Je crois que dans dix ans, on me la renverra encore. Celle qui a maigri.

Je ne saurais vraiment dire si cela me plait ou non, probablement un peu, je crois que ça dépend de l'intention que je perçois. Lorsque ces mots sont tellement appuyés que je peux entendre à quel point j'étais, "avant", énorme, j'ai un peu mal pour celle que j'étais, j'ai presque l'impression de la/me trahir en acquiescant avec un sourire. Mais d'une manière générale, je ne boude pas mon plaisir. Tout en étant, je le constate, beaucoup moins avide de cette "reconnaissance".

Toutes celles qui ont fait des régimes et perdu du poids ont j'en suis sûre connu cette ivresse d'avant soirée, lorsqu'on sait que l'amaigrissement sera applaudi. J'imagine que cette excitation répond à un besoin inextinguible de consolation de ce passé de grosse. Je crois qu'il n'y a pas d'âge pour éprouver ce sentiment de victoire. Pourtant, au fil de mes conversations avec le docteur Zermati et surtout, depuis un an, au fil de mes réflexions personnelles je suis convaincue que c'est cette attente vaine d'approbation et d'admiration qui suscite la peur de grossir à nouveau. D'autant que passées les deux ou trois premières minutes où l'on peut éventuellement faire sensation (ou en avoir l'illusion), ces gens que l'on veut impressionner n'en ont finalement pas grand chose à faire et c'est tant mieux.

Cesser de chercher dans le regard des autres cette estime de soi qu'il ne pourront nous donner, c'est à mon sens la clé. Pas évident, mais qui a dit que c'était facile ?

Edit: j'adore ces photos prises avec un certain degré d'alcoolémie samedi soir lors de l'anniversaire de ma chère C. Fanny avait acheté un rouge à lèvres YSL "laque" qui une fois appliqué semble se figer et tient toute la soirée. Enfin surtout sur Fanny ou Zaz parce que moi y'a pas, je le mange, laqué ou pas. Mais il est tout de même plutôt pas mal. 

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 Elles sont pas belles ces bouches en cul de babouin ?

L’armoire des robes oubliées, de Riikka Pulkkinen

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En vacances je lis. Mais beaucoup. A tel point que parfois je me demande si j'ai vraiment besoin de partir aussi loin pour finalement fusionner avec un transat, une pile de bouquins à mes côté. La réponse est oui, je crois que mes livres auraient tout de même moins de saveur si je les avalais dans mon canapé. Il n'empêche qu'en une semaine j'en ai donc éclusé cinq, dont trois gracieusement donnés par ma dealeuse de bouquins.

Celui dont il sera question aujourd'hui n'en fait pas partie, je l'ai payé de mes deniers après avoir lu plusieurs bonnes critiques à son sujet. Je n'ai pas regretté. Il est écrit par une Finlandaise et c'est fou parce que je trouve que cette écriture des pays du Nord a une vraie singularité. Je ne saurais vraiment l'exprimer, mais il y a une façon de décrire les tourments intimes, de parler des corps, de l'amour mais aussi de la nature qui est très particulière, crue sans être brutale, avec une sensualité un peu abrupte. Une économie de mots aussi, des phrases souvent assez courtes, qui rendent la lecture très fluide.

C'était mon quart d'heure masque et la plume, en vous remerciant.

"L'armoire des vieilles robes oubliées", puisque c'est de ce livre qu'il s'agit, avait tous les ingrédients pour me séduire: une histoire de femmes, de grand-mère, de mère, de filles et d'amantes, une réflexion sur le couple, la fidélité, la famille que l'on se construit mais aussi celle qu'on choisit sciemment ou non de mettre en danger. Une réflexion enfin sur la vieillesse, le renoncement et les adieux.

Elsa, pédiatre de renom, est en train de mourir d'un cancer. Alors qu'elle lui rend visite, Anna, l'une de ses deux petites filles, découvre une robe dans l'armoire de sa grand-mère, dont elle ne se souvient pas qu'elle l'ait jamais portée. Elsa lui confie que la robe a en effet appartenu à une autre, qui fut, durant un temps, la maitresse de Martti, l'amour de sa vie. Un secret enfoui qu'Anna n'aura de cesse d'essayer de comprendre, au point de partir à la recherche de la mystérieuse propriétaire de cette robe que son grand-père chéri aima donc alors qu'elle n'était pas encore née.

C'est mélo mais pas tant que ça, grâce à une écriture puissante et sans fioriture. Et puis l'auteur aime profondément ses personnages, avec leurs faiblesses et leurs failles. Elle les aime tant qu'on rêve de tenir la main de la flamboyante Elsa, d'aider Anna à se relever de sa propre rupture, de consoler Martti de cette perte qui s'annonce et de retrouver nous aussi l'enigmatique Eeva, celle qui un jour dit à Marrti: "Ne me demande jamais d'aimer raisonnablement, tu pourrais tout aussi bien me demander de me changer en pierre".

Un vrai coup de coeur pour un livre qui reste en mémoire et qui interroge longtemps après qu'on l'ait refermé.

Edit: L'ouvrage s'ouvre sur une très belle citation de Karen Blixen: "On peut supporter tous les chagrins s'ils font partie d'une histoire ou si l'on en écrit une à leur sujet". A méditer…

J’aime #16

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Comment en est on arrivés à ce que le sujet central de cette campagne soit la viande hallal alors même que la France vit la plus grosse crise de son histoire ou tout au moins des 40 dernières années, mystère. Comment un président peut se permettre alors qu’il est interrogé sur son bilan et ses erreurs de tout mettre sur le compte de son ex – la grue qui l’a quitté le pauvre – sans que les journalistes ne lui rappellent qu’il n’est pas sur le plateau de « Confessions intimes », re-mystère. Comment tolérer que la seule annonce faite par ce même président lors de cette émission de télé de mardi soir soit la division par deux du nombre d’immigrés au prétexte qu’en gros d’eux viennent tous nos maux, re-re-mystère.

Je n’aime pas du tout ce que j’entends, ce que je vois, ce que je lis. Et bien que rassurée par les sondages qui persistent à donner Hollande gagnant, je suis loin d’être tranquille. Je ne doute pas que la machine de guerre UMP ait encore quelques tours dans sa manche.

Je n’aime pas du tout du tout du tout les campagnes électorales, en fait, je voudrais passer directement à la grosse bringue de la place de la Bastille du 6 mai.

A part ça, j’aime… En lire plus »

Sophie, la grande

  La grande sophie

A treize ans, la Grande Sophie avait déjà monté un groupe avec son frère et jouait dans le garage de la maison familiale à Marseille. Et à bien y réfléchir, elle dit qu'en fait elle a toujours su qu'elle serait chanteuse. Pas forcément une nécessité impérieuse, ni un désir violent, mais une évidence. Même dans les moments où elle a pris un peu le large, aux Beaux-Arts par exemple, où elle a étudié après le bac, elle ne pouvait s'empêcher de mettre de la musique. "Je construisais des formes à côté desquelles je posais des petits hauts-parleurs qui diffusaient ma voix ou un air que je jouais à la guitare. A un moment, j'ai réalisé que la musique ne me lâcherait jamais".

Alors Sophie "monte à Paris", un rêve qu'elle chérissait depuis sa première visite de la capitale à 12 ans. Et elle n'a plus jamais arrêté d'écrire, de composer et de chanter. Il y eut des périodes plus faciles que d'autres, des petits boulots pour manger, mais elle refuse de parler de galère, un mot qu'elle n'aime pas, qui ne reflète pas sa réalité. Il y eut des albums aussi, des critiques de plus en plus encourageantes et un noyau de fans fidèles, présents à chaque concert. La Grande Sophie n'est pas de celles qui se font paparazzer au Baron ou sur la place des Lices, qui trustent les radios ou deviennent jurés dans des émissions de télé-réalité, mais elle a su au fil des ans faire sa place dans le paysage embouteillé de la chanson française. Avec une constance et une authenticité qui la distinguent de toutes les comètes qui brillent le temps d'un album. Ça c'est moi qui le dit, Sophie, elle, parle d'un chemin qu'elle s'est tracé, de plaisir et de travail. Elle dit aussi qu'elle est un peu sauvage et qu'elle a la création solitaire.

Si je l'ai rencontrée, c'est parce que depuis un mois, j'écoute littéralement en boucle son sixième album, "La place du fantôme". Un rendez-vous que j'ai sollicité, ce que je ne fais jamais (l'idée même de demander quoi que ce soit est la plupart du temps pour moi une torture) mais là, je ne saurais l'expliquer, cet album m'a tellement bouleversée, m'a tant parlé, que j'avais cette envie un peu fleur bleue de pouvoir l'en remercier. 

Quand l'adorable Coralie de chez Polydor m'a prévenue que ce serait donc pour mardi, 17h au Delaville café, j'ai dans un premier temps sauté de joie, puis été la seconde d'après complètement tétanisée. Une fois que je lui aurais dit merci, qu'est-ce que j'allais bafouiller, moi qui ne connais rien à la musique et qui pour toute critique musicale dispose dans ma besace de deux expressions: "j'adore/non, trop de guitare électrique" ?

Trop tard, le truc était lancé, alors je me suis pointée pas bien fière, en priant pour que La Grande Sophie soit du genre compréhensive et aimable, pas l'artiste allergique à toute question sortant du cadre promotionnel ou ostensiblement agacée de se cogner la promo. 

Ce fut, vous vous en doutez, la première option. D'une grande douceur, Sophie plante ses yeux dans les vôtres pour vous répondre et a l'élégance de sembler trouver pertinentes les questions les plus anodines (en même temps, est-ce que "il est merveilleux cet album" est une question ?). Plaisante et discrète, avec cette légère distance qui fait qu'on se garde bien d'être intrusive. Ce qui n'aurait de toutes façons que peu de sens tant elle se livre dans l'album. Les dix morceaux de La place du fantôme déroulent en effet le fil de ce qui pourrait être l'histoire d'une rupture, ou d'un deuil, effleure la douleur du renoncement à un enfant qui ne viendra "peut-être jamais" mais qu'elle continuera d'attendre, toujours. Une prière à qui ne doit pas l'oublier, une réflexion sur le temps qui passe, dans cette chanson miroir, "Tu fais ton âge", ou une lettre à Suzanne, l'amie imaginaire à qui Sophie demande "ce qu'elle a fait de ses étoiles". "Qui tiendra ma main, qui prendra mon pouls, qui changera les fleurs", demande encore Sophie, dans "Sucrer les fraises". "J'irai planter ma tente, dans l'Eden chez Dante, un jour"

Un disque écrit au cours (au terme ?) d'une période dont on comprend à demi-mots qu'elle fut douloureuse, des chansons pour solder le passé et entamer un nouvel épisode, "passer à autre chose". Un disque intime sans jamais être impudique, peut-être parce que la presque totalité des chansons s'adressent à cet autre, cette présence, le fantôme qui donne son nom à l'album. Peu de morceaux au "je" et à l'arrivée des chansons qui parlent de nous, aussi. Un disque sur la féminité, la peur de se flétrir, le coeur qui devient "un jardin ou les fleurs n'ont plus de parfum", le désir qui fuit, l'appétit du temps qu'on n'arrête pas. Un disque mélancolique où la voix de Sophie prend toute son ampleur, grave sur certains morceaux, plus aigue sur d'autres. Des paroles parfois sombres qui contrastent avec certains mélodies dansantes, et ligne de fond, ce plaisir qu'elle semble prendre à les chanter.

J'ai aimé que La grande Sophie confie sa joie de lire des critiques aussi positives sur ce qui fut un travail de plusieurs mois. Qu'elle insiste aussi sur le labeur, justement, corollaire de cet aboutissement, la constance dont il faut faire preuve lorsqu'on souhaite tracer sa route en chansons. J'ai aimé aussi sentir sa joie de repartir sur scène: "pour une rêveuse comme moi, la tournée c'est du réel, de l'instant, pas question de se projeter dans un futur", l'aveu du trac, sa peur panique d'oublier les textes et la fébrilité de l'avant. J'ai aimé qu'elle ne semble pas particulièrement s'apprécier en photo alors qu'elle est, sans artifice aucun, ce qu'on appelle une belle femme. 

La Grande Sophie joue au Café de la Danse la semaine prochaine mais je crois que c'est complet. En revanche elle sera au Trianon le 29 mai et croyez-moi, pour l'avoir vue il y a quinze ans sur une minuscule scène, elle déménage. Pour tout savoir des dates de tournée, c'est ici.

Un grand merci à Coralie…

Edit: Oui bon j'étais contente je crois que ça se voit. J'ai sorti mon sourire n°1, celui qui fait disparaitre mes yeux, enfin surtout un. En même temps sinon il y a la version constipée, qui dans un autre genre est pas mal non plus.

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Edit 2: je préférerais qu'on n'aborde pas le sujet de ma frange wawy.

Edit 3: allez, pour celles et ceux qui ne connaitraient pas:

 

La nostalgie sera toujours ce qu’elle était

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Hier, je descendais la rue Jean-Pierre Timbaud, dans le 11ème arrondissement de Paris. Je suis passée devant ce premier appartement que nous avons habité le churros et moi, celui où les twins furent conçus. J'ai eu un pincement au coeur, comme à chaque fois. Les années filent à la vitesse de la lumière alors qu'il me semble que c'était hier que nous appelions mes parents pour leur annoncer qu'il y en avait deux.

Nous sortions du cabinet de ma gynécologue, rue Jean-Pierre Timbaud, justement.

Hier, juste avant moi, elle recevait une jeune femme qui ne cessait de caresser un ventre encore inexistant, avec une fierté non dissimulée. Et juste après moi, c'était au tour d'un couple fébrile, autant que nous l'étions dans cette salle d'attente il y a si peu de temps et pourtant un siècle.

Hier, elle m'a demandé si on gardait ce stérilet, si j'avais d'autres projets. J'ai aimé qu'elle me pose la question, comme une confirmation de cet encore possible. Pourtant, j'ai répondu sans l'ombre d'une hésitation qu'on ne changeait rien, non. Il me semble avoir tant encore à prouver, tant à vivre, tant à découvrir, que cette porte se referme sereinement. Pour la première fois depuis longtemps, j'ai enfin la certitude qu'un bébé ne fait plus partie du tableau. De la nostalgie, il y aura toujours. De la tristesse aussi parce que ces douze dernières années furent si belles et si douces que leur dire au revoir ne se fait pas sans un pincement au coeur. Mais hier, en descendant la rue Jean-Pierre Timbaud, je me suis sentie légère et prête à entamer un autre épisode de cette drôle de chose qu'est la vie. 

 

Panique à bord

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Je sais, je vous ai bien bassinés avec mon conte de fée mauricien. Ce que je ne vous ai pas raconté en revanche, c'est que le retour en avion a été épouvantable. J'en rigole aujourd'hui mais sans exagération, il m'a fallu trois jours pour remonter la pente. Douze heures de panique intense, ça laisse des traces et je ne serais pas étonnée d'avoir perdu quelques points de vie dans l'histoire. Autant vous dire que j'ai regretté de ne pas avoir demandé à Violette un donormyl avant de partir, peut-être cela m'aurait-il évité de pleurer à chaudes larmes les trois quarts du voyage. Hélas, comme je l'ai déjà dit à plusieurs reprises, ma peur de l'avion est telle que je refuse de prendre des somnifères, convaincue qu'en cas de problème j'aurais tout à gagner à être en totale possession de mes moyens. Je n'arrive pas à savoir si c'est là le signe d'un pessimisme pathologique ou d'un optimisme ravageur. Allez, je vous raconte.

22h30: Je viens de m'installer dans mon siège quand une dame pousse un cri. Alors qu'elle était en train de mettre sa valise dans la cabine, tous les masques à oxygène de sa rangée sont tombés, d'un coup.

22h31: Je ne prends pas très bien le fait de voir les masques à oxygène pour de vrai. 

22h32: Le churros trouve que c'est plutôt rassurant, "ça montre qu'il y en a". Par contre il espère que ça n'est pas un coup à ce que ça nous retarde, genre que l'avion ne serait pas conforme pour partir avec des masques qui vivent leur vie tous seuls.

22h33: J'estime pour ma part que c'est un très mauvais présage. Je suggère qu'on descende et qu'on attende le prochain.

22h35: Alors que le churros me convainc tendrement de rester calme (en serrant ma ceinture tellement fort que tout plan d'évasion est devenu impossible), deux gars en gilet fluo viennent réparer les masques à oxygène. La dame n'a pas l'air ravie que ce soit sa rangée à elle qui semble merder. Quant aux deux gus, s'ils sont réparateurs d'avion, moi je suis Condoleeza Rice.

22h37: Est-ce que me réjouir silencieusement du fait que ça ne soit pas MON masque qui soit défectueux fait de moi une horrible femme ?

22h38: Le churros confirme que me réjouir silencieusement du fait que ça ne soit pas MON masque qui soit défectueux fait de moi une horrible femme. Il ajoute que je ne me réjouis pas particulièrement silencieusement, en plus.

22h41: Je me fous complètement d'être une horrible femme. Au moins, moi, je ne demande jamais à être assise à côté de la sortie de secours. Enfin, depuis que je m'y suis trouvée une fois sans faire exprès et qu'il a fallu que je lise un papier dans lequel on m'expliquait que s'asseoir là impliquait de s'engager à aider l'équipage en cas d'évacuation d'urgence. Le pire voyage de toute ma vie. Il ne fait en effet aucun doute qu'en cas d'évacuation d'urgence je saute en premier. Horrible, donc, mais honnête.

22h45: Sur Air Mauritius, au lieu de la présentation des consignes de sécurité par les hôtesses, une petite vidéo en images de synthèse est projetée sur les écrans TV. Personne ne regarde, excepté moi. Plutôt mourir que de louper une info qui pourrait potentiellement me sauver la vie durant les 11h prochaines heures de vol.

22h47: Visiblement le gars qui a monté la vidéo s'est fait accompagner par un psy pour le texte. A chaque fois qu'un crash ou une dépressurisation sont évoqués, il répète au moins dix fois "it is unlikely" sur le même ton qu'on emploierait pour proposer une deuxième ration de pâtes. Des précautions vite réduites à néant par les animations en 3D, qui elles donnent dans le concret: et vas-y qu'on nous montre des gens aux têtes de playmobils en train de glisser sur un grand toboggan, et vas-y qu'on mime un atterrissage en urgence avec position de l'oeuf ("embrace") en anglais, et vas-y qu'on t'explique qu'avant d'aider la petite fille en train d'étouffer à côté de toi, il faut d'abord régler ton propre masque. Je préviens le churros que n'étant pas assise à côté de la porte d'évacuation et ne m'étant donc engagée en rien, il devra gérer comme un grand son masque à oxygène.

22h48: La vidéo montre le fonctionnement des gilets de sauvetage mais aussi des tentes gonflables pour y mettre les bébés des fois qu'on dériverait sur l'océan indien.

22h49: La vision du bébé joufflu en 3D allongé dans sa tente gonflable me déclenche un malaise vagal.

22h50: Le churros se marre comme une baleine quand je lui montre le bébé dans sa tente gonflable. "Et pourquoi pas une table à langer à l'intérieur", qu'il dit.

22h53: Je viens de faire mon voyage de noces avec un mec ayant à peu près autant d'empathie qu'Hannibal Lecter.

22h56: PNC aux portes et tout le tintouin, on va décoller. 

22h57: Juste après qu'on nous passe tous à l'insecticide pour mesures sanitaires. Des fois qu'on ramènerait la dengue ou le chikunguya. "les produits vaporisés ne sont pas nocifs", susurre une hôtesse. C'est donc un pur hasard si mes bronchioles semblent se rétracter comme des huitres.

22h58: Si après la dose de sulfates qu'on vient de nous balancer un seul des hommes présents dans l'avion continue de fabriquer des spermatozoides je veux bien devenir nonnne. Tout ce que j'espère c'est que tant qu'à faire, le produit marche sur les lentes. Je ne suis jamais complètement certaine de ne pas en avoir.

23h00: On décolle.

23h01: On fait un virage à 90° alors qu'on rase encore les cocottiers.

23h02: La bonne nouvelle c'est qu'on ne devrait pas avoir à gonfler la tente à bébés vu que le crash, si mes calculs sont bons, est prévu pour dans deux minutes au dessus de Port Louis.

23h05: Je tente de calmer mon angoisse en engageant la conversation avec le churros.

23h06: Qui dort.

23h07: La bouche ouverte.

23h08: Avec un loup vert anis sur les yeux.

23h12: La bonne nouvelle c'est qu'on a fini notre lune de miel.

23h13: La mauvaise nouvelle c'est qu'on a vraiment fini notre lune de miel.

23h14: "Mesdames et messieurs nous allons traverser une zone de turbulences, nous vous prions de rester attachés".

23h16: Je réveille le churros pour lui dire de rester attaché.

23h17: Le churros ne semble pas goûter la plaisanterie. 

23h18: Je dis au churros dans un sanglot que je sens mal ce voyage.

23h19: Le churros me rappelle que je sens mal TOUS les voyages. Et me montre l'hôtesse qui arrive avec le charriot du repas: "tu vois, tout va bien, la routine".

23h20: Soit on vient de traverser un trou d'air, soit le pilote est shooté aux insecticides. L'hôtesse vient en tous cas de s'affaler sur ses plateaux repas et il me semble avoir entendu un cri en provenance des toilettes.

23h21: Je me jette dans les bras du churros.

23h22: Qui dort.

23h23: "Mesdames et messieurs, en raison de la violence des turbulences que nous traversons, nous sommes exceptionnellement contraints d'interrompre le service en cabine. Il reprendra dès que les conditions le permettront".

23h24: On va crever. Cette fois-ci c'est la bonne, ON VA CREVER. 

23h25: J'entends une dame derrière moi chuchoter qu'elle n'a JAMAIS VU UN SERVICE EN SALLE INTERROMPU. 

23h26: L'hôtesse est assise sur son petit siège, arnachée comme si elle s'apprêtait à sauter en parachute.

23h27: Je suis face à ma mort.

23h28: Ma mort a un loup vert anis et un filet de bave qui coule de sa bouche.

23h30: Si j'en réchappe je lui fais bouffer son loup.

23h51: Après une demi-heure à nous faire secouer comme des pruniers, l'hôtesse se lève et nous sert enfin le repas. 

23h52: Bizarrement, alors que mes pleurs bruyants ne l'ont pas réveillé, la seule odeur du sauté de poulet suffit à faire émerger le churros, qui consent à enlever son loup. 

23h53: Incapable de manger une seule miette de ce qui sera, j'en suis désormais convaincue, mon dernier repas, je lance un regard lourd de reproches au churros. Celui-ci, pas gêné pour un sou, me demande s'il peut prendre mon sauté de poulet. 

00h02: Je tente de me changer les idées en regardant une vidéo sur la prévention des troubles de la circulation. La fille, tranquillement installée dans une chaise longue, à l'ombre d'un palétuvier, montre les mouvements à répéter régulièrement durant le trajet. Je répète consciencieusement ses gestes et effectue des huit avec mes pieds, dans le sens des aiguilles d'une montre, puis dans l'autre. Ensuite je détends mes poignets et roule mes épaules. Le churros se bidonne quand il comprend ce que je suis en train de faire. Marre toi, que je lui dis. Quand tu seras hémiplégique à cause d'un gros caillot qui aura explosé à l'atterrissage, tout ça parce que tu n'as pas fait des huits avec tes pieds, on verra qui c'est qui rigolera le dernier. Il arrête de se marrer et discretos, il fait des huits lui aussi. Il croit que je ne le vois pas mais tu parles.

00h04: "Mesdames et messieurs, nous allons à nouveau traverser une zone de turbulences, bla bla bla".

00h05: Mon collant compensé me scie le haut du mollet. 

00h07: Je suis à deux doigts d'aller enlever cet instrument de torture. L'idée de me protéger d'une phlébite alors que je suis ballotée au dessus du Kenya dans une carlingue qui date de l'avant-guerre à en juger par les bruits monstrueux qu'elle fait à chaque trou d'air me semble être le comble de l'absurde.

00h10: En même temps, en imaginant que j'arrive à me glisser dans une tente gonflable ni vu ni connu et que j'en sorte indemne, ce serait vraiment dommage que pile poil à ce moment là je me tape une embolie. Tout ça pour avoir voulu un peu plus de confort. Du coup je me refais une série de huits.

02h13: L'avion continue de tanguer. Je tente un exercice de pleine conscience. Mon corps est un temple, ma respiration se fait légère et je prends conscience de mon existence au sein de cet avion. Avion qui lui même occupe un espace à lui au milieu de l'immensité du ciel africain. Immensité au regard de laquelle je ne suis qu'un grain de sable minuscule. Je suis un confetti au dessus du Kilimandjaro. 

02h14: Et mon pouls est à 200 pulsations par minute.

02h17: Je n'aurais JAMAIS du démissionner.

02h19: Mes enfants seront orphelins, tout ça parce que papa et maman avaient envie de péter dans la soie chez Maurice. 

02h22: Ce n'est pas comme si "on" ne m'avait pas envoyé quelques signes. Trois fois rien, hein. Des passeports périmés, une erreur dans le nom de mon mari (ex-mari s'il n'arrête pas IMMEDIATEMENT de ronfler), les masques à oxygènes qui tombent AVANT le décollage… Je l'imagine, là haut, mon ange gardien, en train de s'arracher les cheveux et de chialer qu'on lui a vraiment collé une demeurée, sourde et aveugle, à protéger.

03h00: Tous les passagers dorment, alors que les turbulences sont telles que désormais l'hôtesse ne diffuse même plus de message. Genre elle a jeté l'éponge. L'idée que ces gens puissent s'assoupir alors que c'est une question de minutes avant qu'on entasse des nourrissons dans des tentes flottantes me sidère. 

04h00: Un nouveau message est diffusé. La voix est grave: "Mesdames et messieurs, nous vous demandons toute votre attention…". Là c'est bon, le pilote va nous annoncer qu'il a tout tenté mais que c'est terminé. Où est cette putain de tente, bordel ? "… L'état de santé d'un de nos passagers requiert l'intervention d'un médecin de toute urgence. Merci de vous présenter à l'avant de l'appareil".

04h01: On ne va pas mourir. Enfin, "un de nos passagers" va peut-être mourir mais pas tout le monde. Je réveille le churros pour lui annoncer la bonne nouvelle.

04h02: Le churros grogne que le fait qu'un des passagers soit malade n'est pas à proprement parler une bonne nouvelle. Dans l'absolu et aussi parce que ce serait con qu'on doive atterrir à Tripoli pour raisons médicales.

04h03: Je suis tiraillée entre mon envie de poser un pied sur la terre ferme et ma peur de me retrouver à Holms sous les tirs croisés de l'armée libre et des hommes de Bachar el Assad.

04h04: Le churros me dit que Tripoli c'est en Libye et que Holms en Syrie. Et que la Syrie n'est pas sur notre trajet. Il commence à me faire chier à jouer sur les mots comme ça.

05h00: Pas de nouvelles de la chochotte même pas capable de garder ses angoisses pour lui. Est-ce que j'appelle l'hôtesse, moi, pour lui demander de me dégotter un médecin fissa, histoire de vérifier que mon collant n'est pas en train de me provoquer une gangrène du mollet ? Pourtant dieu m'est témoin que ça n'est pas l'envie qui manque.

06h02: Sur l'écran, je crois voir que notre avion semble désormais voler au dessus de l'Italie. Je ne voudrais pas paraitre ethnocentrée mais je suis passablement rassurée d'être dans l'espace européen. Ce qui ne m'empêche pas de continuer à prier pour ma survie.

07h00: On arrive enfin à Roissy, non sans une dernière zone de turbulences, des fois qu'on n'en aurait pas eu notre compte. Je fais le serment de ne pas remonter dans un avion avant que Rose ne soit majeure. La nuit à imaginer tous ses futurs anniversaires dans un foyer de l'aide sociale à l'enfance, séparée de ses frères et soeurs toxicomanes m'a littéralement épuisée. Le churros enlève enfin son loup et me sourit niaisement: "ben tu vois, c'est passé comme une lettre à la poste". Seule mon extrème fatigue me retient de lui péter le nez.

Littérature jeunesse : les conseils de Marje, #2

Loulit
Avec un peu de retard, voici donc la deuxième partie de la chronique de Marje. Cette fois-ci elle nous livre ses précieux conseils pour les ados. Avant de lui laisser la parole, petit apparté. On me demande souvent comment faire pour que les enfants lisent, eu égard à la quantité astronomique de bouquins que s’envoient mes grands. Honnêtement, je ne sais pas vraiment. Je voudrais bien vous dire qu’il y a une recette, mais fille aînée d’une fratrie de quatre, je me souviens que ma soeur et moi étions de véritables boulimiques de livres quand mes frères préféraient les jeux en plein air ou les consoles (préhistoriques) d’alors. Tout juste s’ils daignaient ouvrir des Asterix. L’un de mes frères est aujourd’hui un lecteur plutôt très pointu, l’autre est toujours moyennement porté sur la chose. Pourtant, nous avons reçu il me semble la même éducation. Et nous avions la même mère prof de français, connaissant je pense la carte de France des bibliothèques sur le bout des doigts. En lire plus »

Maurice en Instagram

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Je vous avais dit que c'en était fini de Maurice mais étant un peu dans les choux depuis mon retour et surtout en transit entre Paris et Lyon pour aller chercher mes lardons, je me suis dit qu'en guise de billet, je pouvais aussi vous livrer ces instantanés, plus spontanés que mes photos au Reflex, sans forcément grande valeur artistique (ceci dit les autres ne sont pas non plus très remarquables, j'ai une grande conscience de mes limites en la matière, même si j'adore l'exercice) mais que j'aime parce que bizarrement, je n'immortalise pas la même chose à l'I-phone qu'au Reflex. Je me demande s'il n'y aurait pas matière à thèse universitaire. Non ?

Allez, je reviens demain, ou plutôt c'est Marje qui reviendra avec la seconde partie de ses conseils de lecture, pour nos ados cette fois-ci !

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Que seraient des vacances sans photos de doigts de pieds manucurés au bord d'une piscine ?

IMG_3406 Un soir il y a eu un mariage dans l'hôtel. J'avoue, j'ai trouvé ça romantique à en pleurer. Les amis des mariés chantaient "une maison bleue" de ce cher Maxime et moi j'avais les yeux qui piquaient.
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IMG_3400 Les margharitas étaient salées à souhait. Et chargées à bloc (les Mauriciens ne sont pas radins au niveau de l'alcool)
IMG_3380 Je crois que c'est ainsi que je m'imagine le chateau marmont à L.A. On dirait qu'Ava Gardner va débouler, non ?
IMG_3354 Le churros au matin faisait trois repas en un: d'abord les croissants, ensuite oeuf/bacon/baked beans et enfin assiette de fruits ("ça pousse le caca")
IMG_3353 Vu qu'on n'avait pas pris de demi-pension, on s'est rabattu plus d'une fois sur le room service (en somme nous avons mangé essentiellement des clubs sandwichs. Très couleur locale)
IMG_3342 Les troncs des filaos me fascinent, ils ont quelque chose de… sexuel ? (ou alors je dois aller voir "quelqu'un" vous pensez ?)
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